Vers une évangélisation interactive

Entretien avec Xavier Debanne, expert en Eglise et Internet

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ROME, Vendredi 19 décembre 2008 (ZENIT.org) – Second Life, Facebook, Youtube… qu’ont-ils à voir avec l’évangélisation ? Beaucoup, selon l’ingénieur Xavier Debanne qui souhaite que l’Eglise, pour marquer sa présence sur Internet, soit « promotrice d’une évangélisation interactive, menée par des chrétiens qui interagissent avec d’autres chrétiens et non par e-mail, messageries instantanées, chat, blog, podcast, présence dans Second Life, etc. ».

ZENIT a rencontré Xavier Debanne, conseiller à l’Information and Communications Technology (ICT) et expert en marketing et communication. Il collabore avec des organisations à but non lucratif et des institutions religieuses sur des questions relatives à Internet. Actuellement membre du directoire de l’Association des Webmasters catholiques italiens de la Conférence épiscopale italienne (CEI), il a également été cadre dirigeant chez Olivetti entre 1990 et 1998, et chez Siemens Informatique, entre 1998-2006. 

Expert en technologies numériques, il est né à Paris en 1954, marié, deux enfants et vit à Rome depuis 1980. Parmi les sites gérés ou projetés et réalisés par Xavier Debanne on trouve l’Index analytique de la revue Civiltà Cattolica (www.ananiainrete.it/lcc/) et le site de l’Eglise du Gesù à Rome (www.chiesadelgesu.org). Il a également créé le site de partage sur la culture numérique Anania en réseau (http://www.ananiainrete.it/). 

ZENIT – Quels sont les dangers mais aussi les atouts de l’interactivité d’Internet ?

Xavier Debanne – L’interactivité d’Internet a changé de manière substantielle la culture occidentale. Par exemple, elle tend à modifier la nature des rapports interpersonnels, surtout parmi les jeunes : les rapports « face à face » diminuent au profit de rencontres sur Internet qui, souvent, risquent d’être superficielles, conséquence aussi de la culture postmoderne qui évalue positivement l’épisode et incite à vivre le dialogue sur Internet un peu comme un jeu vidéo, où la complexité des problèmes n’existe plus et où tout est simple et acceptable. 

Un exemple de cela est la limitation de sites comme Facebook, qui réduit grossièrement l’amitié à un paramètre binaire : une personne figure dans la liste des amis ou elle n’y figure pas.

En même temps, l’interactivité d’Internet permet, par exemple, la visite sans sortir de chez soi de la Chapelle Redemptoris Mater du Vatican. Sur le site du Vatican l’internaute a la possibilité d’admirer les mosaïques de la chapelle en se déplaçant virtuellement, en bougeant la souris de son ordinateur. Et c’est encore Internet qui permet aux huit cents prêtres du site « preti online » de répondre individuellement aux internautes par courrier électronique. 

S’il me semble, d’un côté, qu’Internet favorise la diffusion d’une culture relativiste qui entame la capacité de s’interroger sur des questions essentielles, de l’autre on remarque qu’il multiplie les occasions de rencontre et d’annonce.

ZENIT – Internet est devenu un cadre de participation. Est-ce que cela peut engendrer de la confusion ? 

Les blogs ont été les premiers vrais sites web de participation, grâce à leur facilité d’utilisation, tant pour l’auteur que pour les lecteurs, ou soit parce qu’écrire des contenus et des commentaires est aussi facile que de les lire.

Toutefois, la prolifération des blogs, des sites web et des réseaux sociaux comme Facebook peut arriver à gêner l’internaute si celui-ci ne sait pas faire la distinction entre un blog et un autre, sur une toile apparemment plate et indifférenciée. 

Le cas de l’encyclopédie online à contenu ouvert Wikipedia est emblématique. Même si sa base de données rassemble environ 3 millions et demi de vocables en 255 langues, cette encyclopédie n’est pas fiable à cause justement de sa caractéristique très innovante : fournir un contenu ouvert à tous. 

En effet, il n’existe aucune garantie réelle concernant la validité et le soin donné à ces contenus. Mais le problème le plus grave est le fait que Wikipedia conduit au relativisme : étant donné que ce sont les usagers qui décident, ensemble, de la véracité des informations de chaque contenu, la tendance est de concorder uniquement sur des faits de grande banalité et de mettre toutes les positions sur un même plan. 

Au-delà de Wikipedia, il me semble que les espaces de coopération et les réseaux sociaux en général sont à la base d’un processus extraordinaire en termes d’innovation sociale car le principe de base des réseaux sociaux est simple : exploiter les motivations individuelles pour produire des valeurs pour le groupe.

Toutefois, pour transformer les projets de coopération en projets sûrs il est indispensable d’étudier des mécanismes de gestion efficaces qui puissent augmenter leur autorité sans détruire l’élan de coopération. 

ZENIT – La présence de l’Eglise catholique sur la toile est-elle optimale ?

X. Debanne – Je pense qu’actuellement la finalité principale de la présence d’une organisation ecclésiale sur Internet est de donner plus de visibilité à ses activités, ses propositions, ses documents, son histoire, etc. Il n’est donc pas surprenant qu’elle décide d’atteindre cet objectif en activant un site web. 

Une autre façon d’être présente est de promouvoir une action interactive, menée par des chrétiens qui interagissent avec d’autres chrétiens et non chrétiens par e-mail, messageries instantanées, chat, blog, podcast, en étant présent sur Second Life, etc. Le thème de l’évangélisation sur réseau a souvent été traité par le magistère de l’Eglise, dès 1999, et son objectif est d’établir des relations avec ceux qui sont en recherche, en se fondant essentiellement sur la communication pastorale.

Personnellement, je crois à l’efficacité du récit de témoignages religieux dans un espace fortement orienté sur le partage et la participation, comme peut l’être un blog, en faisant amplement recours à des images symboliques, pour obtenir une communication qui suppose une création partagée à travers un processus d’interaction commune, que celui-ci soit de nature consensuelle ou de nature conflictuelle. 

D’après moi, l’avenir de l’Eglise sur Internet sera marqué, dans une large mesure, par le passage de la communication institutionnelle à la communication pastorale. 

Propos recueillis par Miriam Díez i Bosch

Traduction française : Isabelle Cousturié

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ZENIT Staff

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