ROME, Dimanche 15 février 2009 (ZENIT.org) – En Inde, dans l’Assam, l’Eglise catholique convainc musulmans et aborigènes Bodo de s’engager dans un processus de paix, a annoncé, le 12 février, « Eglises d’Asie » (EDA), l’agence des Missions étrangères de Paris.
En Assam, Etat du nord-est de l’Inde, une vingtaine de responsables de la communauté musulmane ont assisté le 5 février dernier à une rencontre avec des représentants de la communauté Bodo, rencontre que Mgr Thomas Menamparampil, archevêque catholique de Guwahati, a qualifiée d’« avancée absolument incroyable ».
Cette réunion, qui s’est tenue à Guwahati, avait pour but d’entamer un processus de paix entre les musulmans et les Bodo (1), une ethnie aborigène en majorité hindoue et animiste. En octobre 2008, dans les districts d’Udalguri et de Darrang, des heurts entre les deux communautés avaient fait plus de 50 morts ; des milliers de maisons avaient été incendiées et plus de 100 000 personnes déplacées, contraintes de s’entasser dans des camps organisés à la hâte par les autorités (2). A l’heure actuelle, 45 000 personnes des deux communautés en conflit vivent toujours dans ces camps et la violence perdure malgré le déploiement des forces armées et les tentatives du gouvernement et d’autres instances pour restaurer la paix.
Les tensions entre les deux communautés avaient commencé en août 2008, après que les responsables Bodo eurent proclamé que les Bodo étaient les seuls habitants indigènes du territoire et exigé que les musulmans de la région, émigrés du Bangladesh, quittent l’Etat d’Assam. Des prêtres catholiques des régions touchées – dans le diocèse de Tezpur – ont rapporté que la violence avait également frappé les chrétiens : trois villages aborigènes catholiques proches des zones à majorité musulmane ont été incendiés et des groupes de musulmans ont tué trois Bodo catholiques.
Selon un membre de l’archevêché de Guwahati, dont les propos sont rapportés par l’agence Ucanews (3), l’annonce de la démarche de paix à l’initiative de l’Eglise catholique a généré une grande anxiété parmi les chrétiens, qui craignaient la réaction des musulmans. « Mais ceux-ci sont venus nombreux, avec des professeurs, et des dignitaires, explique-t-il. Les musulmans ont apprécié que le sujet soit abordé dans une atmosphère religieuse. »
« C’était comme tenter l’impossible », reconnaît Mgr Menamparampil, admettant qu’il était, lui aussi, très inquiet avant le début de la rencontre pour la paix. La réponse positive des participants l’a rassuré. A l’issue de la réunion, l’archevêque a déclaré que les représentants musulmans avaient accepté « d’éviter les occasions de violence supplémentaires ». Ils ont aussi donné leur accord pour la mise en place d’une commission pour la paix entre aborigènes et musulmans.
Selon le prélat, « c’est un bon démarrage » même s’il reste encore beaucoup de travail. Mais « les parties en présence souhaitent un accord », a-t-il précisé, ajoutant que le gouvernement envisageait de s’investir largement dans l’affaire. Mgr Menamparampil a également rapporté que les chefs Bodo acceptaient d’éviter les déclarations provocatrices qui pourraient inciter à la violence et de coopérer au processus de paix et de réconciliation.
Les chrétiens sont minoritaires en Assam (3,7 % de la population) mais très investis depuis des années dans des démarches de réconciliation entre les différentes ethnies de la région, où les conflits sont endémiques. A la tête du Joint Peace Team of Northeast India, groupe qu’il a fondé il y a douze ans, Mgr Menamparampil avait visité les zones touchées par le conflit le 1er décembre dernier. Présent dans cette région depuis une quarantaine d’années, l’évêque, avec l’aide de son équipe, a concouru à la passation d’accords de paix dans de nombreux conflits ethniques en Assam, entre les Bodo et les Santal en 1996, entre les Kuki et les Paite en 1998, les Dimasa et les Hmar, les Karbi et les Kuki en 2003.
(1) Selon le recensement de 1991, les Bodo sont 1,2 million en Assam où ils représentent 5,3 % de la population. Dans les territoires où l’ethnie aborigène est majoritaire, les revendications nationalistes sont très fréquentes.
(2) Voir EDA 494.
(3) Ucanews, 10 février 2009.