« La Grotte de Lourdes, un chemin d’Evangile » : un livre pour les 150 ans

Entretien avec l’auteur, le P. Régis-Marie de La Teyssonnière

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ROME, Mardi 12 février 2008 (ZENIT.org) –  « La Grotte de Lourdes, un chemin d’Evangile », est un livre pour « entrer dans la grâce de Lourdes et devenir meilleur pèlerin ». Le livre sort en France jeudi prochain, 14 février, aux éditions CLD (252 pages – 18 €), avec une  préface de Mgr Jacques Perrier, évêque de Tarbes et Lourdes.

Son auteur, le P. Régis-Marie de La Teyssonnière, chapelain de Notre-Dame de Lourdes depuis 1996, accorde cette avant première aux lecteurs de Zenit. Aumônier de l’Hospitalité Notre-Dame de Lourdes jusqu’en 2004, il voyage depuis à travers le monde pour aller à la rencontre de personnes et de communautés liées à Lourdes sur les cinq continents. Son livre marque le 150e anniversaire des apparitions de la Vierge Marie à Bernadette Soubirous : 18 « visitations » entre le 11 février 1858 et le 16 juillet de la même année.

Zenit – Père Régis-Marie de La Teyssonnière, vous êtes chapelain des Sanctuaires Notre-Dame de Lourdes et paradoxalement « globe-trotter » de ces mêmes Sanctuaires. Pour vous, comme pour tous les pèlerins, la grâce de Lourdes entre-t-elle donc d’abord par les pieds ?

P. Régis-Marie – C’est vrai que, dans l’Ecriture, les pieds ont toute leur importance. « Qu’ils sont beaux les pieds des porteurs de la Bonne Nouvelle » est-il écrit dans la Bible. C’est ce que le peuple chrétien chante au moment du départ d’un missionnaire. Pour rencontrer la « dame », Bernadette Soubirous devait parcourir 2 kilomètres avant d’arriver à la Grotte et autant pour revenir chez elle. Sachant qu’elle a bénéficié de 18 apparitions, Bernadette a donc marché (2×2 x18=) 72 kilomètres. Lorsque, le 2 mars 1858, la Sainte Vierge dit : « Que l’on vienne ici en procession », on comprend aussitôt qu’il faut marcher. Les premiers pèlerinages viennent à pied des villages voisins. Puis, très vite, c’est de la gare de Lourdes que l’on se met en procession pour rejoindre la Grotte. Aujourd’hui, la procession eucharistique et la procession mariale aux flambeaux sont, plus que jamais, deux des grands moments de la journée de Lourdes. La marche ouvre au cheminement intérieur. La sollicitation des pieds aide à découvrir ce qui est caché dans le cœur. Ainsi, par les pieds, le pèlerinage peut devenir réconciliation avec soi-même, émerveillement en présence de l’autre, rencontre avec Dieu. Telle est bien mon expérience à Lourdes, mais aussi dans de très nombreux pays de monde où je me suis rendu en pèlerinage.

Zenit – Pouvez-vous présenter l’itinéraire du Jubilé qui, à Lourdes, est proposé à chaque pèlerin ?

P. Régis-Marie – Il s’agit d’un pèlerinage en quatre étapes, chacune d’elles pouvant durer quelques instants ou une journée suivant la durée du séjour à Lourdes. Il faut donc marcher, se déplacer, accomplir un parcours qui, à partir de l’expérience de Bernadette, ouvre à la compréhension de l’Evangile, permet une relecture de sa propre vie, et se fait rencontre avec le Seigneur.

La première étape conduit d’abord à l’église paroissiale. Là, auprès du baptistère où, le 9 janvier 1844, Bernadette est devenue enfant de Dieu (elle était alors âgée de deux jours), les pèlerins peuvent se souvenir et s’interroger : Qu’ai-je fait de mon baptême ? Pour les chrétiens, la redécouverte et l’approfondissement de la vie baptismale sont un point de départ.

