Un an de pontificat: la parole à la rédaction

Les images, les paroles, les gestes du pape François

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Les théologiens, les observateurs, les commentateurs, évoquent depuis quelques jours déjà le premier anniversaire de l’élection du pape François, le mercredi 13 mars 2013. Certains affirment que le pape a déjà changé « tout le monde ». Des théologiens jusqu’ici hostiles à Rome affirment un « bilan très positif ».

Pendant ce temps, le pape, à contre-pied des célébrations, prie, médite, en silence, à Ariccia, avec quelque 80 collaborateurs, en retraite, comme c’est la coutume la première semaine de carême (9-14 mars). Il s’autorise seulement à twitter, comme en écho à ses paroles au soir du 13 mars 2013 : « Priez pour moi ! »

Alors nous avons eu l’idée de demander à brûle-pourpoint aux « quatre voix » de la rédaction de Zenit en français – Anne Kurian, Hélène Ginabat, Océane Le Gall, Anita Bourdin –  les « images » et les paroles qui se sont imprimées dans leur esprit pendant ces douze mois avec le pape « venu de loin ».

Qu’est-ce qui vous a le plus frappées au soir de l’élection du pape François ?

Anne Kurian – C’est de voir la foule qui est arrivée Place Saint-Pierre et qui est restée, qui « savait » : elle était comme poussée par l’Esprit Saint, alors, oui, j’ai compris en la voyant que ce serait « pour ce soir ».

Et puis il y a eu l’émotion de voir le pape qui a mis le peuple de Dieu à la première place : il s’est incliné, pour reconnaître la présence de l’Esprit Saint, et que la foule était protagoniste de ce qui se passait.

Hélène Ginabat – Je suis arrivée en courant sur la place, et j’ai été émue de voir la ville de Rome arriver aussi en courant : on me l’avait raconté, mais j’ai été saisie par cet enthousiasme et cette grande attente de la ville de Rome. Et puis le pape qui s’incline pour qu’on prie sur lui, le grand silence à ce moment-là, le pape presque un peu maladroit.

Océane Le Gall – J’ai été frappée en apprenant son nom, et en le voyant comme figé au balcon, comme paralysé par l’émotion.  Et puis finalement ce « bonsoir », « buona sera » qui disait : « Je vous vois, vous êtes présents », comme s’il voyait que sa mission était là, sous ses yeux, avec tout ce que les gens attendaient de lui.

Anita Bourdin – Le nom de François et la demande de prière du « pasteur » à son « peuple ». Jean XXIII s’est rendu à Assise en train, en 1962. Jean-Paul II y a entraîné les représentants des religions, notamment en 1986 et 2002, après les attentats du 11 septembre 2011, affirmant, contre les idées reçues, la force de la religion pour la paix. Benoît XVI a célébré l’anniversaire de la première rencontre de 1986, en 2011, en demandant pour la première fois aux non–croyants de s’associer à cette démarche pour la paix du monde. Dans le sillage de cette « tradition », et pourtant de façon nouvelle, le pape a placé François au cœur de son pontificat. Cela s’est traduit en paroles et en gestes comme la prière pour la paix en Syrie, le pèlerinage à Assise…

Des « photos » de ces douze premiers mois ?

Océane Le Gall – Je suis frappée par son allure, sa façon de marcher, qui dégage une grande sympathie : c’est monsieur tout le monde, mon curé de paroisse, inoubliable, dès le premier soir ! Avec des grand pas, il va de l’avant, son corps parle pour lui avant qu’on le décrypte : dans son allure, il montre ce qu’il est déjà. Il n’avance pas timidement ni solennellement, mais d’un pas décidé, bien planté sur le sol, cela m’a beaucoup frappée.

Et puis quand il embrasse les foules, il est comme la colonnade de Saint-Pierre !

Je suis aussi frappée par le fait qu’il est incapable de feindre. On est habitué, en cas de désaccord, et d’images protocolaires, à voir les personnalités détourner le regard : on évite le regard de l’autre. Lui, non : il regarde les yeux dans les yeux. C’est cela qui est merveilleux, il oublie les photographes, il plante ses yeux dans les yeux de l’autre, l’autre en face baisse les yeux, pas toujours fier, en tous cas remué. Il faudrait poser la question à qui a fait cette expérience : quand le pape vous a regardé qu’est-ce que vous avez ressenti au fond de vous ? Poser la question aux plus célèbres, aux moins cathos, qui se retrouvent timides face au pape. Quel que soit le pape ! Même les crâneurs ne crânent plus, comme devant un père qui regarde son fils : qu’est-ce qui se passe au-dedans… ?

Hélène Ginabat – Une des photos qui me restent c’est la première rencontre du pape François à Castelgandolfo avec Benoît XVI, à la sortie de l’hélicoptère, face à face. Une autre, celle du pape qui embrasse le pied d’un jeune, le Jeudi Saint, à Casal del Marmo. L’autre pied était… tatoué. La croix pectorale du pape se penchait avec lui.

