ROME, Lundi 18 avril 2011 (ZENIT.org) – A quelques jours de la béatification de Jean Paul II, nous publions cette réflexion accordée en exclusivité à ZENIT par Mgr Michel Chafik, recteur de la Mission copte catholique de Paris – Notre Dame d’Egypte.
« Pour nous, les Coptes, Jean Paul II restera le premier pape à s’être rendu en Egypte », affirme Mgr Chafik en retraçant ce pèlerinage placé sous le signe de l’unité par le pape polonais. « A l’heure du Printemps égyptien », son « message d’amour et de tolérance résonne d’une étonnante actualité », estime le prélat copte.
Le recteur de la Mission copte catholique de Paris mentionne enfin les différentes « saisons » de l’existence auxquelles Jean Paul II s’est « magnifiquement » accordé. Du « jeune homme ardent, impatient de changer le monde » à « l’athlète d’hier devenu fragile », Mgr Chafik évoque une nouvelle naissance : celle d’un saint.
* * *
« Santo Subito ! » scandait la foule rassemblée sur le parvis de la place de Saint Pierre. Une foule cosmopolite et diverse, à l’image de l’Eglise universelle ; une foule orpheline qui venait de perdre son pape, le très aimé Jean Paul II.
Pour être reconnu saint il faut, nous disent les procédures, qu’un miracle soit avéré. Ce jour là, le miracle eut bien lieu : le temps long de l’Eglise s’accorda délicatement à l’impatience du monde, si bien qu’aujourd’hui, six ans tout juste après sa disparition, Jean Paul II est béatifié.
Quand le successeur de Pierre marchait sur les pas de Marc
A chacun son Jean Paul II. Il est le frère de tous les polonais, le père de la génération qui porte son nom . Pour nous, les Coptes, il restera le premier pape à s’être rendu en Egypte. Lors de ce voyage, effectué du 24 au 26 février 2000, il rendit hommage à notre terre qui, avec la révélation faite à Moïse, la fuite de la Sainte Famille et la naissance de la tradition monastique a vu « le début et le déroulement de l’Histoire du Salut »
Un voyage sous le signe de l’unité
Ce pèlerinage sur les pas de Marc fut placé par le Souverain Pontife sous le signe de l’unité.
– Unité entre les chrétiens d’abord.
Lors de la réunion œcuménique tenue au Caire en la cathédrale Notre Dame d’Egypte de Médinet Nasr, Jean Paul II invita les chrétiens à former « un seul Corps, image du monde à venir ». Le baiser que, chef de l’Eglise Catholique, il échangea avec le pape Chanouda III, chef de l’Eglise Copte Orthodoxe, le Dr Safwat el-Baïady, chef de l’Eglise Evangélique et l’évêque Ghayes- Abdel-Melk, chef de l’Eglise Episcopale, fut un signe très émouvant de cette aspiration partagée à la pleine communion.
Jean-Paul II exhorta pareillement les Catholiques des différents rites représentés en Egypte ( les Grecs Catholiques, les Syriens Catholiques, les Latins, les Arméniens Catholiques et les Maronites) à cultiver toujours plus étroitement leur unité.
– Unité entre les croyants des différentes religions ensuite.
Dans ce pays où la religion musulmane est fortement prédominante, le pape souhaita dialoguer aussi avec l’Islam. La rencontre entre Jean Paul II et le chef d’une des plus grandes et des plus anciennes institutions islamiques, le cheikh Mohammad Sayyed Tantaoui, Imam d’al-Azhar, constitua un événement historique sans précédent. Il témoignait de l’intérêt du Vatican pour l’Islam et de son désir de jeter des ponts de compréhension et de dialogue avec la religion islamique.
Le pape souligna le rôle très positif que jouait dans ce domaine l’Eglise Copte catholique, conduite alors par Sa Béatitude le Patriarche Stéphanos II Ghattas. Il se réjouit de l’engagement du Patriarcat dans l’établissement de relations amicales avec les musulmans « afin que les membres de chacune des communautés s’efforcent sincèrement de se comprendre mutuellement, de mettre également leurs compétences au service du pays ».
A l’heure du Printemps égyptien, ce message d’amour et de tolérance résonne d’une étonnante actualité.
Arrêt sur image
Les films d’archives montrent un Jean Paul II voûté et marchant très lentement. A la veille de ses quatre-vingts ans, sa santé était irrémédiablement déclinante. Ceci cependant n’enlevait rien à l’enthousiasme de la foule, aux cris de joie et aux hymnes de bienvenue qui l’accompagnèrent tout au long de son parcours.
Si la ferveur des Coptes Catholiques allait de soi, si celle des Coptes des autres confessions était somme toute prévisible, celle exprimée par les musulmans ne laissait pas de surprendre. Quelque chose de Jean Paul II était entré en consonance avec quelque chose en eux : sa foi inconditionnelle en Dieu, cette façon qu’il avait de s’incliner bas, très bas devant le Très-Haut.
Sur le chemin de la sanctification
Comment expliquer l’amour que Jean Paul II suscitait partout où il passait ?
Un homme en situation
A son propos, on parle de charisme, c’est-à-dire de grâce et de charme ou, plus simplement, d’humanité. L’humanité de l’homme engagé, de l’homme en situation qui, après avoir combattu le nazisme, affronta le communisme, puis le relativisme et le post-modernisme qui voulaient en finir avec le christianisme.
Plus que par ses enseignements, les foules furent touchées par son témoignage de vie. Une vie où les épreuves ne manquèrent pas. Orphelin très jeune, citoyen d’un pays écrasé par deux totalitarismes, victime d’un attentat et de tant d’attaques, de tant de faux procès, il n’en rayonnait pas moins.
J’eus la grâce de rencontrer Jean-Paul II, d’échanger avec lui quelques mots. Son humanité radieuse m’a touché au cœur, ainsi que sa vénération de la vie, son éblouissement devant elle.
Un saint
Le Saint est celui qui, habité par l’amour du Père, devient si totalement, si parfaitement humain qu’il en réfléchit la lumière divine.
On vit Jean Paul II traverser l’existence et s’accorder, magnifiquement, à chaque saison de celle-ci.
Il fut un jeune homme ardent, impatient de changer le monde par l’annonce de la Bonne Nouvelle.
A l’heure de la maturité, au midi de sa vie, il fut élu pape. Il devint le champion de Dieu, le combattant aux mains nues qui voulait faire tomber les murs. Dans tous les murs, les murs de pierre comme les murs de chair, il trouvait la brèche et forçait le passage.
Au soir de sa vie enfin, une nouvelle mission lui fut confiée : devenir le messager de la vulnérabilité. L’athlète d’hier était devenu fragile, plus fragile qu’un éclat de cristal. De toute son âme, il consentit à cette déliquescence.
On le vit vieillir. Son corps se tassa, il semblait ne plus le contenir. Jusqu’au jour où l’enveloppe se déchira sous le travail d’une nouvelle naissance : la naissance d’un saint.
« Santo subito ! »
Mgr Michel Chafik
Recteur de la Mission copte catholique de Paris
Notre Dame d’Egypte
Paris, avril 2011