ROME, Lundi 1er octobre 2007 (ZENIT.org) – Les évêques du Bénin ont achevé, samedi 22 septembre, leur visite ad limina Apostolorum. La veille, le pape Benoît XVI les a reçus en audience à Castel Gandolfo, abordant avec eux les questions sociales et religieuses qu’ils doivent affronter dans leur pays comme la formation des jeunes, la polygamie, le syncrétisme et la corruption.
A cette occasion, le pape a invité les évêques du Bénin à prendre position pour la défense de la vie et de la famille comme « un service offert à la société tout entière ».
Mgr Kouassivi Vieira, évêque de Djougou, était présent à l’audience du Saint-Père. Dans un entretien avec ZENIT, il commente les paroles du discours que le pape a adressé aux évêques béninois.
Zenit – Quelle signification particulière cette visite ad limina Apostolorum a-t-elle eu pour vous, évêques du Bénin ?
Mgr Vieira – Pour nous cette visite a été un beau cadeau du Seigneur, une grâce particulière pour renforcer également et concrètement notre communion avec le Saint-Père. Le pape est le symbole de la charité de Jésus pour toute l’Eglise universelle. Donc avec Pierre, nous nous sentons encore plus forts et, à travers nous, toutes nos Eglises particulières se sentent plus fortes. Je pense que pour chaque évêque, venir rencontrer le pape est l’occasion de renouveler son propre engagement épiscopal, son propre ministère apostolique, ‘avec Pierre et jamais sans Pierre’. C’est pour nous l’occasion de redire au pape que nous formons avec lui un seul et même cœur, une seule et même âme, un seul et même esprit et une seule et même volonté.
Zenit – Y-a-t-il, dans le discours du pape, des points qui vous ont particulièrement touchés ?
Mgr Vieira – Tout d’abord les paroles d’encouragements que le pape a adressées à l’épiscopat béninois. On en avait braiment besoin, car être évêque n’est pas simple. Ça ne l’a jamais été, mais certaines situations actuelles exigent encore plus d’efforts de la part de l’épiscopat. Et puis j’ai été très touché par son rappel à la communion entre nous évêques du Bénin. Mais pas seulement, Benoît XVI nous a aussi invités à remplir notre mission dans les diocèses en restant en communion avec les prêtres, les religieux, les religieuses, les séminaristes et les catéchistes. Et ceci m’a beaucoup touché car le pape s’est souvenu de tout le monde. Il est évident qu’il a lu avec attention les comptes rendus de ces cinq dernières années, que nous lui avions envoyés il y a quelques mois. Et l’on s’est rendu compte, durant nos entretiens individuels avec Benoît XVI, qu’il avait pour chacun d’entre nous des questions précises à poser, qu’il était très informé sur la situation de notre pays. Enfin, j’ai été très touché par l’invitation du pape à continuer de proposer avec courage la foi catholique, au-delà même de toutes les difficultés rencontrées. C’est une invitation à prêcher l’Evangile dans sa pureté et dans son authenticité.
Zenit – Le pape a souligné votre courage à « défendre les valeurs de la famille et du respect de la vie ». Quelles difficultés rencontrez-vous pour promouvoir ces principes éthiques au Bénin ?
Mgr Vieira – A l’intérieur du pays, les difficultés viennent de la culture locale, qui est le vrai « humus » sur lequel l’homme se développe. Je me réfère à la polygamie, une tradition encore si profondément ancrée, ou à la manière dont la femme est considérée. Mais aujourd’hui, nous, les évêques du Bénin, nous devons affronter des obstacles qui arrivent de l’étranger. Les difficultés que nous créent les propositions qui viennent de l’étranger. Les propositions de ceux qui ne croient plus en la spécificité de la vie humaine et qui épousent des idéologies portant atteinte à la personne humaine comme l’avortement, la contraception. Nous sommes un pays pauvre et ces propositions, liées aux idéologies qui vont contre la vie et contre la dignité humaine, nous sont offertes comme s’il s’agissait de « bien sociaux ». Jadis, la République du Bénin était opposée au choix de l’avortement. Elle se refusait d’introduire des programmes pour le contrôle des naissances. Elle s’opposait à des projets qui proposaient un relativisme de la vie humaine à travers la pratique de l’avortement, la stérilisation, la contraception. Et depuis, notre pays n’a cessé d’être considéré comme un pays à frapper à tout prix et d’aucuns ont choisi de ne plus nous aider économiquement tant qu’on ne se serait pas plié à ces idéologies. C’est pourquoi nous devons veiller à tenir en alerte notre population face à ces dangers..