Anne Kurian – L’image du pape le pouce levé, qui dit à la fois optimisme et encouragement : c’est une image qui me plaît, très naturelle, cool, jeune !

Et puis celle du petit garçon autiste qui enlace le pape sur le podium : lorsque la sécurité veut le faire partir, il s’accroche au pape. La simplicité de la réaction du pape et la confiance du petit garçon : les enfants sentent bien les choses. Il se passe quelque chose de simple et fort à la fois, entre les deux …

Anita Bourdin – Le pape qui rattrape au vol un chapelet qu’on lui lance pendant une audience générale. Un geste joyeux – il est entré dans le jeu de qui l’a lancé -, et délicat : rien de ce qu’on offre au pape n’est perdu, surtout s’il s’agit de Marie ! Il va déposer des fleurs sur l’autel de l’icône de Marie « Salut du Peuple romain », et lui confier son pontificat et Rome, de bonne heure, dans une voiture de la sécurité vaticane, à Sainte-Marie Majeure. Il touche la statue de la Vierge Marie à la fin des célébrations : un geste simple, un geste d’amour… Il n’a pas peur de manifester publiquement son amour pour Marie, pour le Christ, pour les gens, il est libre. L’école de saint Ignace, école de liberté…

Des paroles qui se sont imprimées en vous ?

Hélène Ginabat – « Le Seigneur ne se lasse jamais de pardonner c’est nous qui nous lassons de lui demander pardon » : j’étais sur la place, au premier angélus, lorsque le pape a dit cela, cela m’est resté. Et puis: « Ne vous laissez pas voler l’espérance ! »

Anne Kurian – « N’acclamez pas le pape François mais Jésus ! » et la foule le fait quand il passe dans les rangs on entend : « Jésus, Jésus » ! J’ai aussi été frappée par une phrase de la première homélie du pontificat, le lendemain de l’élection, lors de la messe avec les cardinaux : quand on ne confesse pas Jésus-Christ, on confesse la mondanité du démon. Dès la première homélie, il évoquait ce choix radical du chrétien. Son secrétaire, Mgr Alfred Xuereb, dit que lorsque le pape veut se détendre il prie son chapelet : il n’a pas de loisir, il est tout donné, il est lui-même un exemple de radicalité, inspirateur…

Anita Bourdin – Il a l’art des images efficaces. On peut faire beaucoup d’homélies sur la joie chrétienne, mais dire qu’un chrétien ne doit pas présenter une « face de piment au vinaigre», ça, on s’en souvient ! Et aux jeunes « ne vous laissez pas voler votre espérance ! » Lors des JMJ de Rio, au cours de la rencontre improvisée avec les jeunes Argentins, il leur demande de « mettre la pagaille » ! On attend encore que les jeunes osent le faire dans les diocèses, dans leu
rs milieux de vie, pour annoncer le Christ, faire entendre leur joie !

Océane Le Gall – Il y en a de très belles. Mais surtout, il a un ton très doux pour les foules, plus dur avec les siens, des mots justes, sur ce que doit être un prêtre, un évêque… Ses paroles pour les jeunes, les laïcs, sont très encourageantes, pleines d’espérance. Il encourage beaucoup les laïcs à parler et à agir.

Un déplacement qui vous a marqué ?

Océane Le Gall – Lampedusa, le lavement des pieds le Jeudi saint… sa façon de ne pas vouloir de caméras, de ne pas se montrer, préserver l’intimité. Et Rio, c’est sûr. Mais j’ai aussi été frappée par son attitude avec le pape Benoît XVI. Le pape Benoît représente une culture différente, une éducation différente, avec des règles rigides depuis l’enfance. Cette culture allemande est bien différente de l’éducation en Amérique latine où l’on peut parler, bouger. Et pourtant, je les vois tous les deux humbles, priants, profonds. Ils ne sont pas antagonistes. Ils s’apprécient, ils se complètent, ce qui n’apparaît pas chez l’un apparaît chez l’autre. C’est très émouvant de les voir ensemble.

Hélène Ginabat – Lampedusa évidemment, son premier voyage et son interpellation : « qu’as-tu fait de ton frère ? » « Est-ce que nous avons pleuré quand nous avons entendu la nouvelle ? » Et les images du Brésil, la foule sur la plage, le pape dans sa voiture, quasiment bloquée sous la foule : un peu angoissant, très symbolique ! Car il n’avait (apparemment) pas peur des personnes, on avait peur pour lui, mais son besoin de se laisser rencontrer par les personnes se manifestait de cette façon, qu’il n’avait pas choisie, à ce moment-là.

