Mgr Bürcher présente un livre de l’évêque orthodoxe Hilarion Alfeyev

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« Grâce à ce livre, vous m’avez donc donné la grâce d’aller au centre de notre foi », affirme-t-il

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ROME, Dimanche 6 mai 2007 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous l’allocution prononcée par Mgr Bürcher, à l’occasion de la présentation du livre « Le mystère sacré de l’Eglise » de l’évêque orthodoxe Hilarion Alfeyev, à l’Université de Fribourg, le jeudi 19 avril 2007. Mgr Bürcher est évêque auxiliaire de Lausanne, Genève et Fribourg et président de « Catholica Unio Internationalis ».

* * *

Excellences, Monsieur le Recteur, chers confrères, chers professeurs et étudiants,
Mesdames et Messieurs,

Merci tout d’abord pour la joie et l’honneur que vous me faites par votre si aimable invitation de ce jour. Joie, honneur et aussi grâce, car selon la Parole de Jésus: «Là où deux ou trois sont réunis en mon Nom, je suis au milieu d’eux» (Mt 18,20).

C’est au cours d’un récent voyage réalisé au Proche-Orient que j’ai eu le grand plaisir et le temps de lire intégralement, donc notes y comprises, «Le mystère sacré de l’Eglise». Les nombreuses heures d’avion ont aussi cela de positif.

Le titre du livre «Le mystère sacré de l’Eglise» de Son Excellence Mgr Hilarion Alfeyev annonce un thème spécifiquement orthodoxe: le Mont Athos, la prière de Jésus, la vénération du Nom de Dieu, des personnages et des personnes qui n’apparaissent pas dans nos manuels de théologie et d’histoire de l’Église.

Au deuxième regard, la perspective change: la préface du livre cite les Actes des Apôtres: «Il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes, par lequel nous puissions être sauvés» (Ac 4,12). Nous sommes conduits au centre de notre foi commune. Grâce à ce livre, vous m’avez donc donné la grâce d’aller au centre de notre foi, à double titre: géographiquement, dans le berceau de notre foi chrétienne et spirituellement, dans le terreau de la théologie orthodoxe.

En Jésus Christ, Dieu révèle définitivement son Nom. Nous pouvons l’appeler «Notre Père». Par le Nom de Jésus, nous nous adressons à Dieu lui-même. Dans ce sens, les querelles du Mont Athos touchent tous les chrétiens en plein coeur. «Le Nom de Dieu est Dieu lui-même». Si notre débat théologique n’atteint pas la même intensité que chez les moines du Mont Athos, ce n’est probablement pas le signe d’une réflexion théologique plus profonde et plus mûre, mais peut-être le signe de notre manque de ferveur dans la foi! (Même s’il ne faut pas nécessairement se battre physiquement, comme cela s’est passé par exemple, au Mont Athos, le trois juillet 1913).
Dans la Bible, la vénération du Nom de Dieu va de pair avec la recherche du visage de Dieu. Le nom et le visage constituent la personne dans sa relation avec les autres. Par le nom et le visage, nous entrons en communication et en communion avec les autres personnes. Et là une question: la communication avec Dieu et en Dieu – constitue-t-elle le coeur de notre foi ou même de notre être?
Par ma brève intervention et en écho à la lumineuse présentation du livre de Mgr Hilarion, j’aimerais souligner ce parallélisme entre la vénération du Nom de Dieu et la recherche du visage de Dieu sur le visage du Christ.

Depuis longtemps, la théologie catholique souligne qu’au centre de notre foi, il n’y a pas une doctrine mais une personne vivante: Jésus Christ, le Seigneur. C’est un point tout à fait crucial, souligné par exemple par le fameux théologien Romano Guardini dans son livre «L’essence du christianisme» – et d’ailleurs aussi dans une interview donnée par Mgr Hilarion.

Le Pape Jean-Paul II, pendant les dernières années de son pontificat, a insisté de plus en plus sur cet aspect. Je cite p.ex. sa Lettre Apostolique «Novo Millennio ineunte» de l’année 2000 : «Ce n’est pas une formule qui nous sauvera, mais une Personne, et la certitude qu’elle nous inspire: Je suis avec vous! Il ne s’agit pas alors d’inventer un «nouveau programme». Le programme existe déjà: c’est celui de toujours, tiré de l’Évangile et de la Tradition vivante. Il est centré, en dernière analyse, sur le Christ lui-même, qu’il faut connaître, aimer, imiter, pour vivre en lui la vie trinitaire et pour transformer avec lui l’histoire jusqu’à son achèvement dans la Jérusalem céleste. C’est un programme qui ne change pas avec la variation des temps et des cultures, même s’il tient compte du temps et de la culture pour un dialogue vrai et une communication efficace. Ce programme de toujours est notre programme pour le troisième millénaire» (NMI 29).

Le chapitre 2 de cette Lettre s’intitule précisément «Un visage à contempler», dans ses multiples aspects: visage du Fils, visage de souffrance, visage du Ressuscité.

La même contemplation nous est confiée dans la Lettre Apostolique sur le Rosaire (2002), liée à la scène biblique de la Transfiguration, d’ailleurs si chère à la spiritualité orthodoxe, dans laquelle la beauté du Rédempteur peut être considérée comme icône de la contemplation chrétienne.

