ROME, Mardi 27 février 2007 (ZENIT.org) – Le jeudi 22 février, le pape Benoît XVI a rencontré le clergé du diocèse de Rome au Vatican. La rencontre s’est déroulée sous forme d’entretien. Voici une synthèse de la première question posée au pape, qui porte sur la prière dans les sanctuaires, et la réponse de Benoît XVI.
La première question a été posée par Mgr Pasquale Silla, Curé et Recteur du Sanctuaire du Divin Amour à Castel di Leva, qui a évoqué la visite de Benoît XVI le 1er mai 2006 et la consigne qu’il avait laissée à la communauté paroissiale : prononcer dans le Sanctuaire et depuis le Sanctuaire une fervente prière pour l’évêque de Rome, pour ses collaborateurs, pour tout le clergé et les fidèles du diocèse. En réponse à cette requête, la communauté du Divin Amour s’est engagée à encourager le plus possible la prière sous toutes ses formes – en particulier la prière liturgique – afin qu’elle soit assidue et partagée. L’un des fruits de cet engagement est l’adoration eucharistique perpétuelle qui débutera à partir du 25 mars prochain dans le Sanctuaire. Egalement en ce qui concerne la charité, le sanctuaire s’engage à élargir ses horizons, notamment dans le domaine de l’accueil des mineurs, des familles, des personnes âgées. Dans cette perspective, Mgr Silla a demandé à Benoît XVI des indications concrètes pour pouvoir réaliser de manière toujours plus efficace la mission du sanctuaire marial dans le diocèse.
Benoît XVI : Je voudrais tout d’abord dire que je suis très heureux de me sentir ici réellement l’Evêque d’un grand diocèse. Le cardinal-vicaire a dit que vous attendez des lumières et du réconfort. Je dois dire que voir de si nombreux prêtres de toutes les générations est pour moi une lumière et un réconfort. Déjà à l’occasion de la première question j’ai moi-même surtout appris quelque chose: et cela me semble également un élément essentiel de notre rencontre. Ici, je peux entendre la voix vivante et concrète des prêtres, leurs expériences pastorales, et ainsi je peux surtout connaître moi aussi la situation concrète dans laquelle vous vous trouvez, les questions que vous vous posez, les expériences que vous faites, les difficultés. Ainsi, je peux les vivre non seulement de manière abstraite, mais dans le cadre d’un entretien concret avec la vie réelle des paroisses.
J’en viens à cette première question. Il me semble que vous avez donné pour l’essentiel la réponse au sujet de ce que peut faire ce Sanctuaire… Je sais qu’il s’agit du sanctuaire marial le plus aimé des Romains. Moi-même, en me rendant plusieurs fois dans cet antique sanctuaire, j’ai fait l’expérience de cette piété séculaire. L’on ressent la présence de la prière de générations, l’on touche en quelque sorte du doigt, la présence maternelle de la Vierge. On peut réellement vivre une rencontre avec la dévotion mariale des siècles, avec les désirs, les besoins, les souffrances, et aussi les joies des générations dans la rencontre avec Marie. Ainsi ce sanctuaire, où les personnes se rendent avec leurs espérances, leurs questions, leurs requêtes, leurs souffrances, est une réalité essentielle pour le diocèse de Rome. Nous voyons toujours davantage que les sanctuaires sont une source de vie et de foi dans l’Eglise universelle, de même que dans l’Eglise de Rome. Dans mon pays, j’ai fait l’expérience des pèlerinages à pied à notre sanctuaire national d’Altötting. Il s’agit d’une grande mission populaire. Ce sont surtout les jeunes qui s’y rendent et, en faisant un pèlerinage à pied de trois jours, ils vivent dans l’atmosphère de la prière, de l’examen de conscience, ils redécouvrent en quelque sorte leur conscience chrétienne de foi. Ces trois jours de pèlerinage à pied sont des jours de confession, de prière, ils sont un véritable cheminement vers la Vierge, vers la famille de Dieu puis vers l’Eucharistie. Ils marchent à pied, ils vont à la rencontre de la Vierge et ils vont, avec la Vierge, au Seigneur, à la rencontre eucharistique, en se préparant à travers la confession au renouvellement intérieur. Ils vivent de nouveau la réalité eucharistique du Seigneur qui se donne lui-même, comme la Vierge a donné sa propre chair au Seigneur, en ouvrant ainsi la porte à l’Incarnation. La Vierge a donné sa chair pour l’Incarnation et elle a ainsi rendu possible l’Eucharistie, dans laquelle nous recevons la Chair qui est le Pain pour le monde. En allant à la rencontre avec la Vierge, les jeunes eux-mêmes apprennent à offrir leur propre chair, la vie de chaque jour pour qu’elle soit remise au Seigneur. Et ils apprennent à croire, à dire, petit à petit, « oui » au Seigneur.
