ROME, Mercredi 1 octobre 2008 (ZENIT.org) – Pour répondre aux défis de la mondialisation, « la politique a besoin du christianisme » qui, en soi, constitue une bonne synthèse entre la raison, la foi et la vie, et l’incarnation du souffle universel, a déclaré le cardinal Tarcisio Bertone.
Le secrétaire d’Etat participait mardi à une rencontre organisée au Palais De Carolis, à Rome, sur « Le siècle des croyances », à l’occasion de la présentation du dernier numéro de la revue « Aspenia », le magazine trimestriel de politique internationale de l’Aspen Institute Italia.
Affrontant le thème du rapport entre la politique et la religion à l’ère globale, le cardinal dit avoir relevé, au regard des données fournies dans cette revue, « une certaine convergence de vue quant au fait que la politique et le marché, à l’ère de la mondialisation, ne sont pas tout ; ils sont un moyen, mais pas une fin ».
« Je n’ai jamais été d’accord avec ceux qui soutiennent que la politique est inutile, parce qu’elle promet de construire des ponts même là où le fleuve ne passe pas ! Je suis convaincu que la politique est nécessaire, a-t-il insisté. Mais je pense que, pour communiquer de vraies valeurs, il faut respecter le ‘pont’ qui relie chacune de ces valeurs à Dieu ».
« Dans la distinction des rôles, la politique a besoin de la religion ; en revanche, quand on ignore Dieu, la capacité de respecter le droit et de reconnaître le bien commun commence à s’affaiblir », a-t-il ajouté.
« La preuve en est, a-t-il ensuite précisé, l’issue tragique de toutes les idéologies politiques, même celles de courant opposé, et il me semble que la crise financière actuelle en est la confirmation » ; cette crise qui a frappé les Etats-Unis, et qui, après l’échec du plan de sauvetage proposé par l’administration Bush, s’est soldée par la chute brutale de la bourse de Wall Street qui a enregistré l’une des pires pertes de son histoire.
« Là où l’on ne recherche que son propre profit, on finit à brève échéance et en l’identifiant presque au bien, par annuler ce profit », a commenté le cardinal Bertone.
« Il existe certainement une éthique ‘laïque’, comme on dit souvent, c’est-à-dire une éthique qui ne s’inspire pas de la transcendance. Celle-ci mérite attention et respect, car elle concourt souvent au bien commun » ; néanmoins, en ne s’inspirant pas de la transcendance, elle risque de finir « par s’exposer davantage aux fragilités humaines et au doute ».
« C’est pourquoi, a-t-il dit, bien qu’on ne cesse de réaffirmer, et de façon très solennelle, le principe d’inviolabilité des droits de la personne, dans les faits ces nobles affirmations s’opposent souvent à une négation tragique de ces droits ».
Par ailleurs, « dans les sociétés modernes multiethniques et multiconfessionnelles, la religion constitue un important facteur de cohésion entre les membres, et la religion chrétienne en particulier, avec son universalisme, invite à l’ouverture, au dialogue et à une collaboration harmonieuse ». Elle n’est donc pas « une sorte d’ ‘opium’ des pauvres ».
Selon le cardinal Bertone, « pour gérer la mondialisation, la politique n’a pas seulement besoin d’une éthique qui s’inspire de la religion, mais elle a besoin que cette religion soit rationnelle. C’est aussi la raison pour laquelle la politique a besoin du christianisme ».
« La force qui a transformé le christianisme en une religion mondiale est précisément cette synthèse entre raison, foi et vie, a-t-il expliqué. Cette combinaison, si puissante qu’elle a su rendre vraie la religion qui la manifeste, est aussi celle qui peut permettre à la vérité du christianisme de resplendir dans un monde globalisé et dans le processus de mondialisation ».
En même temps, a poursuivi le cardinal Bertone, « le christianisme ne se contente pas de montrer la partie du visage que Dieu tient tourné vers l’occident, dans la mesure où il est mondial dans son essence, et répond donc parfaitement aux dynamiques de ce monde globalisé qui est le nôtre aujourd’hui ».
« La foi chrétienne n’est donc pas une espèce d’option de l’Occident, qui serait peut-être un peu dépassée, mais plutôt un trésor pour le monde présent et un investissement pour celui de demain », a-t-il dit.
Aussi le cardinal juge-t-il « pleinement légitime » le fait « que les chrétiens participent au débat public. Sinon les arguments et les raisons théistes et religieuses ne pourraient pas être invoqués publiquement dans une société démocratique et libérale, alors que les arguments rationalistes et séculiers le pourraient, ce qui serait une violation claire du critère d’égalité et de réciprocité qui est à la base même du concept de justice politique ».
« Le christianisme, a-t-il insisté, promeut des valeurs que l’on ne devrait pas étiqueter comme ‘catholiques’ et, donc, ‘partisanes’, acceptables uniquement par ceux qui partagent cette foi », car « la vérité de ces valeurs réside dans le fait qu’elles correspondent à la nature de l’homme et, donc, à sa vérité et dignité ».
« Par conséquent, a-t-il ajouté, si une personne les soutient, cela ne veut pas dire qu’elle aspire à un régime confessionnel, mais qu’elle est tout simplement consciente du fait que la légalité trouve son enracinement ultime dans la moralité et que cette dernière, pour être pleinement humaine, ne peut que respecter le message qui provient de la nature même de la personne, car dans cette nature est également inscrit ce qu’elle doit être ».
De là découle le fait que « la ‘non négociabilité’ de tels principes ne dépend pas de l’Eglise et de sa soit-disant intransigeance ou, pire, de sa fermeture mentale face à la modernité », mais « plutôt de la nature humaine à laquelle ces principes sont soudés ».
A la lumière de cela, la fréquence des interventions de l’Eglise visant à protéger ces « valeurs non négociables » ne saurait être interprétée comme une « ingérence indue de sa part […] dans un domaine qui ne lui appartiendrait pas », mais comme « une aide pour faire grandir une conscience droite et éclairée, donc plus libre et responsable ».
« L’Eglise ne va pas à la recherche d’applaudissements et de popularité, car le Christ l’envoie dans le monde ‘pour servir’ et non ‘pour être servie’ ; elle ne veut pas ‘gagner à tout prix’, mais ‘convaincre’, ou du moins ‘alerter’ les fidèles et toutes les personnes de bonne volonté concernant les risques que l’homme encourt quand il s’éloigne de la vérité sur lui-même ! », a-t-il conclu.
Traduit de l’italien par Isabelle Cousturié