Zenit – Donc il y a ceux qui subordonnent la concession d’aides économiques à l’acceptation de certaines idéologies ?
Mgr Vieira –: Exactement. C’est aujourd’hui notre plus gros problème, non seulement pour l’Eglise du Bénin, mais pour tout le pays. Hélas, le gouvernement tend vers ces idéologies car ils veulent réaliser le bien du peuple. Mais le bien qu’ils visent n’est que le bien matériel. Et ce n’est pas le « matériel » qui fait l’homme.
Zenit – Après la refonte politique de 1990, le peuple du Bénin attend encore une amélioration de la situation économique. Comment l’Eglise peut-elle intervenir dans ce processus ?
Mgr Vieira – L’Eglise est très présente dans le processus de développement du pays. Pas seulement à travers ses œuvres sociales mais en apportant quelques conseils également au gouvernement et à toute la population dans nos lettres pastorales, qui sont bien accueillies. D’ailleurs quand nous gardons le silence, c’est eux qui nous sollicitent à intervenir. L’ancien président Mathieu Kérékou disait : « Quand je rencontre les évêques du Bénin, je suis sûr qu’ils veulent le bien du pays. C’est pourquoi je les rencontre bien volontiers ».
Zenit – Votre diocèse est marqué par une forte présence islamique qui rend parfois difficile l’évangélisation. Benoît XVI vous a invités à un « dialogue sincère » avec l’islam. Est-ce possible au Bénin ?
Mgr Vieira – Nous devons toujours remercier le pape qui nous donne des directives claires pour notre ministère. Ce que Benoît XVI pense et dit du dialogue interreligieux est la ligne que nous devons suivre. Car le dialogue est notre force à nous, chrétiens, c’est notre chemin à suivre. Mais il faut souligner que ce dialogue n’est pas voulu par tout le monde. Malheureusement il y a des frères musulmans qui ne croient pas à la liberté religieuse. Comment pouvons-nous alors prétendre qu’ils s’ouvrent au dialogue ? Le dialogue avec eux est donc très difficile. Certes, il y a des distinctions à faire. La population musulmane voit et sait apprécier le bien qu’il y a dans la communauté chrétienne. Mais leurs chefs semblent fermés. Et nous devons tout faire pour leur faire comprendre que la personne humaine a droit à cette liberté religieuse. C’est pourquoi dans mon diocèse, le dialogue avec les musulmans est très difficile. Je ne dis pas impossible car je suis chrétien et je crois en l’œuvre du Saint Esprit et je crois que, petit à petit, l’Eglise, en étant claire et ferme sur sa foi, arrivera à faire changer les choses. Bien entendu ça ne sera pas aujourd’hui, ni demain, mais le jour viendra où tout le monde défendra la liberté religieuse et laissera le droit de choisir au peuple. Dans mon diocèse, cela n’est pas encore possible.
Zenit – Que rapportez-vous à votre diocèse, après cette visite ad limina ?
Mgr Vieira
– Ma personne d’évêque, renouvelée, renforcée dans son engagement missionnaire. Je pourrai partager avec mes frères et sœurs chrétiens et avec tout le diocèse ce que j’ai puisé lors de cette rencontre avec le pape : une foi plus forte, une espérance plus grande et un plus fort désir de manifester Jésus Christ.