ROME, Mercredi 6 décembre 2006 (ZENIT.org) – 100% des 23 myopathies de Duchenne diagnostiquées en France en 2003 se sont traduites par l’avortement : un « eugénisme démocratique », explique Tugdual Derville.

A ceux qui ont pensé que la mise en cause des dérives éthiques du Téléthon relevait d’un plan de bataille concerté au plus haut niveau de l’épiscopat français, Tugdual Derville, délégué général de l’Alliance pour les Droits de la Vie (adv.org) répond, dans sa chronique hebdomadaire, dans le numéro 3051 de France Catholique (en vente en kiosques à partir du 8 décembre 2006, (www.france-catholique.fr). Il indique que c’est à la fois « beaucoup plus simple et plus complexe »…

TELETHON : L’heure de vérité

Tout est parti, en fait, de l’initiative d’un laïc agissant dans le cadre de fonctions que lui avait confiées son évêque, par un document diffusé par Internet, à l’intention des catholiques du Var. La caisse de résonance médiatique a ensuite donné à l’affaire une ampleur nationale.

Les positions bioéthiques de l’Eglise sont connues de longue date. Elle n’a attendu ni le Téléthon, ni l’année 2006, pour les exprimer. Elle a toujours récusé le DPI (Diagnostic Pré Implantatoire). Il donne les fameux Bébéthons, exhibés depuis une dizaine d’années sur les plateaux de télévision par l’association française contre les myopathies (AFM), au prix d’une sélection éliminant, à l’état d’embryons, les frères et sœurs malades des enfants en bonne santé.

Contrairement à ce qu’a affirmé la présidente de l’AFM, l’Eglise s’est exprimée fortement, notamment par la voix du cardinal Philippe Barbarin, lors des débats bioéthiques de 2004. L’archevêque de Lyon avait qualifié de "transgression sans précédent" l’autorisation d’expérimenter sur les embryons surnuméraires ne faisant plus l’objet d’un projet parental.

Et c’est logiquement que cette mise en garde prend du poids à l’approche de l’événement cathodique. Comme chaque année, de nombreuses institutions chrétiennes ont été sollicitées pour participer au Téléthon. Or, c’est avec une partie des fonds récoltés que l’AFM héberge le professeur Marc Peschanski. Et c’est lui qui effectue actuellement les premières recherches françaises sur l’embryon.

La défense de l’AFM a quelque chose de désespérément incantatoire : “C’est pour la vie”, “C’est légal”. Mais son refus de débattre plus en profondeur révèle l’ambiguïté d’un positionnement qui la traverse mais aussi la dépasse : cette tendance de plus en plus affirmée à supprimer, au premier stade de leur vie, les êtres humains porteurs des maladies qu’on entend combattre. “J’aimerais tellement que ce ne soient pas véritablement des êtres humains” a confié un ancien responsable de l’association, en avouant que la souffrance des familles et des malades tend à leur fermer les yeux sur les manipulations des embryons. Dans des statistiques des IMG (interruptions médicales de grossesse) qu’elle vient de rendre publiques, l’Agence de Biomédecine révèle que 100% des 23 myopathies de Duchenne diagnostiquées en France en 2003 se sont traduites par l’avortement ! Comment nier la réalité de cet “eugénisme démocratique” ou “familial” que, d’ailleurs, des députés comme le professeur Bernard Debré revendiquent explicitement ?

L’AFM finance, pour 1,5 million d’euros, des recherches sur l’embryon. Quatre autres millions sont dépensés pour des actions “de revendication”, ce qui autorise à questionner l’association sur la nature de ce qu’elle demande aux pouvoirs publics. Notamment en matière de clonage, dont la légalisation est une réclamation récurrente de Marc Peschanski.

Le poids économique et médiatique incontestable du Téléthon (il a récolté plus de100 millions d’euros l’an dernier) explique que tant de personnalités publiques soient montées au créneau pour le défendre : ministres de l’actuel gouvernement comme Philippe Bas et Xavier Bertrand, députés de l’opposition comme Manuel Vals et jusqu’au président Chirac qui reçoit ses leaders avant l’émission. De son côté, le président du Comité Consultatif National d’Ethique a cru devoir réagir en affirmant à propos des positions de l’Eglise sur l’embryon : “elle n’a pas le droit d’en faire une manifestation publique“. Une tentative révélatrice de placer l’institution ecclésiale sous l’étouffoir en la cantonnant à la sphère privée ou aux médias alternatifs. Certains ne s’y trompent pas. Des journalistes, comme Jean-Yves Nau du quotidien Le Monde, se montrent choqués de la posture de l’AFM refusant tout débat public. Invité à s’expliquer sur France Culture (1), Marc Peschanski a même dû annuler sa présence sur injonction de son financeur. Il promet de parler après la fin du Téléthon…

Un vent de panique souffle donc sur les organisateurs de l’événement. Sans doute sont-ils désarçonnés par le fonctionnement de l’Eglise qui s’exprime par des voix diverses, avec des sensibilités contrastées, tout en se montrant cohérente sur le fond (la protection de l’embryon) mais sans véritablement “communiquer”, sans avoir calculé son impact en termes d’avantages ou d’inconvénients pour elle-même. Jean-Christophe Parisot, diacre et myopathe, et défenseur du Téléthon, a par exemple offert à l’AFM une porte de sortie : pourquoi ne pas proposer au donateur de choisir le type de projet qu’il veut financer ? Solution pour le moment écartée par l’AFM, même si certains parrains de l’édition 2006 commencent à la préconiser.

Avec un audimat dopé par la polémique, le 20e Téléthon constitue une édition attendue. Comme institution, l’Eglise n’a rien à gagner. Si les dons grimpent, on moquera son “échec” ; si les dons plafonnent, on l’accusera d’avoir porté préjudice à une belle entreprise de générosité. Mais est-ce le critère d’évaluation de son succès ? La culture de vie sera “nouvelle” préconisait Jean-Paul II dans son encyclique l’Evangile de la Vie, “parce qu’elle sera capable de susciter un débat culturel sérieux et courageux avec tous”. Loin des feux de la rampe médiatique, certains dirigeants de l’AFM ont enfin commencé à rencontrer ceux de l’Eglise pour s’expliquer. Comprendront-ils que c’est la défense des plus vulnérables et des personnes souffrantes qui est la clé du message évangélique ?

(1) Emissions “Science publique” du 1er décembre à 14 h, (http://www.radiofrance.fr)