Népal : Le gouvernement maoïste choisit une « déesse vivante »

Fin de la dernière monarchie hindoue au monde

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ROME, Mercredi 1er octobre 2008 (ZENIT.org) –  Le gouvernement maoïste du Népal se choisit une « déesse vivante », rapporte « Eglises d’Asie », l’agence des Missions étrangères de Paris (EDA).

Au Népal, les maoïstes, qui gouvernent le pays depuis mai dernier, ont annoncé qu’ils avaient désigné une nouvelle « kumari », destinée à être l’une des déesses vivantes vénérées par tout le pays. L’Etat de l’Himalaya est devenu une république lors des élections du printemps dernier, mettant fin à la dernière monarchie hindoue au monde (1). Selon l’AFP (2), le gouvernement maoïste au pouvoir a déclaré avoir choisi une fillette à Bhaktapur, pour incarner la déesse Taleju, s’octroyant un droit détenu par les prêtres tantriques depuis des siècles. Bien qu’il s’agisse d’une kumari « secondaire », le fait est sans précédent.

Des trois kumaris de la vallée de Katmandou qui protègent leur cité, celle de Katmandou est la plus importante et surtout la plus connue des touristes qui viennent la photographier lors de ses apparitions à la fenêtre de son palais, maquillée de rouge et or, parée comme une princesse minuscule (3). Enfermée dans la Kumari House près du temple, n’en sortant que pour les fêtes, portée pour ne pas toucher le sol impur, la fillette est soumise à des règles très strictes et séparée de sa famille. La puberté ou un saignement quelconque sonne le glas de son règne et les prêtres se mettent alors en quête de la nouvelle incarnation de la déesse. La sélection de la petite fille se fait selon des critères très précis. Agée de 2 à 4 ans, d’origine newar, la principale ethnie de la vallée de Katmandou, la future kumari est toujours issue de la même caste bouddhique et doit présenter des caractéristiques physiques précises (les  « cils longs comme ceux d’une vache », la « voix gracieuse du canard », etc.), mais surtout un profil psychologique déterminé lors de tests particulièrement redoutables effectués par les prêtres du culte. Taleju est en effet une des formes de la terrifiante déesse hindoue Durga-Kali. Afin de s’assurer de l’impassibilité de la fillette, qui devra, durant son court règne, rester des heures sans bouger et recevoir des sacrifices sanglants, les enfants présélectionnées sont enfermées une nuit de Dasain, fête en l’honneur de Durga-Kali (qui a commencé ce 30 septembre, selon le calendrier hindou), en compagnie de têtes de buffles fraîchement coupées. La fillette qui ne semble pas effrayée est désignée comme étant la « Grande Déesse ».

L’institution des kumaris a été fortement décriée par les maoïstes. En effet, les petites filles sont totalement liées à la royauté népalaise dont elles sont les déesses tutélaires et protectrices.  La Kumari de Katmandou surtout, en tant que Kumari royale, réaffirmait tous les ans le monarque sur son trône, bien qu’il soit censé être lui-même l’incarnation de Vishnou. Lors de la fête de l’Indra Jatra, devant la foule de ses sujets, elle défilait sur son char après avoir accordé au souverain sa bénédiction pour « un nouveau mandat ». Cette année, malgré la transformation du royaume hindou en « République démocratique fédérale du Népal », la cérémonie a eu lieu, avec les mêmes rites immuables. Le 14 septembre dernier, c’est le président lui-même, le Dr Ram Baran Yaday, qui a rendu hommage à la Kumari royale, la déesse protectrice du monarque destitué. Une image qui contraste avec les prises de position très marquées des maoïstes il y a quelques mois à peine, demandant l’abolition de toutes les « institutions féodales » liées à la royauté, dont les kumaris étaient les symboles les plus visibles.

En août dernier, la Cour suprême du Népal avait lancé une enquête sur les conditions de vie des kumaris et ordonné que les petites déesses soient scolarisées, déclenchant une très vive polémique qui révélait l’attachement que les Népalais avaient pour leurs kumaris.

Après la cérémonie de l’Indra Jatra, qui participe de la légitimation du nouveau pouvoir en place, le choix de la kumari à Bhaktapur par le gouvernement marque une nouvelle étape dans son appropriation des anciens symboles de la royauté. Selon le Telegraph, Shreeya Bajracharya, âgée de 6 ans, a été intronisée le 29 septembre par les responsables des Affaires culturelles de la République démocratique fédérale du Népal, puis vénérée par une foule nombreuse d’hindous et de bouddhistes. Elle a remplacé Sajani Shakya, 11 ans, destituée officiellement pour s’être soumise au mariage symbolique avec le fruit Bel, une coutume newar, mais plus probablement pour avoir, l’an passé, irrité les autorités religieuses en partant tourner un documentaire sur sa vie aux Etats-Unis.

Pour les fêtes de Dasain, qui se déroulent du 30 septembre au 9 octobre, il y aura une nouvelle kumari à Bhaktapur, une petite fille bouddhiste, incarnant une déesse hindoue, intronisée par un Etat maoïste athée.

(1)            La république a été officiellement proclamée le 28 mai 2008, à l’issue d’un vote de l’Assemblée constituante. Voir EDA 486, 489.

(2)            Agence France-Presse, 29 septembre 2008.

(3)            Les trois principales kumaris de la vallée de Katmandou sont celles de Katmandou (la Kumari royale), celle de Bhaktapur et celle de Patan, deux villes proches de la capitale du Népal.

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ZENIT Staff

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