Anne Kurian – Il y a l’image paradisiaque de la JMJ de Rio : le sable fin, l’océan, et les jeunes venus pour adorer le Christ, porter témoignage. Il a quelque chose qui me touche dans cette image qui réunit la beauté de la nature et la beauté de ce que l’on peut vivre dans la foi. Certains pensent qu’être chrétien c’est se renier, être malheureux, faire des sacrifices : or, comme le disait le pape Benoît, le Christ n’enlève rien, il donne tout.

Anita Bourdin – Le lavement des pieds, le Jeudi saint dans la prison pour mineurs de Casal del Marmo. C’était une habitude du cardinal Bergoglio et en étant pape, il ne cherche pas à « innover », il reste fidèle à lui-même, sans faire acception de personne : des jeunes filles, des non-chrétiens…

Sa visite à Lampedusa : le pape qui jette des fleurs en mer en mémoire des disparus et réveille les consciences : « Qui a pleuré sur ces personnes qui ont péri en mer ? Qui a pleuré aujourd’hui dans le monde ? ».

A Rio, la plage rebaptisée « Papacabana » investie par 3 millions de jeunes, et ce garçon de neuf ans qui se faufile pour venir dire au pape : « je veux être prêtre ». Le charisme du pape François, c’est aussi ces rencontres, en cœur à cœur, même au milieu des foules.

Des gestes que vous retenez ? 

Anne Kurian – Lorsque le pape remet la capuche ou le bonnet des enfants pour les protéger du froid ou du soleil Place Saint-Pierre, son attention au bien-être des petits enfants, à leur santé. Et puis lors de la rencontre avec les journalistes, lorsqu’il nous a donné sa bénédiction, mais silencieuse, sans faire les gestes ni prononcer les paroles: une bénédiction dans le cœur par respect pour les non-chrétiens, par respect de celui qui ne croit pas. 

Anita Bourdin – La façon dont il a salué le maître des célébrations liturgiques pontificales, Mgr Guido Marini, lors de la veillée à Rio, en arrivant sur le podium : une accolade fraternelle et chaleureuse, qui m’a frappée étant donné la réserve naturelle de Mgr Marini. Le pape a un cœur brûlant d’amour, les foules ne s’y trompent pas. C’est aussi cela qui le rend si déterminé : une fois qu’il a consulté, réfléchi, prié, il trace ! Comme une maman ou un papa qui voit ce qui est bon pour ses enfants : la même détermination.

Hélène Ginabat – Place Saint-Pierre, l’une des premières audiences, le pape François s’est arrêté, il est descendu de voiture, et il a embrassé les personnes handicapées, à bras le corps et en même temps avec douceur. J’avais l’impression qu’il était fatigué, mais il ne s’arrêtait plus, j’ai pleuré. Il était livré.

Océane Le Gall – Ses caresses, ses mains sur la tête des malades, des enfants, sans peur de toucher, son besoin de toucher « la chair du Christ ».

Quelque chose à ajouter ?

Océane Le Gall – On suit le Saint-Père tous les jours, on a envie de transmettre ce qu’a dit le pape matin, soir, après midi, c’est du pain quotidien. Et progressivement, des media qui eux ne parlaient jamais de l’Eglise, des événements, pas même de Pâques ou de Noël se mettent à en parler, même si c’est parfois avec maladresse en raison d’un manque de connaissance. On entend des radios qui commencent à parler de miséricorde ! C’est très touchant : même avec des erreurs ou des maladresses, ils en parlent quand même, il n’y a plus le même frein dans la manière de parler de la religion. On constate un respect des paroles du pape, c’est énorme !

Anne Kurian – Ses homélies du matin sont toujours décapantes. Dans l’une d’elle, il a affirmé que « les miracles existent encore », mais qu’il fallait « une prière courageuse, qui lutte pour arriver à ce miracle ». Il a raconté l’histoire de cet homme qui avait « lutté » et obtenu la guérison de sa fille : « Et il priait, il priait, il pleurait, il priait … et il resté là toute la nuit. Cet homme luttait : il luttait avec Dieu, pour la guérison de son enfant. »

Anita Bourdin – J’ai été impressionnée par l’anecdote qu’il a racontée aux prêtres de Rome sur la miséricorde d’un saint prêtre de Buenos Aires, un confesseur recherché, et sa prière auprès du défunt: « donne-moi la moitié de ta miséricorde ». Il porte sur son cœur la petite croix du chapelet de ce prêtre et il la touche, comme pour appeler à l’aide, quand il a du mal avec une personne. C’était la seconde fois qu’il affirmait : c’est aujourd’hui le temps de la grande miséricorde.

Hélène Ginabat – Le pape François a des paroles exigeantes, au-delà de la sympathie, il nous secoue. Notamment dans ses homélies, mais en même temps, on sent qu’il a raison, qu’on ne peut se contenter de l’écouter, qu’il faut accepter de se laisser entraîner, ne pas rester spectateurs : il est vraiment exigeant.

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ZENIT Staff

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