ROME, lundi 23 janvier 2012 (ZENIT.org) – L’artiste allemand Gunter Demnig a posé à Rome, pour la troisième année consécutive, 72 « pierres d’achoppement » pour perpétuer la mémoire des juifs victimes de la Shoah.
“Une personne est oubliée seulement lorsque son nom a été oublié”: Gunter Demnig donne ainsi la raison d’être de son œuvre « Stolpersteine », qui entend commémorer les juifs déportés par un signe visible, s’intégrant dans la vie quotidienne et dans le paysage urbain de Rome.
Des « Stolpersteine », ce sont des « pierres d’achoppement » : il s’agit de petites plaques en cuivre fixées sur des pavés au format romain (10 cm x 10 cm). Ces plaques portent le nom, l’année de naissance, l’année de déportation et le destin – s’il est connu – de la personne déportée. La pierre portant la plaque est encastrée dans les pavés, devant la dernière résidence des personnes déportées.
Les « Stolpersteine » invitent « à méditer et réfléchir », précise l’artiste : le passant peut ainsi découvrir à l’improviste une pierre d’achoppement, lire l’inscription, et voir la maison où la personne en question a vécu et travaillé. La pierre d’achoppement rappelle de façon tangible que chaque personne déportée était un être humain avec un nom, une maison, une famille et une histoire.
Gunter Demning a posé ces « Stolpersteine » à Rome pour la troisième année consécutive. La commémoration d’un prêtre catholique qui a caché de nombreuses personnes recherchées par les nazis, spécialement des enfants, Pietro Pappagallo, a eu lieu le 9 janvier, au cours de cette inauguration. Don Pappagallo fut arrêté en 1944 et condamné à mort. Dans la Via Urbana, au N° 2, une « Stolperstein » rappelle à présent sa mémoire.
Toutes les pierres d’achoppement sont des œuvres commandées. Celle du P. Pappagallo, par exemple, a été commandée par le P. Francesco Pesce, l’actuel curé de l’église Sainte-Marie-des-Monts.
Depuis le lancement du projet, en 1993, environ 32.000 « Stolpersteine » ont été installées sur environ 700 localités dans le monde. M. Demnig a eu l’idée de ce projet après avoir constaté une certaine ignorance générale au sujet de la persécution et de la déportation des juifs, réfugiés politiques, tziganes et homosexuels, sous le régime du national-socialisme.
Les « Stolpersteine », en rappelant l’horreur de la déportation, devraient faire l’unanimité. Pourtant, l’œuvre rencontre des réticences : récemment en effet, rue Santa Maria in Monticello, des inconnus ont enlevé trois pierres d’achoppement dédiées à la mémoire des trois sœurs Spizzichino – Graziella, Letizia et Elvira – victimes de la Shoah. Ils les ont remplacées par trois pavés normaux : un acte qualifié d’ “outrageant” et “honteux” par les autorités romaines.
Sept municipalités romaines participent cette année à l’initiative. Parmi elles, notons le Centre historique, en particulier le quartier « Monti ». L’œuvre « Mémoires d’achoppement » à Rome est soutenue par l’Association nationale des anciens déportés (ANED), par l’Association nationale des anciens internés (ANEI), par le Centre de documentation juive contemporaine (CDEC), par la Fédération des amitiés juive et chrétienne italienne et par le Musée d’histoire de la libération.
L’initiative se déroule sous le haut patronage du président de la République d’Italie, de l’Union des Communautés juives italiennes, de la communauté juive de Rome et de l’ambassade de la République fédérale d’Allemagne en Italie. Elle est réalisée également avec le soutien de la communauté juive de Rome et de la communauté de Sainte-Marie-des-Monts.
La commission scientifique qui suit le projet est présidée par Adachiara Zevi et composée des historiens Anna Maria Casavola, Annabella Gioia, Antonio Parisella, Liliana Picciotto, Micaela Procaccia et Michele Sarfatti.
Les lieux où ont été disposées des « Stolpersteine » à Rome sont disponibles sur le site www.memoriedinciampo.it. Ce site web offre aussi film et illustrations, une biographie de l’artiste et une revue de presse. Voir également la page web de Gunter Demnig: http://www.stolpersteine.com
Britta Dörre
Traduit de l’italien par Anne Kurian
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