ROME, Lundi 20 juin 2011 (ZENIT.org) – La réponse de l'Eglise aux cas d'abus sexuels de la part de membres du clergé « comprend deux actions fondamentales : l'assistance aux victimes et l'éducation des communautés ecclésiales », a expliqué le « procureur général » du Vatican chargé de cette question.

Promoteur de justice » de la Congrégation pour la doctrine de la foi, Mgr Charles J. Scicluna est chargé d'enquêter sur les crimes que l'Eglise considère comme les plus graves, ceux commis contre l'eucharistie ou le secret de la confession, ou bien des viols sur mineurs de la part du clergé.

Il est intervenu samedi dernier, 18 juin, à la conférence de presse organisée pour présenter le Symposium« Vers la guérison et le renouvellement » promu par l’Université pontificale Grégorienne, et qui aura lieu en février 2012.

Quels sont les enjeux concrets du binôme : assister les victimes et éduquer les communautés ?

Mgr Scicluna : Il faut commencer par la formation au niveau des séminaristes. La recherche américaine la plus récente en matière d’abus sexuels commis sur des enfants par des prêtres catholiques, le John Jay Report, sur les causes et le contexte de ce phénomène, confirme que là où, dans les séminaires, il y a prise de conscience de l’importance de la formation humaine, incluant en cela une attitude très saine envers la sexualité, les cas d’abus sexuels enregistrés chez les prêtres de cette génération, sont en baisse. Ce qui veut dire qu’une formation saine des séminaristes, une attitude saine par rapport à l’érotisme et la sexualité aide la personne à gérer, de manière plus consciente, non répressive, les justes exigences du célibat, évitant ainsi qu’on arrive à des défoulements traumatisants et destructeurs.

De quelle manière entrent en jeu les communautés ?

Il y a toute une sphère d’abus sexuels que nous n’arriverons jamais à extirper, dans la mesure où celle-ci vient de la constitution psychologique de chaque individu. Le problème ici n’est pas seulement un problème de formation, il pose le problème de la nécessité d’une thérapie à long terme pour un trouble très difficile à diagnostiquer et à saisir, difficile à déceler. Par conséquent, la communauté doit toujours être en mesure de se protéger, de savoir reconnaître les signes d’un abus de pouvoir qui, prenant ensuite une tournure érotique, toucherait à l’intimité des enfants, au risque de devenir un véritable abus sexuel sur mineurs.

La formation du clergé doit donc aller de pair avec la formation de la communauté. Celle-ci est importante également pour bien gérer la guérison des victimes, lesquelles, à cause du poids qu’elles portent en elles, se sentent « en dehors » de la communauté même.

Il faut que la communauté ecclésiale ait une attitude de miséricorde, qu’elle accueille l’individu blessé comme un de ses membres à part entière, car c’est cela l’Evangile : L’Evangile apporte la guérison, ne cherche pas seulement à éviter le péché. Là où il y a traumatisme, il pousse à créer un environnement où la personne peut se recueillir et retrouver dans sa vie les signes de la charité, de l’espérance, mais aussi celui d’une foi que l’abus subi peut avoir tué.

La responsabilité d’affronter le problème revient aux évêques qui, tant de fois, n’ont néanmoins pas été à la hauteur d’une telle tâche...

Des évêques, comme on dit en anglais, on en a de toutes « les pointures », c’est-à-dire de toutes sortes, mais il y a une attitude de l’évêque qui ne vient pas de son choix personnel, mais de sa vocation propre qui est celle d’être « un bon pasteur ». Le bon pasteur, à la vue de l’ennemi, ne s’enfuit pas, il reste à la porte pour pouvoir défendre son troupeau : ce sont les paroles de Jésus.

Benoît XVI aussi, au début de son pontificat, a dit « priez pour moi pour qu’au lieu de fuir devant l’ennemi, j’aie le courage d’être un bon pasteur » : Les paroles de Jésus, actualisées aussi par le pape, doivent être l’idéal de chaque évêque aujourd’hui.

Et quand les évêques ne sont pas de bons pasteurs que peut-on faire ?

La Lettre circulaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi, en donnant aux évêques des paramètres pour agir, représente déjà un signal très fort du Saint-Siège. Quand nous recevons les évêques durant les visites ad limina nous comprenons qu’il y a désormais une conscience diffuse concernant la position du pape à ce sujet. Tout fidèle a par ailleurs le droit de faire part au Saint-Siège, en passant aussi par le nonce, de sa préoccupation concernant son diocèse. Mon travail m’a permis d’apprécier beaucoup ce que font les nonces auprès de la communauté locale, et pas seulement auprès des gouvernements, pour montrer la proximité du Saint-Père. Les gens doivent savoir qu’ils peuvent s’adresser au nonce quand il y a des questions qui se répercutent sur le ministère pastoral de leurs évêques, non pas pour les dénoncer mais pour dire : « nous avons confiance dans le ministère de Pierre que le nonce représente et nourrissons une préoccupation que nous avons le devoir, non le droit seul, de porter à Pierre ». Cette possibilité fait aussi partie de l’éducation de la communauté ecclésiale.

Dans un autre entretien vous avez affirmé que les cas d’abus qui arrivent à la Congrégation, sont en baisse. En quoi l’importance donnée au phénomène par les mass media a-t-il eu une influence sur tout ça ?

Les médias ont ouvert les yeux de tout un chacun sur ce triste phénomène et nous ont tous mis dans la situation de devoir faire face à la vérité des faits. Jésus nous a dit que la vérité fera de nous des êtres libres. Il ne saurait y avoir de guérison, de libération de ce poids, si nous manquons d’humilité et de courage pour affronter la vérité, la vérité de la blessure, l’exigence de mieux faire notre devoir.

Sous cet aspect, je regarde Benoît XVI qui, très humblement, a su donner un bel exemple à la Eglise mais également au monde.

Propos recueillis par Chiara Santomiero

Traduit de l'italien par Isabelle Cousturié