« Vous êtes un don pour cette maison », affirme le pape François à l’adresse des résidents de la Maison « Don de Marie » qui accueille le pauvres au Vatican. Une occasion pour le pape d’évoquer les causes de la crise économique et sociale actuelle: « Nous devons tous récupérer le sens du don, de la gratuité, de la solidarité. Un capitalisme sauvage a enseigné la logique du profit à tout prix, du donner pour obtenir, de l’exploitation sans regarder les personnes… et les résultats, nous les voyons dans la crise que nous sommes en train de vivre! »
Au contraire, a souligné le pape, cette « école » de la charité « enseigne à aller à la rencontre de toute personne, non pour le profit mais par amour ».
Le pape s’est en effet rendu à cette maison tenue par les soeurs de mère Teresa, ce 21 mai, vers 17 h 30, en visite privée, accompagné du cardinal Angelo Comastri, de Mgr Georg Gänswein, et de Mgr Alfred Xuereb, à l’occasion du 25e anniversaire de la fondation.
La rencontre a eu lieu dans la cour entre la maison, le palais du Sant’Uffizio et l’atrium de la Salle Paul VI, où il y a peu se trouvait la salle de presse pour le conclave.
Le pape y a été reçu par la supérieure générale des Missionnaires de la Charité, soeur Pierick Mary Prema et les soeurs ont mis au cou du pape les traditionnelles fleurs indiennes pour accueillir les hôtes.
La maison accueille environ 25 femmes et les 60 hommes qui viennent y manger chaque jour. Après son discours, le pape a salué chacun un à un.
Allocution du pape François
Chers frères et soeurs, bonsoir.
Je vous adresse à tous une salutation affectueuse; et de faon spéciale à vous, chers hôtes de cette Maison, qui est surtout la vôtre, parce qu’elle a été pensée et instituée pour vous. Je remercie ceux qui, de différentes façons, soutiennent cette belle réalité du Vatican. Ma présence ce soir veut avant tout être un merci sincère aux Missionnaires de la Charité, fondées par la bienheureuse Teresa de Calcutta, qui travaillent ici depuis 25 ans, avec de nombreux bénévoles, en faveur de tant de personnes qui ont besoin d’aide. Merci de tout coeur! Vous, chères soeurs, vous rendez visible, avec les [frères] Missionnaires de la Charité et les collaborateurs, l’amour de l’Eglise pour les pauvres. Par votre service quotidien, vous êtes – comme le dit un psaume – la main de Dieu qui apaise la faim de tout être vivant (cf. Ps 145,16). Combien de fois, au cours de ces années, vous vous êtes penchées sur qui en avait besoin, comme le Bon Samaritain, vous l’avez regardé dans les yeux, vous lui avez donné la main pour le soulager! Combien de bouches vous avez nourries avec patience et dévouement! Combien de blessures, spécialement spirituelles, vous avez pansées! Aujourd’hui, je voudrais m’arrêter sur trois mots qui vous sont familiers: maison, don, Marie.
1. Cette structure, voulue et inaugurée par le bienheureux Jean-Paul II est une « maison » – mais c’est une affaire entre saints, entre bienheureux! Jean-Paul II, Teresa de Calcutta; et la sainteté est passée, c’est beau cela! -. Et lorsque nous disons « maison », nous voulons dire lieu d’accueil, une demeure, un milieu humain où se sentir bien, se retrouver soi-même, se sentir intégré dans un territoire, dans une communauté. Encore plus profondément, « maison » est un mot à la saveur typiquement familiale, qui rappelle la chaleur, l’affection, l’amour dont on peut faire l’expérience dans une famille. La « maison » représente alors la richesse humaine la plus précieuse, celle de la rencontre, celle des relations entre les personnes, différentes en âge, culture, histoire, mais qui vivent ensemble et qui s’aident à grandir ensemble. C’est justement tout cela que la « maison » est un lieu décisif de la vie, où la vie grandit et peut se réaliser, parce que c’est un lieu où chaque personne apprend à recevoir de l’amour et à donner de l’amour. C’est cela la « maison ». Et c’est ce que cette « maison » cherche à être depuis 25 ans! A la frontière entre le Vatican et l’Italie, elle est un appel fort pour nous tous, pour l’Eglise, pour la Ville de Rome, à être toujours davantage famille, « maison » où l’on est ouvert à l’accueil, à l’attention, à la fraternité.