«En contemplant ce visage, nous nous préparons à accueillir le mystère de la vie trinitaire, pour faire l’expérience toujours nouvelle de l’amour du Père et pour jouir de la joie de l’Esprit Saint. Se réalise ainsi pour nous la parole de saint Paul: « Nous reflétons tous la gloire du Seigneur, et nous sommes transfigurés en son image, avec une gloire de plus en plus grande, par l’action du Seigneur qui est Esprit» (2 Co 3, 18).

La même insistance sur la priorité de la personne se retrouve dans le tout récent livre «Jésus de Nazareth» du Pape Benoît XVI qui fête aujourd’hui même le deuxième anniversaire de son élection. Il a centré son dernier chapitre autour de trois affirmations de Jésus sur lui-même («Selbstaussagen») qui ne peuvent pas être assimilées à une doctrine de la communauté croyante, parce qu’elles reçoivent leur signification uniquement dans la bouche de Jésus: Fils de l’homme – Fils – «Je suis» (Menschensohn, Sohn, Ich bin es). Pour nous, cette rencontre avec le visage et le nom de Jésus se transforme en confession de la foi: «Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant» (Mt 16,16).

«Celui que j’embrasserai, disait Judas, c’est lui!» (Mt 26,48) Ce baiser de trahison est accepté sur le visage souffrant de Jésus comme un signe de son amour eis telos, jusqu’au bout. Son Nom est bafoué avant d’être glorifié. Est-il donc étonnant qu’en ces mêmes lieux de souffrance et de gloire soit née récemment une initiative de prière pour l’unité et la paix? Belle perspective pour l’avenir, au coeur de l’imbroglio apparemment sans issue du conflit israélo-palestinien! Cette prière se propose comme une grande prière d’intercession de notre temps pour la Réconciliation, l’Unité et la Paix en Jérusalem. C’est là aussi que Jésus a exprimé son plus grand cri de souffrance et d’abandon en invoquant le Nom de Dieu «Eloï! Eloï!» «Mon Dieu! Mon Dieu!» pour toute l’humanité. La prière demeurera toujours le coeur du dialogue oecuménique: elle rejoint la prière de Jésus lui-même «Que tous soient un!»

Le livre de Mgr Hilarion nous rappelle et nous confie ce «Mystère sacré de l’Église», ce mystère central de notre foi. La vénération du Nom de Dieu rejoint la recherche du visage de Dieu sur le visage du Christ et sur le visage de l’humanité.

Madame Hallensleben que je remercie de tout coeur m’a expliqué le motif que l’Institut d’études oecuméniques a choisi pour la couverture de sa série «Studia Oecumenica Friburgensia». Celui-ci donne une illustration à cette affirmation théologique. On y découvre la vocation des fils de Zébédée présentée sur la colonne de Saint Bernward dans la Cathédrale de Hildesheim, au nord de l’Allemagne. Bernward était – d’ailleurs comme Mgr Hilarion – en même temps évêque et artiste. Le détail montre Jésus qui tend la main droite à Jacques et Jean. Dans la main gauche, il tient le livre comme signe de la Parole de vie qu’il est lui-
même. Le livre ainsi que le vêtement de Jésus sont présentés sous forme d’épi, ce qui souligne l’unité entre la personne et son message. La main du disciple est tendue vers Jésus, mais on a l’impression qu’elle ne sait pas encore où se diriger: vers la lettre ou vers la «Parole vivante»? C’est là où se décide la force vitale de la théologie, la fécondité de son engagement oecuménique: «La lettre tue, mais l’Esprit donne la vie… Car le Seigneur est l’Esprit, et là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. Et nous tous qui, le visage dévoilé, reflétons la gloire du Seigneur, nous sommes transfigurés en cette même image, avec une gloire toujours plus grande, par le Seigneur, qui est Esprit» (2 Cor 3,6,17f).

Priorité de la prière, priorité de la rencontre du vrai visage de chaque personne, tout, dans le dialogue oecuménique, doit nous conduire au coeur du Mystère de ce Dieu qui s’est manifesté à nous dans le Nom de Jésus. Pour clore ce message et dans ce sens, permettez-moi donc de vous lire une prière du cardinal Martini. J’y vois en effet une belle perspective pour le dialogue oecuménique qui est devant nous tous. Et je suis convaincu que l’actuel besoin renouvelé de prière est un «signe des temps».

«Seigneur, nous voici en présence d’un mystère difficilement pénétrable. Nous comprenons le sens des mots, la signification des verbes, mais par-delà cela, nous pouvons deviner que nous sommes introduits au coeur du mystère du Père, au coeur du mystère fondamental, absolu qui rend compte de l’homme. Nous te louons, nous te rendons grâce, parce que tu nous donnes de participer à ce mystère.

Mais nous avons bien conscience de balbutier, nous risquons de banaliser ce mystère, de le traduire de façon simpliste et hâtive en notre langage humain.

Donne-nous la grâce de rester à te contempler, toi, le crucifié; donne-nous la grâce de te demander quel est l’amour qui t’a conduit jusque-là?» (Cardinal Martini, Apôtre – Projet de vie ou mandat?, Ed. St-Augustin).

La soirée d’aujourd’hui a pour mérite notamment d’intensifier les liens entre l’Orient et l’Occident. Grâce à l’Esprit Saint et à l’édition du «Mystère sacré de l’Eglise», l’Eglise respire ce soir un peu mieux avec ses deux poumons. C’est cette fécondité dans l’Esprit Saint que je souhaite au livre de Monseigneur Hilarion ainsi qu’à toutes celles et tous ceux qui le liront et le méditeront.

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ZENIT Staff

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