C’est pourquoi je dirais, pour en revenir à la question, que le Sanctuaire en tant que tel, en tant que lieu de prière, de confession, de célébration de l’Eucharistie, est un grand service dans l’Eglise d’aujourd’hui, pour le diocèse de Rome. Et donc je pense que le service essentiel, dont vous avez d’ailleurs parlé de façon concrète, est justement celui de s’offrir comme un lieu de prière, de vie sacramentelle et de vie de charité réalisée. Si j’ai bien compris, vous avez parlé de quatre dimensions de la prière. La première est la dimension personnelle. Et ici Marie nous montre la voie. Saint Luc nous dit deux fois que la Vierge « conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son cœur » (2, 19; cf. 2, 51). Elle était une personne en dialogue avec Dieu, avec la Parole de Dieu, ainsi qu’avec les événements à travers lesquels Dieu parlait avec elle. Le « Magnificat » est un « tissu » fait de paroles de la Sainte Ecriture et il nous montre que Marie a vécu dans un dialogue permanent avec la Parole de Dieu, et ainsi, avec Dieu lui-même. Naturellement, ensuite, dans la vie avec le Seigneur, elle a toujours été en dialogue avec le Christ, avec le Fils de Dieu et avec le Dieu trinitaire. Ainsi, nous apprenons de Marie à parler personnellement avec le Seigneur, en traduisant et en conservant dans notre vie et dans notre cœur les paroles de Dieu, afin qu’elles deviennent un aliment véritable pour chacun. Ainsi Marie nous guide dans une école de prière, dans un contact personnel et profond avec Dieu.
La deuxième dimension dont vous avez parlé est la prière liturgique. Dans la Liturgie, le Seigneur nous enseigne à prier, d’abord en nous donnant sa Parole, puis en nous introduisant dans la Prière eucharistique à la communion avec son mystère de vie, de Croix et de Résurrection. Saint Paul a dit une fois que « nous ne savons que demander pour prier comme il faut » (Rm 8, 26): nous ne savons pas comment prier, ni que dire à Dieu. C’est pourquoi Dieu nous a donné les paroles de la prière, que ce soit dans le Psautier, dans les grandes prières de la sainte Liturgie, ou dans la Liturgie eucharistique elle-même. Ici, il nous enseigne à prier. Nous entrons dans la prière qui s’est formée au cours des siècles sous l’inspiration de l’Esprit Saint et nous nous unissons au dialogue du Christ avec le Père. Ainsi, la Liturgie est surtout prière : d’abord écoute puis réponse, que ce soit dans le Psaume responsorial, dans la prière de l’Eglise ou dans la grande prière eucharistique. Nous la célébrons correctement si nous la célébrons dans une attitude d’« oraison », en nous unissant au mystère du Christ et à son dialogue de Fils avec le Père. Si nous célébrons l’Eucharistie de cette manière, d’abord comme écoute, puis comme réponse, et donc comme prière avec les paroles indiquées par l’Esprit Saint, nous la célébrons bien. Et les personnes sont attirées à travers notre prière commune dans le sein des enfants de Dieu.
