Traduction d’Hélène Ginabat
ROME, lundi 14 mai 2012 (ZENIT.org) – « La musique de Vivaldi exprime la louange, l’exultation, l’action de grâce et aussi l’émerveillement devant l’œuvre de Dieu », affirme Benoît XVI, pape musicien, qui se réjouit que soit mieux connue la musique sacrée « qui exprime, par la musique, la foi de l’Eglise ».
Ce vendredi 11 mai, en effet, Benoît XVI a assisté, en la salle Paul VI du Vatican, au concert offert en son honneur par le Président de la République italienne, Giorgio Napolitano, à l’occasion du septième anniversaire de son pontificat. Figuraient au programme le Magnificat de Vivaldi, ainsi que le Stabat Mater et le Te Deum de Verdi.
Discours de Benoît XVI:
Monsieur le Président de la République,
Messieurs les cardinaux,
Messieurs les ministres, Autorités présentes,
Vénérés frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
Mesdames et Messieurs,
J’adresse mes vives et respectueuses salutations au Président de la République italienne, Monsieur Giorgio Napolitano, et à son épouse. Je le remercie de tout cœur pour les aimables paroles qu’il m’a adressées, ainsi que pour le présent qu’il m’a fait d’un violon et d’une partition de grande valeur, et pour ce concert de musique sacrée de deux grands auteurs italiens ; ce sont, une fois encore, les signes du lien qui existe entre le Successeur de Pierre et cette chère Nation. Je salue aussi le Président du Conseil et sénateur, monsieur Mario Monti, et toutes les autorités présentes. Je remercie sincèrement l’orchestre et le chœur du Théâtre de l’Opéra de Rome, les deux sopranes et surtout le Maître Riccardo Muti pour leur interprétation et leur exécution remarquables. Riccardo Muti est connu pour sa sensibilité à la musique sacrée et pour son engagement afin que soit mieux connu ce riche répertoire qui exprime, par la musique, la foi de l’Eglise. C’est aussi pour cette raison que je suis heureux de lui conférer aujourd’hui une distinction pontificale. J’exprime toute ma reconnaissance à la ville de Crémone, au Centre de musicologie Walter Stauffer et à la Fondation Antonio Stradivarius-La Triennale qui ont mis à la disposition des premières parties de l’orchestre plusieurs instruments anciens et précieux de leurs collections.
Antonio Vivaldi est un grand représentant de la tradition musicale vénitienne. Qui ne connaît de lui au moins les Quatre Saisons ? Mais sa production sacrée est encore peu connue, alors qu’elle occupe une place incontestable dans son œuvre et qu’elle est d’une grande valeur, surtout parce qu’elle est l’expression de sa foi. Le Magnificat que nous avons écouté est le chant de louange de Marie et de tous les humbles de cœur, qui reconnaissent et célèbrent avec joie et gratitude l’action de Dieu dans leur vie et dans l’histoire ; de Dieu qui a un « style » différent de celui des hommes, parce qu’il se met du côté des plus petits pour donner l’espérance. La musique de Vivaldi exprime la louange, l’exultation, l’action de grâce et aussi l’émerveillement devant l’œuvre de Dieu, avec une extraordinaire richesse de sentiments, en commençant par le chœur solennel, où toute l’Eglise magnifie le Seigneur, et en passant par le joyeux « Et exultavit », jusqu’au très beau moment choral du « Et misericordia » sur lequel la musique s’arrête avec des harmonies audacieuses, riches de modulations inattendues, pour nous inviter à méditer sur la miséricorde de Dieu qui est fidèle et qui s’étend à toutes les générations.
Avec les deux morceaux sacrés de Giuseppe Verdi, que nous avons écoutés, nous changeons de registre : nous nous trouvons face à la douleur de Marie au pied de la croix : Stabat Mater dolorosa. Le grand compositeur italien, qui s’était efforcé d’exprimer le drame de tant de personnages dans ses œuvres, esquisse ici celui de la Vierge qui regarde son fils sur la croix. La musique devient essentielle, elle ‘s’accroche’ presque aux paroles pour en exprimer le contenu avec le plus d’intensité possible, dans une grande gamme de sentiments. Que l’on pense simplement au douloureux sentiment de « pitié » avec lequel la séquence a commencé, au dramatique « Pro peccatis suae gentis », au « dum emisit spiritum » à peine murmuré, aux invocations chorales chargées d’émotion, mais aussi de sérénité, adressées à Marie « fons amoris », pour que nous puissions participer à sa douleur maternelle et pour que notre cœur brûle d’amour pour le Christ, jusqu’à la strophe finale, supplication intense et puissante adressée à Dieu de donner à l’âme la gloire du Paradis, aspiration ultime de l’humanité.
Le Te Deum aussi est une succession de contrastes, mais l’attention de Verdi au texte sacré est d’une minutie telle qu’il nous en offre une lecture différente de la tradition. Il ne voit pas tant le chant des victoires ou des couronnements qu’une succession, écrit-il, de situations : l’exultation initiale – « Te Deum », « Sanctus », – la contemplation du Christ incarné, qui libère et ouvre le Royaume des Cieux, l’invocation du « Judex venturus », pour qu’il fasse miséricorde, et enfin le cri répété du soprano et du chœur « In te, Domine speravi » par lequel se conclut le passage, telle une supplique de Verdi lui-même pour recevoir espérance et lumière à la fin de sa vie (cf. Giuseppe Verdi, Lettre à Giovanni Tebaldini, 1er mars 1896). Les morceaux que nous avons écoutés ce soir sont les deux derniers qui aient été écrits par le compositeur ; ils n’était pas destinés à être publiés mais il les avait écrits pour lui-même ; il aurait même voulu être enterré avec la partition du Te Deum.
Chers amis, je souhaite que, ce soir, nous puissions redire à Dieu, avec foi : « En toi, Seigneur, dans la joie, je mets mon espérance, fais que je t’aime comme ta sainte Mère, pour qu’à mon âme, à la fin du chemin, soit donnée la gloire du Paradis ». Merci encore à Monsieur le président de la République italienne, aux solistes, aux ensembles vocal et instrumental du Théâtre de l’Opéra de Rome, au Maître Riccardo Muti, aux organisateurs et à toutes les personnes présentes. Que le Seigneur vous bénisse, vous et ceux qui vous sont chers. Merci de tout cœur !