2. Il y a ensuite le deuxième mot très important: le mot « don », qui qualifie cette maison et en définit l’identité typique. C’est en effet une maison qui se caractérise par le don, par le don réciproque. Qu’est-ce que je veux dire? Je veux dire que cette maison donne accueil, soutien matériel et spirituel à vous, chers hôtes, qui venez de différentes parties du monde; mais vous aussi vous êtes un don pour cette maison et pour l’Eglise. Vous nous dites qu’aimer Dieu et son prochain n’est pas une chose abstraite mais profondément concrète: cela signifie voir en toute personne le visage du Seigneur à servir, et le servir concrètement. Et vous, chers frères et soeurs, vous êtes le visage de Jésus. Merci! Vous « donnez » à ceux qui travaillent en ce lieu la possibilité de servir Jésus en qui est en difficulté, en qui a besoin d’aide. Cette maison est alors une transparence lumineuse de la charité de Dieu, qui est un Père bon et miséricordieux pour tous. Ici, l’on vit une hospitalité ouverte, sans distinction de nationalité ou de religion, selon l’enseignement de Jésus « vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10,8). Nous devons tous récupérer le sens du don, de la gratuité, de la solidarité. Un capitalisme sauvage a enseigné la logique du profit à tout prix, du donner pour obtenir, de l’exploitation sans regarder les personnes… et les résultats, nous les voyons dans la crise que nous sommes en train de vivre! Cette maison est un lieu qui éduque à la charité, à une « école » de la charité, qui enseigne à aller à la rencontre de toute personne, non pour le profit mais par amour. La musique – disons-le ainsi – de cette maison, c’est l’amour. Et c’est beau! Et j’aime que les séminaristes de tout le monde viennent faire ici une expérience directe de service. Les futurs prêtres peuvent ainsi vivre de façon concrète un aspect essentiel de la mission de l’Eglise et en faire trésor pour leur ministère pastoral.
3. Enfin, il y a une dernière caractéristique de cette maison: elle s’appelle « don de Marie ». La Vierge sainte a fait de son existence un don incessant et précieux à Dieu parce qu’elle aimait le Seigneur. Marie est un exemple et un stimulant pour ceux qui vivent dans cette maison, et pour nous tous, à vivre la charité envers le prochain non en vertu d’une sorte de devoir social, mais ne partant de l’amour de Dieu, de la charité de Dieu. Et aussi – comme nous l’avons entendu de la Mère – Marie est celle qui nous conduit à Jésus, et nous enseigne comment aller à Jésus; et la Mère de Jésus est la nôtre, et fait famille, avec nous et avec Jésus. Pour nous, chrétiens, l’amour du prochain naît de l’amour de Dieu et en est l’expression la plus limpide. Ici, l’on cherche à aimer le prochain, mais aussi de se laisser aimer par le prochain. Ces deux attitudes marchent ensemble, il ne peut y avoir l’un sans l’autre. Sur le papier à en-tête des Missionnaires de la Charité, ces paroles de Jésus sont imprimées: « Tout ce que vous avez fait à un seul des plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40). Aimer Dieu dans nos frères et aimer nos frères en Dieu.
Chers amis, encore merci à chacun de vous. Je prie pour que cette maison continue à être un lieu d’accueil, de don, de charité, dans le coeur de notre Ville de Rome. Que la Vierge Marie veille toujours sur vous et que ma bénédiction vous accompagne. Merci.
Traduction de Zenit, Anita Bourdin