ROME, Vendredi 2 avril 2010 (ZENIT.org) – Alors que l’Eglise revit aujourd’hui le Vendredi de la Passion du Christ, le père Jacques Bernard a évoqué pour ZENIT les passions de Marthe Robin et son extraordinaire rayonnement à travers l’offrande de sa vie pour les pécheurs. Exégète et docteur en théologie, professeur à l’université catholique de Lille et fondateur de Mess’AJE, il a notamment travaillé sur les carnets du père Faure relatant les passions de Marthe Robin (1933-1938).
La biographie de Marthe Robin (1902-1981), publiée en 2006 sous la plume du postulateur de sa cause, le père Bernard Peyrous, est sortie le 1er avril aux Editions Pocket.
Marthe Robin, fondatrice des Foyers de Charité, issue d’une modeste famille de paysans, a été très tôt lourdement handicapée. Progressivement paralysée jusqu’à l’immobilisation totale en 1927 (elle a 25 ans), elle connaît l’angoisse, se révolte contre Dieu. En 1928, tout bascule lors de la visite à son chevet de missionnaires capucins. Elle trouve le sens de ses souffrances et une manière nouvelle de vivre en union avec le Christ.
Avec l’aide du curé de la paroisse de Chateauneuf-de-Galaure, l’abbé Faure, sa vie spirituelle se développe et l’entraîne dans une intimité extrêmement profonde avec Dieu. Son union à Jésus devient telle qu’elle est associée aux souffrances du Christ dans sa Passion et la revit chaque semaine dans sa propre chair.
Le père Faure est alors le premier témoin de ces passions. Dès 1933, il écrit minutieusement chaque parole de Marthe sur de petits carnets de pharmacien, publiés en 2009 par les Editions Foyers de Charité sous le titre Les passions de Marthe Robin.
ZENIT – Dès 1930-1931, Marthe Robin revit chaque semaine la Passion. Comment vit-elle cette union au Christ ?
P. Jacques Bernard – Au début, Marthe est terrorisée. Puis elle fait cette expérience mystique qui lui permet de comprendre que sa vie peut être une offrande pour les pécheurs. Elle réalise que ce poids de souffrance, d’annihilation peut devenir un chemin de salut, de conversion.
ZENIT – Le père Faure, curé de la paroisse de Marthe Robin, note consciencieusement tout ce qu’il voit et entend de la bouche de Marthe Robin lorsqu’elle vit ces passions…
P. Jacques Bernard – Le père Faure note au jour le jour ce qu’il entend, ce qu’il ne comprend pas, etc. Ce sont des choses très concrètes, très précises, presque minutées. Il signale les silences, les attitudes de Marthe durant ses passions, mais il ne commente rien. Il note tout et il est en cela un témoin impartial : on ne peut pas douter de ce qu’il a écrit.
ZENIT – En tant qu’exégète, vous avez travaillé sur ces textes. Qu’apportent-ils de nouveau sur Marthe ?
P. Jacques Bernard – On y découvre que Marthe, enveloppée dans un corps de souffrance permanente, a une connaissance étonnante des Ecritures. Elle fait sans cesse le va-et-vient entre ce qu’elle vit dans ses expériences mystiques, la culture dans laquelle elle vit ces expériences et le passage aux Ecritures. Et elle très rigoureuse : elle revient toujours à l’Ecriture qui est maîtresse de l’interprétation de ses propres expériences.
ZENIT – Comment a-t-elle acquis cette connaissance des Ecritures ?
P. Jacques Bernard – Avant d’être aveugle, Marthe Robin a lu l’Evangile comme quelqu’un qui sait qu’elle ne pourra plus les lire après, avec beaucoup d’attention et une intelligence remarquable. Elle est capable de faire des comparaisons entre les synoptiques comme si elle les avait sous les yeux. On voit qu’elle veut approfondir tout ce qui touche à la Passion : elle veut en connaître le lieu incarné, le paysage. Les mystiques ont d’autant plus besoin de retrouver la vérité incarnée de Jésus qu’ils la vivent de manière concrète.
ZENIT – Avant de travailler sur ses écrits, vous avez rencontré Marthe Robin. Qu’est-ce qui vous a frappé dans sa personnalité ?
P. Jacques Bernard – J’ai rencontré Marthe Robin plusieurs fois. J’ai toujours été très frappé par son dénuement physique et sa clairvoyance, sa vivacité intellectuelle. Elle possédait une profondeur de vue religieuse, de vue des personnes. C’était frappant. Démunie physiquement, elle était un « géant » au plan spirituel. L’union à la croix lui donnait cette grandeur mystique et intellectuelle. On ne peut pas en voir la source ailleurs que dans son expérience mystique.
ZENIT – A sa mort, à 79 ans, elle a reçu plus de 103 000 personnes dans sa petite chambre de Chateauneuf-de-Galaure, venues lui demander un conseil, confier une intention. Comment expliquer un tel rayonnement ?
P. Jacques Bernard – Marthe est une personne dont les conditions physiques ne devaient pas permettre un tel rayonnement. Elle est paralysée, elle vit des phénomènes incompréhensibles humainement. Mais elle vivait de la compréhension des personnes qu’elle rencontrait. Elle voyait en clair votre vie intérieure. J’avais été frappé par sa capacité, sa mémoire étonnante alors qu’elle rencontrait énormément de monde. Il faut imaginer cette vivacité, cette finesse intellectuelle dans un corps malade et réduit à presque rien. On est devant un phénomène irrationnel.
ZENIT – Peut-elle être un modèle, aujourd’hui, pour les personnes souffrantes ?
P. Jacques Bernard – Marthe a vécu une maladie troublante qui la réduisait à néant. Le fait de la vivre dans la Passion du Christ chaque semaine peut évidemment aider ceux qui sont malades, qui se sentent abandonnés. A l’exemple de Marthe Robin, une vie en union avec le Christ, en union avec la Croix, peut porter des fruits de résurrection étonnants.
Propos recueillis par Marine Soreau