Les évêques de France appellent au « dialogue social » dans les entreprises, en rappelant que l’entreprise doit être « une communauté humaine de travail », et non pas « un objet de profit pour quelques-uns ».
Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre et président du Conseil « famille et société » de la Conférence des évêques de France, explique aux lecteurs de Zenit les tenants et aboutissants du document « Les restructurations d’entreprise : choisir le dialogue social », récemment publié par le Conseil.
Ce document est publié dans le contexte des Accords nationaux interprofessionnels mis en place en France (janvier 2013), actuellement discutés au Parlement.
Des drames humains
L’évêque souligne l’urgence de la situation : aujourd’hui, fait-il observer, les restructurations d’entreprise « affectent des régions entières, des familles, des salariés » et provoquent une « casse sociale », avec parfois « des situations tragiques » : « il y a des drames humains chaque semaine, parce que des entreprises déposent le bilan », et parfois même « toute une région, tout un bassin de vie meurt ».
Les évêques, précise-t-il, sont régulièrement interpellés par des élus ou des chefs d’entreprise, qui confient leurs difficultés à « gérer un plan social, annoncer des licenciements, affronter des négociations où, parfois, la violence verbale est forte ».
Ce constat appelle des solutions car « quelque chose est en train de se déstructurer au niveau du tissu social ». Pour les évêques, il faut « replacer l’homme au centre des dispositifs financiers et économiques » aux niveaux régional, national, mais aussi européen.
Pour rédiger ce document, le Conseil s’est mis « à l’écoute de tous ceux qui sont concernés par ces restructurations » : les salariés, les chefs d’entreprise, les actionnaires « qui sont souvent le point aveugle, non présents dans les négociations », les banquiers « qui ont pouvoir de vie ou de mort sur les entreprises », mais aussi les familles des salariés qui se retrouvent sans emploi.
Une communauté de travail
Par ce document, ajoute Mgr Brunin, « l’Église ne prétend pas apporter des réponses toutes faites ». Elle invite à « remettre l’humain au centre du dispositif », en s’appuyant sur la doctrine sociale de l’Église.
Dans cette perspective, l’entreprise doit être considérée comme « une communauté humaine de travail », et non pas comme « un objet de propriété », ou « un objet de profit pour quelques-uns ».
Et si des structures existent pour la gestion prévisionnelle d’évolution d’emploi et de formation, l’évêque estime que ces instruments supposent « une attitude de dialogue » : « l’entreprise, les salariés, les chefs d’entreprise, les actionnaires, mais aussi les banquiers, les élus de l’environnement », sont appelés à « se parler » pour « anticiper les évolutions » et éviter l’inéluctable.
Les structures ne pourront être utiles au bien commun « que dans la mesure où chacun consentira à vivre cette démarche de dialogue », démarche qui implique de « dépasser la simple défense des intérêts particuliers pour entrer dans une perspective d’un bien commun de l’entreprise ».
Sur le long terme
L’Eglise appelle donc les acteurs du débat à « se disposer au dialogue » : il s’agit d’« une attitude de fond », qui se déploie « sur le long terme », explique l’évêque, qui parle d’ « écologie sociale du travail ».
Pour mettre en œuvre le dialogue social, ajoute-t-il, il faut « anticiper », parce que le dialogue « se fait dans la durée » et non pas « en période de crise » : par exemple, « il faut aider les salariés à se former pour s’adapter aux évolutions techniques ».
Il faut aussi que le dialogue social vise « le développement et le bien commun de l’entreprise » et non pas « la défense des intérêts des salariés, des actionnaires, des chefs d’entreprise », poursuit Mgr Brunin.
En résumé, le dialogue doit être « au cœur de l’entreprise » et cette dimension doit être prise en compte au niveau européen car « une Europe qui ne serait pas capable de devenir une Europe du dialogue social est une Europe qui n’a pas d’avenir ».
Anne Kurian, avec Hélène Ginabat