La double citoyenneté du christianisme

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Conférence à Vienne du cardinal Schönborn

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ROME, Jeudi 11 février 2010 (ZENIT.org) – Glace et neige n’ont pas empêché le cardinal Christoph Schönborn, archevêque de Vienne (Autriche), d’être présent à la conférence organisée à la Catholic University of America (CUA) par les facultés de théologie et d’études religieuses, de philosophie et de droit canonique, attendu par une foule d’étudiants, professeurs, ecclésiastiques et laïcs venus écouter son intervention. 

Le cardinal Schönborn, dominicain, a été ordonné prêtre en 1970. Avant d’être nommé archevêque de Vienne en 1995, il était professeur de théologie dogmatique à Fribourg, en Suisse. Il a été créé cardinal en 1998.  

Son intervention à la conférence portait sur : « Christianisme : présence étrangère ou fondement de l’Occident ? ».

Une alternative fascinante

Le cardinal Schönborn a d’abord évoqué les trois points cardinaux qui, selon lui, constituent l’essentiel de l’héritage chrétien en occident : un sens de l’intégrité morale, que l’on reconnaît généralement aux chrétiens non seulement pour ce qu’ils font, mais aussi pour ce qu’ils ne font pas ; le concept d’humanité sous la forme d’une famille unie et universelle ; l’idée que la liberté est ce qui rend l’homme plus semblable à Dieu et constitue la plus grande richesse de l’homme.

Le cardinal a ensuite soulevé la question : « Est-il vrai que l’homme moderne à conquis sa liberté en luttant âprement contre l’Eglise ? Est-il vrai que ce sont les Lumières et non le christianisme qui ont apporté la liberté et la dignité à l’homme? », comme le veut, selon lui, la grande hypothèse de l’histoire moderne.

Une hypothèse qui ne le convainc pas. 

Pour le cardinal Schönborn, une grande partie de l’Eglise primitive est née, a jailli du monde pluraliste gréco-romain, il y a 2.000 ans, et aujourd’hui, le christianisme se propose à un monde sécularisé comme une alternative fascinante.

« La position du christianisme aujourd’hui en Europe est paradoxale », a-t-il relevé. « Elle est à la fois un corps étranger et une racine pour l’Europe. Mais bien qu’elle soit vue comme une entité étrangère, elle évoque, somme toute, un sentiment de maison et de nostalgie pour de nombreuses personnes en Europe ». 

« En Europe, de plus en plus de personnes, après avoir vécu une vie pleinement sécularisée, s’acheminent consciemment vers la foi chrétienne. Et ces personnes décrivent leur découverte du christianisme comme un ‘retour à la maison’, comme un ‘nouveau chez-soi’ ».  

Au ciel et sur la terre

Faisant allusion à saint Augustin, le cardinal Schönborn a ensuite expliqué que « c’est sur sa double citoyenneté que réside, sans équivoque, la force même du christianisme, qui invite, sur terre comme au ciel, à une participation loyale dans la société, à assumer la responsabilité de la cité de l’homme, sans vouloir la renverser et créer une sorte de société utopiste. Cet engagement dans le monde temporel se fonde sur le fait d’avoir une citoyenneté indestructible dans la cité de Dieu ».  

La conviction chrétienne d’être un citoyen tant sur terre qu’au ciel est ce qui rend le christianisme odieux aux yeux des systèmes totalitaires, en particulier ceux du XXème siècle. « Le christianisme est libre », a-t-il affirmé. « Libre par rapport à l’Etat, car il n’est jamais seulement citoyen de l’Etat. Cette liberté du chrétien a trouvé sa pleine expression durant la période du fascisme, du communisme et du nazisme, au siècle dernier, où le témoignage chrétien authentique a fait des millions et millions de martyrs ». 

Selon le cardinal Schönborn, c’est ce principe même de liberté que le christianisme est capable d’offrir à l’Europe d’aujourd’hui. « Etre libre, détaché, des prétentions de la majorité, du politiquement correct, ou tout simplement des pressions de la dernière mode. La liberté chrétienne », a-t-il commenté.  

