ROME, Mercredi 21 juillet 2010 (ZENIT.org) – « Mère Teresa me servait le petit déjeuner. (…) Elle me servait avec un amour maternel bouleversant. Café, lait, confiture, biscottes. Elle se préoccupait que je mange. Et ses attentions étaient parlantes, plus que les entretiens », raconte le journaliste italien Renzo Allegri qui a fait la connaissance de la religieuse « par une série de singulières coïncidences ».
Renzo Allegri raconte pour les lecteurs de ZENIT comment il a connu Mère Teresa et ce qui le touchait tant chez elle.
Nous publions ci-dessous la première partie de ce témoignage.
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Dans de nombreuses régions du monde ont commencé les manifestations pour fêter le centenaire de la naissance de Mère Teresa de Calcutta, qui tombe le 26 août. Grandes cérémonies en Inde à Calcutta, où Mère Teresa a vécu la plus grande partie de son existence terrestre et où elle est enterrée, et aussi en Albanie, sa terre natale, mais partout se multiplient les petites initiatives, au niveau populaire, dans les paroisses et les associations de bénévoles, organisées surtout par des jeunes pour rendre hommage à cette figure exceptionnelle.
Avec Padre Pio et Jean-Paul II, Mère Teresa fait partie de ces personnes qui ont profondément marqué l’histoire du christianisme de notre temps. Padre Pio, avec la flamme de son expérience mystique suprême ; Jean-Paul II avec le vent impétueux de son action et ses incessants voyages apostoliques ; Mère Teresa avec son amour, dépouillé et absolu, pour les plus pauvres d’entre les pauvres. Leurs histoires, leurs enseignements, leurs exemples ont frappé croyants et non croyants et demeurent encore vivants.
Tous ceux qui ont connu Mère Teresa sont en possession de souvenirs extraordinaires. Surtout les personnes qui ont vécu à ses côtés. Mais les journalistes aussi qui l’ont approchée pour leur travail. Nous journalistes, de par notre profession, sommes amenés, et pas rarement, à rencontrer les personnages les plus divers. Pendant quarante ans, j’ai été envoyé spécial de grands hebdomadaires et j’ai ainsi connu une multitude incalculable de personnes célèbres : artistes, politiques, scientifiques, champions sportifs, stars du spectacle, héros de faits divers, assassins et même des saints.
Parmi les « saints », il y a eu Padre Pio, Mère Teresa, Jean XXIII, et bien d’autres, dont le procès de béatification est en cours, comme Jean-Paul II, Madre Speranza, Giorgio La Pira, Marcello Candia, Fra Cecilio Cortinovis etc. Sur tous, j’ai écrit des articles, et même des livres. De tous, je conserve des souvenirs particuliers, car ce sont des personnes dotées d’un charisme irrésistible et, une fois qu’on les a connus, impossible de les oublier. Ils représentent la vie dans son acception essentielle et éternelle, et transmettent une espérance qui dépasse les limites du temps. Entre tous, le souvenir le plus vivant que je garde est celui lié à Mère Teresa.
Par une série de singulières coïncidences, j’ai eu avec elle plusieurs rencontres, de longues conversations, des trajets en voiture. Je puis dire que j’éprouvais pour elle une affection profonde, et elle me témoignait une telle bienveillance que j’y voyais une amitié, et ma vanité superficielle m’a poussé parfois à en profiter, à lui demander des faveurs que moi-même au départ, je jugeais « impossibles ». Pourtant, dans son infinie bonté, la Mère trouvait toujours la façon de me contenter…
Incroyable. Je suis certain que tous ceux qui ont approché Mère Teresa ont constaté cette disponibilité débordante d’amour. Elle était certes une grande sainte, mais en même temps une femme d’une sensibilité humaine tellement délicieuse, d’une bonté d’âme si grande qu’elle se sentait triste si elle ne parvenait pas à satisfaire celui qui lui demandait quelque chose.
J’ai écrit de nombreux articles sur Mère Teresa, et même quelques livres. A présent, pour le centenaire de sa naissance, j’ai rassemblé dans un petit volume, édité par les Editions « Ancora », quelques souvenirs et surtout « les paroles » dont la Mère m’a régalé au cours de nos diverses rencontres. Elle n’aimait guère parler. Mais quand elle le faisait, elle était extraordinairement fascinante, avec sa façon sobre et incisive d’exposer ses pensées. Elle parlait de préférence par images. Ses raisonnements étaient une succession de faits qui menaient à une conclusion inéluctable.
