ROME, Vendredi 12 Février 2010 (ZENIT.org) – Un groupe d’évêques catholiques et anglicans du Sri Lanka a publié mercredi 10 février un communiqué dans lequel il a demandé instamment aux hommes politiques de mettre fin aux violences entre les différentes factions et de permettre que soient rétablies la paix et la démocratie, rapporte aujourd’hui « Eglises d’Asie » (EDA), l’agence des Missions étrangères de Paris (MEP).
La déclaration des évêques était signée du côté catholique par Mgr Thomas Savundaranayagam, évêque de Jaffna, Mgr Rayappu Joseph, évêque de Mannar, Mgr Joseph Kingsley Swampillai, évêque de Trincomalee-Batticaloa, Mgr Norbert Andradi, évêque d’Anuradhapura, et du côté anglican par Mgr Kumara Illangasinghe, évêque de Kurunegala, et Mgr Duleep de Chickera, évêque de Colombo.
« Il est tout à fait normal pour la population d’être aux côtés d’un candidat avant et pendant une élection démocratique, mais il est inacceptable pour elle d’être victime de représailles une fois les élections terminées », a déclaré à l’agence Ucanews, Mgr Illangasinghe, évêque anglican de Kurunegala (1).
Selon les prélats, la population est terrorisée par la violence liée aux élections qui sévit toujours à travers le pays. Des groupes armés se livrent à une véritable « chasse au sorcières » à l’encontre de ceux qui ont soutenu ouvertement certains hommes politiques ou n’ont seulement fait que manifester leur soutien. Plus de 900 cas de violences, dont 5 mortels, auraient été recensés, selon des sources ecclésiastiques locales, durant la campagne électorale présidentielle, qui s’est achevée le 26 janvier dernier par la victoire du président sortant Mahinda Rajapaksa.
Dans leur déclaration, les évêques rappellent les conditions dans lesquelles se sont déroulées les élections, en particulier dans le nord du pays, sorti exsangue de la guerre civile. Les violences et intimidations ont fortement perturbé le processus électoral, rapportent-ils. Les Tamouls ont eu, entre autres, les plus grandes difficultés à trouver des moyens de transport pour se rendre dans les bureaux de vote et ont été nombreux à ne pas avoir reçu leur carte d’électeur.
Quant aux différentes mutations, promotions, résiliations ou démissions de militaires, policiers et autres membres du service public, elles montraient clairement que certains hommes politiques distribuaient des brimades ou des récompenses, expliquent encore les prélats. De plus, les grosses sommes d’argent qui ont été dépensées pour les campagnes électorales soulèvent des questions d’éthique au sujet de la gestion d’un pays qui s’efforce d’éliminer la pauvreté et d’apporter plus de justice, concluent-ils.
Alors que les manifestations anti-gouvernementales se sont multipliées ces derniers jours, la déclaration des évêques rejoint le sentiment général de la population, et en particulier des chrétiens, concernant la répression et de la restriction des libertés au Sri Lanka.
Loin de se terminer avec la victoire de Mahinda Rajapaksa, les violences à l’encontre des opposants politiques du président se sont accentuées : on dénombre aujourd’hui plus de 300 cas de violences déclarés, dont au moins un mort (2). Cette « intensification de la répression électorale » a été également dénoncée par Amnesty International dans un rapport daté du 8 février 2010. Le Sri Lanka est sur la liste noire de l’association de défense des droits de l’homme ainsi que sur celle de nombreuses autres ONG comme Reporters sans Frontières. Ce même 8 février, une manifestation en faveur de la liberté de la presse avait rassemblé à Colombo plusieurs centaines de participants qui protestaient contre les assassinats, enlèvements, harcèlement et emprisonnement des journalistes du Sri Lanka (3).
Mais la déclaration des évêques semble surtout avoir été motivée par les annonces successives de l’arrestation lundi dernier par les forces armées, du principal adversaire de Mahinda Rajapaksa aux élections, le général Fonseka, puis le lendemain, mardi 9 février, de la dissolution par le président sri-lankais du Parlement ainsi que de la convocation d’élections législatives anticipées pour le 8 avril.
Sarath Fonseka, artisan de la victoire sanglante sur les Tigres tamouls avec le président Mahinda Rajapaksa, avant de s’opposer à lui dans un duel électoral dont il est sorti perdant, est actuellement détenu pour complot contre la sûreté de l’Etat et doit passer en cour martiale. Les partisans de l’ancien chef des armée qui avait accusé son rival de « fraude électorale massive » lors des élections et menaçait de dénoncer à la communauté internationale les « crimes de guerre » de l’armée contre les Tigres, soutiennent aujourd’hui que la dissolution du Parlement annonce une nouvelle étape de la confiscation du pouvoir par Mahinda Rajapaksa.
Craignant de nouvelles violences lors de la campagne électorale à venir, les évêques catholiques et anglicans ont, dans leur communiqué, appelé la classe politique à établir « un code de conduite [moral]. Un même appel au respect des lois d’éthique universelle dans le processus électoral avaient déjà été lancé – en vain – par les Eglises et les leaders religieux du Sri Lanka lors de la campagne présidentielle (4).
A l’annonce des récents événements, Les Etats-Unis, l’Union européenne et les Nations Unies par la voix de son Secrétaire général, Ban Ki-moon, ont fait part de « leur extrême préoccupation ».
Mercredi 10 février, de violents affrontements ont eu lieu à Colombo entre les opposants au gouvernement, dont des groupes de chrétiens, et les partisans du président sri-lankais. Les manifestations ont été réprimées par la police avec des gaz lacrymogènes et des canons à eau anti-émeute (5). Depuis vendredi 12 février, des unités spéciales de police patrouillent dans la capitale, afin de prévenir toute autre manifestation.
De son côté, l’Asian Human Rights Commission (AHRC), association de défense des droits de l’homme basée à Hongkong, a condamné dans une déclaration parue jeudi 11 février, « des tentatives alarmantes [du gouvernement sri-lankais] pour empêcher l’expression politique de l’opposition et de toute la population en général » (6).
(1) Ucanews, 10 février 2010
(2) Sources : Ucanews, 10 fevrier 2010 ; Amnesty International, 1er fevrier 2010, « rapport du centre de surveillance de la violence électorale »
(3) Ucanews, 10 février 2010 ; Rapport de Reporters Sans Frontières du 31 janvier 2010
(4) Voir EDA 522
(5) AFP, 9 février 2010, Associated Press, 10 fevrier 2010
(6) Hindustantimes, 11 février 2010
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