Au cachot, cette ancienne prison de quelque 16 m² où Bernadette vivait avec sa famille, les pèlerins sont invités à méditer sur leur condition de vie. La vie de baptisé s’enracine dans le concret de l’existence humaine. Or chacun doit d’abord accepter ce qu’il est, ce qu’il a, ce qui fait son quotidien. La qualité de cette acceptation est l’un des traits marquants de la vie de Bernadette et elle est aujourd’hui l’un des aspects de la grâce de Lourdes.

La Grotte est le troisième moment du chemin du Jubilé de Lourdes. Lieu de la rencontre, la Grotte est pour chaque pèlerin le lieu d’une expérience unique, mystérieuse, ineffable. Pour Bernadette, la Grotte s’avère être la maison de Marie où la Sainte Vierge l’accueille et la conduit jusqu’à son Fils Jésus Christ. Pour chaque pèlerin, d’une façon ou d’une autre, il en est toujours ainsi. La vie chrétienne avec Marie est une vie avec Jésus.

Au XIXe siècle, l’Hospice de Lourdes était tenu par les sœurs de la charité et de l’instruction chrétienne de Nevers. C’est là que Bernadette a été scolarisée. C’est là, dans la chapelle de cette maison, que, le 3 juin 1858, quelques semaines avant la dernière apparition, Bernadette a fait sa première communion. En cette quatrième étape du chemin du Jubilé, les pèlerins sont invités à redécouvrir le sens et l’importance de l’Eucharistie dans leur propre vie chrétienne.

Zenit – On sait rarement les détails de chaque apparition de la Vierge Marie à Bernadette Soubirous. Père Régis-Marie, entre le 11 février et le 16 juillet 1858, quelles sont les apparitions de Marie que vous proposez de découvrir ?

P. Régis-Marie – Je citerai trois moments qui ne sont guère connus et qui me touchent particulièrement.

Le dimanche 14 février, c’est pour Bernadette la deuxième apparition. Ce jour-là c’est aussi la seule fois où elle est en même temps avec les siens et avec la Vierge. Ainsi, à un certain moment, elle passe son bras autour du cou de l’une de ses camarades de classe et lui dit : « Ne la vois-tu pas, elle est là juste devant nous et nous regarde ». Mais à Lourdes, seule Bernadette a vu la Vierge Immaculée. Pourtant tout baptisé doit, en ce monde, témoigner de « l’autre monde », du Royaume des cieux.

Le jeudi 18 février, lors de la troisième apparition, après avoir prié le chapelet en présence de la Sainte Vierge, Bernadette est invitée à entrer dans la Grotte. Marie, qui l’y a précédée, l’accueille, se tenant tout près d’elle, dans la partie droite de la cavité. Il en sera ainsi lors de la plupart des apparitions. Bernadette se tient d’abord à l’extérieur de la Grotte, les yeux fixés vers le creux du rocher où se trouve la Vierge (c’est là qu’aujourd’hui se trouve la statue de Notre-Dame de Lourdes). C’est seulement après, lorsqu’elle y est invitée, que Bernadette pénètre dans la Grotte, pour un moment de face à face, de dialogue, de cœur à cœur. Marie rappelle que toute vie chrétienne est appelée à une extraordinaire intimité avec le Christ.

Le 25 mars 1858 (jour de la seizième apparition), à la quatrième demande de Bernadette, la « dame » dit à Bernadette dans le patois de Lourdes : Je suis l’Immaculée Conception. La jeune fille s’empresse aussitôt à le dire à Monsieur le curé. Il s’ensuit un court et déconcertant dialogue :

– Je suis l’Immaculée Conception, s’écrie Bernadette, lorsqu’elle se trouve face au prêtre

– Que dis-tu là ? s’étonne Monsieur le curé.

– C’est la dame qui m’a dit : « Je suis l’Immaculée Conception », reprend Bernadette.

– Une dame ne peut pas s’appeler comme cela. Et toi, comment peux-tu dire quelque chose

  que tu ne comprends pas ? réplique le prêtre.

– J’ai répété ce nom sans cesse tout au long du chemin, dit seulement Bernadette.

Zenit – Que dire de la dernière apparition qui a eu lieu le 16 juillet, jour de la fête de Notre-Dame du Mont Carmel ?

