ROME, Lundi 29 octobre 2007 (ZENIT.org) Pour l’Institut pontifical d’études arabes et d’islamologie (PISAI) de Rome, la lettre ouverte des 138 intellectuels et dignitaires religieux musulmans du monde entier, adressée au pape et aux responsables des Eglises chrétiennes, le 11 octobre dernier est « un événement hautement significatif que l’on ne saurait passer sous silence ».
Le PISAI publie un commentaire de cette lettre, signé par le recteur de l’institut, le père Miguel Ángel Ayuso Guixot, par le directeur des études, le P. Etienne Renaud, et par les professeurs Michel Lagarde, Valentino Cottini et Felix Phiri.
Les membres du PISAI se disent d’abord « frappés par la largeur des horizons sous lesquels se situe ce texte ; largeur au niveau des signataires : cent trente-huit personnalités musulmanes provenant de nombreux pays situés dans tous les continents et dont l’appartenance religieuse témoigne de nuances variées ; largeur au niveau des destinataires : tous les guides des différentes Eglises chrétiennes dont vingt-huit sont explicitement nommés ».
Dans le même ordre de constatations, ils soulignent « l’étendue du champ concerné, à savoir les musulmans, les chrétiens, les juifs et les hommes du monde entier ».
Dans leur lettre, rendue publique à l’occasion de la fin du ramadan, les musulmans proposent une solidarité plus marquée entre chrétiens et musulmans pour promouvoir la paix dans le monde.
Les auteurs du texte se situent « comme partenaires de l’humanité pour laquelle ils proposent leur façon de concevoir les fondements et les principes reconnus aussi par d’autres communautés, en vue de sa survie dans une paix effective et générale ».
« L’ampleur des perspectives est également un trait notoire de ce texte », soulignent-ils en expliquant que les auteurs s’intéressent certes « au sort du monde actuel tel qu’il est en jeu ici et maintenant, mais également à celui des ‘âmes éternelles’ qui se jouera ailleurs et demain ».
« Cette double visée, à la fois immanente et transcendante, fait circuler dans ce discours un courant fort et libérateur », ajoute le PISAI.
L’équipe du PISAI se dit également frappée « par le caractère fondamental du propos : Dieu et l’homme » ajoutant qu’ « il est bien plus facile de se limiter à des idées d’autant plus généreuses qu’elles sont vagues et générales, que de réclamer ainsi l’attention sur l’urgence des droits de Dieu et de ceux de l’homme qui exigent de chacun une attention soutenue et un amour actif et concret ».
« Nous sommes également sensibles à la réelle attention que portent les signataires de cette lettre à la référence capitale qui fonde l’autre en tant que juif ou chrétien, à savoir le double commandement de l’amour de Dieu et du prochain dans le Deutéronome et dans l’Evangile de Matthieu », poursuit le PISAI qui voit dans cette reconnaissance de l’autre, dans le désir le plus profond de ce qu’il veut être, comme « un des points fondamentaux de ce document ». « Elle seule peut garantir le succès d’une vraie relation entre communautés culturellement et religieusement différentes », estiment-t-il.
Les membres du PISAI affirment également avoir apprécié la façon dont les auteurs du texte, en tant que musulmans, voient dans ces deux commandements la définition même de leur propre identité.
Ils ne le font, soulignent-ils, « ni par complaisance ni par politique, mais, en vérité, uniquement à partir de leur proclamation de l’unicité divine, pivot de la foi musulmane ».
L’acceptation radicale de l’unicité divine, en effet, « est une des expressions les plus authentiques de l’amour dû à Dieu seul » et « l’amour de Dieu est indissociable de celui du prochain ». La foi, comme ne cesse de le répéter le Coran, ne va jamais sans les bonnes œuvres.
Ce réalisme dont les signataires de la lettre font preuve « ne les empêche pas d’avoir une vision positive sur les obstacles et les différences qui demeurent entre nous ; si bien que, fidèles à la tradition coranique qui les inspire, ils n’y voient qu’une occasion d’émulation dans la recherche du bien commun ».
« Stimulés par leur attitude, nous ne voulons retenir, nous aussi, que l’interprétation maximaliste selon laquelle les textes du Coran et de la Tradition prophétique ne limitent pas aux seuls membres de l’umma les bienfaits que tout bon musulman doit prodiguer à son prochain au nom de sa foi en Dieu et de son amour exclusif pour lui », reconnaissent-ils.
« Un tel document nous encourage à poursuivre notre engagement pour que la différence de nos langues et de nos couleurs, c’est-à-dire nos différences culturelles profondes, loin de nous engager dans le soupçon, la méfiance, le mépris et la dissension, comme cela s’est souvent vérifié dans l’histoire de nos rapports et comme c’est toujours le cas dans le monde d’aujourd’hui, soient perçues comme des signes pour ceux qui savent, c’est-à-dire, comme une miséricorde provenant de notre Seigneur » concluent les membres du PISAI.