Le chef de l’Église orthodoxe russe, le patriarche Kyrill Ier, a rencontré le président chinois, Xi Jinping, vendredi 10 mai, premier jour d’une visite historique du patriarche en Chine. Au cours des cinq jours qui ont suivi, outre les responsables des Affaires religieuses et les membres de la communauté orthodoxe en Chine. Il a aussi rencontré différents fonctionnaires chinois de haut rang.
Tous les médias internationaux ont souligné l’importance de cette visite, étant donné la situation dramatique des chrétiens en Chine et d’une Église catholique constamment persécutée. Cet événement a donc été « un signal pour l’établissement de bonnes relations entre les deux pays ».
« Vous êtes le premier patriarche de Moscou et de toute la Russie, et le premier chef religieux de haut rang qui soit venu de Russie visiter notre pays. C’est le témoignage éloquent du niveau des relations russo-chinoises », a dit Xi Jinping lors de la réunion avec Kyrill Ier à Pékin. Le président chinois s’est aussi dit « satisfait » des résultats de sa visite à Moscou au mois de mars, au cours de laquelle il avait eu, avec le président Vladimir Poutine, une discussion sur la possibilité d’une visite du patriarche en Chine.
Pour sa part, Kyrill Ier a souligné combien la Russie avait apprécié que le président de la Chine ait choisi son pays comme destination de son premier voyage à l’étranger: « C’est le témoignage du rapport particulier qui se s’est développé ces dernières années entre la Russie et la Chine ».
En février dernier, le Conseil épiscopal du patriarcat de Moscou avait émis une déclaration formelle, reprise par l’agence russe Interfax, précisant que la Chine – ainsi que le Japon – faisait désormais partie du territoire canonique du patriarcat de Moscou. Celui-ci comprenait déjà l’Ukraine, la Biélorussie, la Moldavie, l’Azerbaïdjan, les États baltes et l’Asie centrale.
L’Église orthodoxe russe a commencé son activité en Chine au XVIIe siècle, avec l’arrivée du prêtre russe Maxim Leontyev à Pékin. Mais c’est en 1713 que la mission spirituelle russe a vraiment été lancée dans le pays. Le 23 novembre 1956, le Saint Synode a concédé l’autonomie à l’Église orthodoxe chinoise. Mais, en 1997, l’Église chinoise n’ayant plus « sa propre tête », le Synode de l’Église russe avait décidé que son troupeau serait confié à la charge du patriarcat de Moscou et de toute la Russie, jusqu’à l’élection du Conseil local de l’Église orthodoxe chinoise, en conformité avec les règles orthodoxes.
Quant au Japon, il a été lui aussi nouvellement inclus dans le territoire du patriarcat de Moscou. La venue de missionnaires orthodoxes russes dans le pays y avait été précédée par la création d’un consulat russe, en 1859, avec la nomination de Iosif Goshkevich comme premier consul de la ville de Hakodate.
La visite du patriarche Kyrill Ier en Chine a donc ravivé la mémoire de l’histoire de l’Église catholique, présente dans ce pays dès le XIIe siècle, à travers la présence de missionnaires. Elle compte aujourd’hui 16 millions de fidèles.
Depuis la prise du pouvoir par les communistes de Mao Zedong en 1949, en effet, l’Église catholique chinoise a toujours été persécutée. Toutes ses propriétés furent confisquées par le Parti et de nombreux prêtres, évêques et fidèles furent tués ou emprisonnés. En 1957, le président Mao fonda l’Association patriotique, entité liée au parti communiste chinois, qui guide encore la vie de l’Église et représente la plus haute autorité à la place du pape, dont le rôle est ignoré. Dans les dernières années, l’Association patriotique a ordonné des évêques sans l’accord de l’Église de Rome.
Pendant des décennies, le régime communiste chinois a persécuté les religions, y compris le christianisme. Récemment, la tactique du gouvernement chinois a changé et le gouvernement tente de renforcer son contrôle de l’Église de l’intérieur. L’Église officielle, contrôlée par les autorités, compte environ 6 millions de fidèles.
Parallèlement, il existe une Église souterraine, forte de 10 millions de fidèles, qui n’accepte pas ce contrôle « illégal » de l’Église par l’État, très rigoureux.
Les autorités cherchent à contraindre évêques, prêtres, religieux et religieuses à adhérer à l’Association.
Ces dernières années, le Saint-Siège a fait de grands pas en avant pour que l’Église catholique de Chine puisse vivre et mener une activité pastorale normale. Rappelons la lettre adressée par Benoît XVI, en 2007, à l’Église catholique de la République populaire de Chine, dans laquelle le pape émérite exprimait son amour et sa proximité à la communauté catholique de ce pays.
« Un document non politique » : c’est ce qu’affirmait le communiqué de la salle de presse vaticane, et qui veut encore moins « être une accusation contre les autorités gouvernementales, sans ignorer pour autant les difficultés notoires que l’Église de Chine doit affronter chaque jour ».
Dans sa lettre, Benoît XVI se déclarait « pleinement disponible et ouvert à un dialogue serein et constructif avec les autorités civiles », afin de « trouver une solution aux divers problèmes de la communauté catholique » et d’arriver « à la normalisation tant désirée des relations entre le Saint-Siège et le gouvernement », avec la certitude que les catholiques, « en bons citoyens, contribuent aussi au bien du peuple chinois par la libre profession de leur foi et par un témoignage de vie généreux ».
Jean-Paul II lui-même avait considéré la situation de l’Église catholique de Chine avec respect. Il avait envoyé un message aux participants du Congrès international de 2001, intitulé : « Matteo Ricci : pour un dialogue entre la Chine et l’Occident » : « Quatre-cents ans après l’arrivée de Matteo Ricci à Pékin, nous ne pouvons pas ne pas nous demander quel est le message qu’il peut offrir à la grande nation chinoise comme à l’Église catholique, auxquelles il s’est toujours senti profondément lié et desquelles il fut, et il est encore, sincèrement apprécié et aimé. »
« Ce n’est un mystère pour personne, disait Wojtyla, que le Saint-Siège, au nom de l’Église catholique et, je crois, dans l’intérêt de toute l’humanité, souhaite l’ouverture d’un espace de dialogue avec les Autorités de la République populaire de Chine, dans lequel, une fois dépassées les incompréhensions du passé, il soit possible de travailler ensemble pour le bien du peuple chinois et pour la paix dans le monde. Le moment actuel de profonde inquiétude de la communauté internationale exige de la part de tous un engagement passionné pour favoriser la création et le développement de liens de sympathie, d’amitié et de solidarité entre les peuples. Dans un tel contexte, la normalisation des relations entre la République populaire de Chine et le Saint-Siège aurait sans nul doute des répercussions positives pour toute l’humanité en marche. ».