P. Régis-Marie – A Lourdes, comme ailleurs, la réalité fait signe et ces signes ouvrent eux-mêmes à toute une symbolique. Notre-Dame du Mont Carmel est la sainte patronne des contemplatifs. Ainsi, l’on comprend aisément qu’après avoir vu Marie de ses yeux de chair, Bernadette est appelée, comme toute créature humaine, à voir Dieu et à être nourrie de cette vision. Lorsque, 8 ans après les apparitions de Lourdes, Bernadette est devenue religieus
e à Nevers, très vite les sœurs sont émues. Elles remarquent, en effet, que lorsqu’elle dit le chapelet devant une statue de la Vierge, mais aussi lorsqu’elle prie après avoir reçu la sainte communion, le visage de Bernadette est rayonnant de lumière. Celle-ci devra même se justifier auprès de l’évêque de Nevers à qui elle confie : « Monseigneur, maintenant je suis comme tout le monde. » La contemplation, à laquelle tous sont appelés, commence sur la terre.

Zenit – Père Régis-Marie, qu’est-ce qui est le plus frappant dans la relation de Marie et de Bernadette ?

P. Régis-Marie – Marie vit par Dieu et pour Dieu. C’est cette expérience qu’elle transmet à Bernadette. C’est ainsi que la petite Soubirous apprend le sens profond de l’obéissance qui permet à une personne de « coïncider » avec une autre personne. Bernadette reçoit de Marie tout ce qu’elle est et va elle-même se donner telle qu’elle est. A la Grotte de Lourdes, leur relation va atteindre les sommets de l’amour, parce que tout entière vécue en Celui qui est l’Amour, Dieu Père, Fils et Saint Esprit.

Zenit – Quel portrait de Bernadette ressort de cette aventure étonnante ?

P. Régis-Marie – La petite Bernadette est profondément attachante et qui commence à la connaître veut être son ami. Elle est pauvre, malade, analphabète, certes. Mais elle est surtout vraie, droite, authentique, et sa vie est enracinée dans une humanité de qualité qui ne cesse de s’épanouir. Elle est exigeante avec elle-même et passionnée avec les autres. Les enfants l’aiment car, lorsqu’elle est avec eux, elle est comme eux : l’instant présent lui suffit. Les adultes l’apprécient car elle est gentille, serviable et ne se plaint jamais. Les prêtres de la paroisse ne la remarquent pas car, par sa gaîté et sa jovialité, elle passe inaperçue au milieu des enfants de son âge. Pourtant Bernadette dispose d’un atout si ce n’est secret du moins peu connu. Elle est un être de désir. Et, toute sa vie, la Sainte Vierge l’aidera à toujours réorienter son désir vers Dieu. C’est ainsi qu’elle grandira dans l’amour de Dieu, des autres et de soi-même. Il faut encore citer l’humilité de Bernadette. Au couvent Saint-Gildard de Nevers, une dame à qui l’on désigne la religieuse qui, à Lourdes, avait  vu la Vierge Immaculée, ne peut s’empêcher de s’écrier : « C’est ça Bernadette ? » Et de lui répondre : « Oui madame, ce n’est que ça ».

Zenit – Qu’évoquent pour vous les paroles du pape Benoît XVI invitant à redécouvrir les répliques de la Grotte de Lourdes qui existent dans le monde entier ?

P. Régis-Marie – Le Saint-Père parle en connaissance de cause car, depuis plus d’un siècle, les papes disposent dans les jardins du Vatican d’une réplique de la Grotte de Lourdes. Cette grotte est non seulement belle, mais elle est surtout un lieu de vie, de prière, de célébration. Les centaines de répliques de la Grotte de Lourdes que j’ai découvert à travers le monde ont été réalisées ou restaurées à l’occasion d’un pèlerinage à Lourdes ou d’un Jubilé de Lourdes. Ces Grottes sont non seulement des lieux de pèlerinages, mais aussi des signes de l’amour de Dieu. Cela est particulièrement important, par exemple dans un pays comme la Chine où beaucoup de paroisses catholiques possèdent leur grotte de Lourdes.

Propos recueillis par Anita S. Bourdin

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ZENIT Staff

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