ROME, Vendredi 5 mars 2010 (ZENIT.org) – « Asie : Déséquilibre démographique inquiétant », titre aujourd’hui « Gènéthique », la synthèse de presse de la Fondation Jérôme Lejeune.
Le déséquilibre démographique entre les naissances de garçons et de filles qui touche le continent asiatique crée des inquiétudes. Aujourd’hui, la Chine et l’Inde compte chacune 60 millions de « femmes manquantes » selon l’expression des démographes : résultat de 30 années de sélection des sexes en défaveur des filles (cf. Synthèse de presse du 12/01/10). Accélérée ces dernières années par le développement de l’échographie, cette élimination des foetus féminins s’explique par des facteurs culturels traditionnels qui valorisent la naissance de garçons pour assurer la lignée familiale, la transmission du patrimoine et parce qu’il revient au garçon d’accomplir les rites funéraires et de « garantir les vieux jours de ses parents ». La fierté d’avoir un fils, « partagée par à peu près toutes les cultures », s’accompagne en Asie « d’une dévalorisation des filles, […] où des cas d’infanticides de fillettes ont été rapportés depuis l’Antiquité ». De plus, en Chine, « la politique de l’enfant unique depuis 1979 a amené de nombreuses familles à ne garder que le garçon ».
Une enquête effectuée par l’Académie des sciences sociales de Pékin s’inquiète de ce déséquilibre des naissances. Dans des régions pauvres, la « pénurie de femmes » provoque des violences inquiétantes : « le trafic des femmes nord-coréennes vendues à des fermiers chinois restés seuls. Esclaves sans aucun papier, elles sont souvent revendues à d’autres réseaux ou bien livrées à la police chinoise qui touche une prime en les renvoyant en Corée du Nord. Les mêmes scénarios se déroulent aux frontières méridionales chinoises du Vietnam et de la Birmanie ».
En Inde, le décollage économique n’a pas amélioré le sort des filles : celles-ci « sont devenues de plus en plus souvent un ‘fardeau’ financier à cause des dots énormes que leurs parents doivent verser ». Bien qu’illégal depuis 1961, le versement de la dot subsiste et devient l’occasion d’ « un étalage de statut social, de réussite, quand on marie son fils ». Les dots de plus en plus élevées réclamées aux parents de filles ont influencé le marché lucratif de la sélection des sexes : un groupe de cliniques privées indiennes réalisant des échographies n’hésitait pas à clamer il y a quelques années : « Dépenser 5000 roupies (79 euros) maintenant vous évitera 500 000 roupies (8000 euros) dans vingt ans ».
Les chercheurs et les démographes évoquent les conséquences de ce déséquilibre : hausse de la prostitution, achats ou enlèvements de femmes, « contraintes de ‘servir d’épouse’ à plusieurs hommes d’une même famille », violence chez les hommes qui ne trouvant pas d’épouses s’engagent dans « des activités à risque, violentes ou illégales ». 28 à 32 millions d’hommes en Inde comme en Chine ne pourront pas se marier.
Le statut des filles a toutefois évolué ces dernières années. Les gouvernements indien et chinois font des efforts pour valoriser les filles : « ils mènent des campagnes d’information, ils accordent des subventions à la naissance de filles, ils les accompagnent jusqu’à 18 ans avec des bourses d’étude, offrent de l’argent lors du mariage ». La Chine offre même « une protection sociale aux parents de filles, pour leur garantir une retraite, et leur montrer qu’une fille peut aussi assurer la sécurité de leurs vieux jours ». Ces dix dernières années, les filles qui quittent les campagnes vers les centres industriels du Sud de la Chine découvrent « d’autres milieux sociaux et ethniques, gagnent de l’argent et s’émancipent lentement » explique la jeune sociologue chinoise Du Jie. Sérieuses, économes, elles aident leurs parents financièrement et sont « finalement plus proches de leur famille que les garçons qui vont se marier loin de chez eux ». Désormais, en ville, les jeunes couples tendent même à « préférer une fille qu’ils élèveront sans différence, qui réussira dans la vie et s’occupera d’eux après leur retraite ».
Les mentalités bougent mais « les évolutions démographiques sont lentes. Et l’Inde comme la Chine ne pourront jamais combler cette classe creuse, cette génération marquée par trente ans de sélection des naissances ».
Source : La Croix (Dorian Malovic, Marianne Gomez, Nathalie Lacube) 05/03/10