La troisième dimension est celle de la piété populaire. Un important document de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements parle de cette piété populaire et nous indique comment la « guider
». La piété populaire est l’une de nos forces, parce que ce sont des prières profondément enracinées dans le cœur des personnes. Même certaines personnes un peu éloignées de la vie de l’Eglise et qui n’ont pas une grande compréhension de la foi sont touchées au cœur par cette prière. L’on doit seulement « éclairer » ces gestes, « purifier » cette tradition afin qu’elle devienne la vie actuelle de l’Eglise.
Puis, l’adoration eucharistique. Je suis très reconnaissant parce que l’adoration eucharistique se renouvelle toujours davantage. Au cours du Synode sur l’Eucharistie, les évêques ont beaucoup parlé de leurs expériences, de comment une nouvelle vie renaît dans les communautés grâce à cette adoration, également nocturne, et de la façon dont naissent également ainsi de nouvelles vocations. Je peux dire que dans peu de temps je signerai l’exhortation post-synodale sur l’Eucharistie, qui sera ensuite mise à la disposition de l’Eglise. Il s’agit d’un Document qui s’offre véritablement à la méditation. Il apportera une aide à la fois dans la célébration liturgique, dans la réflexion personnelle, dans la préparation des homélies, et dans la célébration de l’Eucharistie. Il servira également à guider, éclairer et revitaliser la piété populaire.
Enfin, vous nous avez parlé du Sanctuaire comme un lieu de la caritas. Cela me semble très logique et nécessaire. J’ai relu il y a peu de temps ce que saint Augustin dit au Livre X des Confessions : j’ai été tenté et à présent je comprends qu’il s’agissait d’une tentation de m’enfermer dans la vie contemplative, de rechercher la solitude avec Toi, Seigneur ; mais tu m’en as empêché, tu m’as entraîné dehors et tu m’as fait entendre la parole de saint Paul : « Le Christ est mort pour tous. Ainsi nous devons mourir avec le Christ et vivre pour tous » ; j’ai compris que je ne peux pas m’enfermer dans la contemplation ; Tu es mort pour tous, par conséquent je dois, avec Toi, vivre pour tous et vivre ainsi les œuvres de la charité. La vraie contemplation se démontre dans les œuvres de charité. Par conséquent, le signe que nous avons vraiment prié, que nous avons rencontré le Christ, est que nous sommes « pour les autres ». C’est ainsi que doit être un prêtre. Et saint Augustin était un grand prêtre. Il dit : dans ma vie j’ai toujours voulu vivre à l’écoute de la Parole, dans la méditation, mais à présent je dois – jour après jour, heure après heure – demeurer près de la porte, où sonne toujours la cloche, où je dois consoler les affligés, aider les pauvres, admonester les personnes agressives, créer la paix, et ainsi de suite. Saint Augustin énumère le travail d’un prêtre, parce qu’à cette époque l’évêque était également ce qu’est aujourd’hui le Kadi dans les pays musulmans. En ce qui concerne les questions de droit civil, disons qu’il était juge de paix : il a dû favoriser la paix entre les personnes en litige. Il a donc vécu une existence qui pour lui, un homme contemplatif, a été très difficile. Mais il a compris cette vérité : ainsi je suis avec le Christ ; en étant « pour les autres », je suis dans le Seigneur crucifié et ressuscité.
Cela me semble d’un grand réconfort pour les prêtres et pour les évêques. S’il reste peu de temps pour la contemplation, en étant « pour les autres » nous sommes avec le Seigneur. Vous avez parlé des autres éléments concrets de la charité, qui sont très importants. Ils sont aussi un signe pour notre société, en particulier pour les enfants, pour les personnes âgées, pour les personnes qui souffrent. Je pense donc qu’à travers ces quatre dimensions de la vie, vous nous avez donné la réponse à la question : que devons-nous faire dans notre Sanctuaire ?
© Copyright du texte original en italien : Librairie Editrice Vaticane
Traduction réalisée par Zenit