Mon livre s’intitule « Mère Teresa m’a dit ». Titre prétentieux. Peut-être que seul celui qui a vécu aux côtés de la religieuse de Calcutta serait en droit d’utiliser pour un livre un titre de ce genre, et ce n’est pas mon cas. J’ai connu Mère Teresa, je l’ai interviewée à plusieurs reprises, rien de plus. Mais, comme je l’ai dit, précisément à cause de sa bienveillance, je me sentais très proche d’elle, et ce titre « Mère Teresa m’a dit » reflète une extraordinaire réalité.
En 1965, en lisant un livre de Pier Paolo Pasolini, je suis tombé sur quelques lignes consacrées à Mère Teresa, que l’auteur avait rencontrée durant un voyage en Inde. Le fait que Pasolini ait été à ce point impressionné par la religieuse, piquait ma curiosité. Ce fut le premier contact. Je commençai à recueillir des informations, et toute nouvelle donnée ne faisait qu’accroître ma curiosité. Je décidai de rencontrer et d’interviewer cette soeur. J’y suis parvenu après une attente de quinze ans. Mais il ne s’est pas agi d’un seul entretien. Mais le début d’une série de rencontres.
Une prodigieuse sensibilité humaine et une bonté sans limites, ce sont les aspects qui me frappèrent d’emblée chez elle. J’étais un journaliste quelconque, un casse-pieds qui lui faisait perdre son temps. Mais même quand je m’attardais à lui poser des questions sans doute inutiles et parfois peu pertinentes, je n’ai jamais vu sur son visage le moindre signe de contrariété.
Quand je me trouvais à Rome, et demandais à la voir, elle me donnait rendez-vous dans le petit couvent du Celio, où est située la Maison mère de l’Ordre qu’elle a fondée, les Missionnaires de la Charité. Elle me disait : « Je vous attends demain matin à cinq heures et demie ». A cette heure-là, dans le petit couvent, il y avait la messe réservée aux soeurs et Mère Teresa souhaitait que, avant de s’entretenir avec moi, nous puissions nous retrouver unis dans la prière. J’arrivais à l’heure et, je trouvais, à la porte du couvent, une sœur qui m’attendait pour m’accompagner à la petite chapelle. J’assistais à la messe à côté de Mère Teresa, qui restait à genoux sur le sol, au fond de la petite chapelle. Pour moi, en revanche, elle faisait préparer un prie-Dieu confortable, et même une chaise. De ma place, je pouvais observer toutes les sœurs et même Mère Teresa, qui ne faisait rien de spécial. Elle était recroquevillée, en boule, et demeurait absorbée dans une oraison silencieuse, comme si je n’existais pas. Mais précisément dans cette position d’anéantissement également physique, elle communiquait une force puissante et inspirait des considérations infinies que de longues conversations n’auraient pu suggérer.
Après la messe, la soeur m’accompagnait dans une petite pièce du couvent, où invariablement, peu après, arrivait Mère Teresa portant un plateau pour le petit déjeuner. Mère Teresa me servait le petit déjeuner. Elle n’autorisait aucune des soeurs à le faire, pas même celle qui m’avait accueillie à la porte du couvent. Elle voulait le faire elle-même. La première fois, j’étais confus et tentais de l’en empêcher, prétextant que je n’avais pas faim, que je ne mangeais jamais le matin. Mais elle avait deviné ma gêne et il n’y avait pas moyen de l’arrêter. Elle me servait avec un amour maternel bouleversant. Café, lait, confiture, biscottes. Elle se préoccupait que je mange. Et ses attentions étaient par
lantes, plus que les entretiens. Puis, à la fin du petit déjeuner, elle m’accordait de son temps. Je prenais mes notes avec mes questions, j’allumais le magnétophone et elle répondait.
En réécoutant ces conversations, je me rends compte que mes questions étaient à la fois stupides, inutiles, superficielles, mais elle répondait toujours avec calme en ramenant la conversation sur des sujets importants ou en mettant en lumière, de certains faits, l’aspect sur lequel portait l’enseignement.
[Fin de la première partie]
Traduit de l’italien par Zenit (E. de Lavigne)