Une liberté radicale

A propos de cette force qui caractérise la liberté chrétienne, le cardinal Schönborn a cité en exemple les grands mouvements spirituels qui sont devenus des mouvements culturels dans l’histoire occidentale, comme par exemple  «  la réforme monastique de Cluny qui fête cette année ses 1.100 ans », a-t-il rappelé.

« En l’espace de 200 ans, cette réforme monastique a porté le nombre de monastères en Europe à plus de 4.000. Un formidable réseau dans toute l’Europe, avec d’énormes potentiels économiques, sociaux, artistiques et spirituels ». 

Le cardinal autrichien a ensuite expliqué qu’avec le début du déclin de Cluny s’est déclenché un autre grand renouveau, celui amorcé par Bernard de Clairvaux, poursuivi ensuite par les cisterciens. Et l’histoire s’est ensuite répétée avec les ordres mendiants de saint François et saint Dominique, chacun de ces mouvements spirituels apportant d’immenses contributions aux sociétés culturelles et civiles de l’époque.

« A-t-on accordé suffisamment d’importance à l’apport de cette liberté issue des nouveaux mouvements et à quel point ces derniers ont-ils eu une influence sur l’Europe ? », s’est interrogé le cardinal Schönborn. 

« Dès ses débuts, le christianisme a permis aux personnes de faire un pas en-dehors de l’ordre temporel et politique. L’idée que l’homme doit obéir à Dieu avant même d’obéir à l’homme, a énormément contribué à la liberté dans la société ».

Le cardinal a ensuite affirmé  que  la liberté de pouvoir suivre le Christ de manière radicale a libéré, au fil des siècles, d’énormes énergies, des énergies nouvelles, dans tout le monde occidental, représentant « une des sources permanentes de la vitalité européenne ». 

Il s’est également réjoui de voir que des mouvements spirituels resurgissaient aujourd’hui au sein de l’Eglise. « Pourquoi l’histoire ne devrait-elle pas se répéter? », a-t-il demandé. « Pourquoi ne devrions-nous pas nous aussi avoir cette sorte de surprise, dont on ne saurait rêver, que François d’Assise fit à l’Europe il y a 800 ans? ».

Les mouvements laïcs de l’Eglise d’aujourd’hui sont « un signe très vivant », selon le cardinal, et visent le même esprit de création qui, aux siècles précédents, avait donné naissance aux renouveaux chrétiens spirituels et culturels. En particulier l’Opus Dei, les néocatéchuménes et Communion et Libération. 

Appel à se purifier

Le cardinal Schönborn n’a pas manqué de souligner que le rapport moderne entre sécularisme et christianisme se présente, pour le christianisme même, comme un processus nécessaire de purification et maturation : « Le christianisme aussi a besoin de la voix critique de l’Europe laïque, qui pose des questions difficiles, parfois désagréables, des questions que nous ne saurions éviter ou fuir » . 

« Il est bon pour le christianisme d’écouter les questions de la société et d’accueillir le défi à y répondre. Cela permet de réveiller les chrétiens, de les stimuler. Ça permet de reconfirmer la crédibilité du christianisme. Et le christianisme a besoin d’être reconfirmé. »  

« Il est bon pour nous de devoir rendre des comptes ». 

L’analyse critique du monde laïc, a-t-il expliqué, stimule le christianisme a être ce qu’il devrait être, et aide à purifier les incohérences entre le dire et le faire. « Pourquoi ? », a-t-il demandé. « Parce qu’au fond, l’occident laïc désire un christianisme authentique et espère en un christianisme crédible dans sa vie ».

Le cardinal Schönborn a conclu son intervention par un appel à la foi. « La liberté chrétienne est une source intarissable. ‘Voilà, je suis avec vous jusqu’à la fin du monde’. Ces paroles de Jésus Christ sont la plu
s puissante ressource du christianisme ! », s’est-il exclamé.

« Ceci suffit à expliquer la force régénératrice inépuisable du christianisme, qui vit à maintes reprises sa propre résurrection, dans la puissance de Celui qui est ressuscité ». 

Kirsten Evans

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ZENIT Staff

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