La question n’est pas « si le riche est sauvé » mais « quel riche est sauvé »

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Méditation de l’Evangile du dimanche 15 octobre, par le père Cantalamessa

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ROME, Vendredi 13 octobre 2006 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile de ce dimanche, proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.

Evangile de Jésus Christ selon saint Marc 10, 17-30

Jésus se mettait en route quand un homme accourut vers lui, se mit à genoux et lui demanda : « Bon maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » Jésus lui dit : « Pourquoi m’appelles-tu bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul. Tu connais les commandements : Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère. » L’homme répondit : « Maître, j’ai observé tous ces commandements depuis ma jeunesse. » Posant alors son regard sur lui, Jésus se mit à l’aimer. Il lui dit : « Une seule chose te manque : va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor au ciel ; puis viens et suis-moi. » Mais lui, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens.
Alors Jésus regarde tout autour de lui et dit à ses disciples : « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! » Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles. Mais Jésus reprend : « Mes enfants, comme il est difficile d’entrer dans le royaume de Dieu. Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. » De plus en plus déconcertés, les disciples se demandaient entre eux : « Mais alors, qui peut être sauvé ? » Jésus les regarde et répond : « Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. »
Pierre se mit à dire à Jésus : « Voilà que nous avons tout quitté pour te suivre. » Jésus déclara : « Amen, je vous le dis : personne n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des soeurs, une mère, un père, des enfants ou une terre, sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maisons, frères, soeurs, mères, enfants et terres, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle. »

© AELF

Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu !

Une observation préliminaire est nécessaire pour supprimer les ambiguïtés qui peuvent surgir en lisant ce que l’Evangile de ce dimanche nous dit de la richesse. Jésus ne condamne jamais la richesse et les biens terrestres pour eux-mêmes. Parmi ses amis figurent également Joseph d’Arimathie, un « homme riche » ; Zachée déclaré « sauvé », même s’il garde pour lui la moitié de ses biens qui, étant donné son métier – percepteur d’impôts – devaient être considérables. Ce qu’il condamne est l’attachement exagéré à l’argent et aux biens, le fait d’en faire dépendre sa propre vie et d’accumuler des trésors uniquement pour soi (cf. Lc 12, 13-21).

La parole de Dieu appelle l’attachement excessif à l’argent « idolâtrie » (Col 3, 5 ; Ep 5, 5). Mammon, l’argent, n’est pas une idole parmi tant d’autres ; il s’agit de l’idole par antonomase. Littéralement, « l’idole de métal fondu » (cf. Ex 34, 17). Mammon est l’anti-dieu car il crée une sorte de monde alternatif, il change l’objet des vertus théologales. La foi, l’espérance et la charité ne reposent plus en Dieu mais dans l’argent. Une effrayante inversion de toutes les valeurs se produit. « Rien n’est impossible à Dieu », dit l’Ecriture ; et encore : « Tout est possible à celui qui croit ». Mais le monde dit : « Tout est possible pour celui qui a de l’argent ».

L’avarice, en plus d’être de l’idolâtrie, est aussi source de malheur. L’avare est un homme malheureux. Méfiant à l’égard de tous, il s’isole. Il n’a de liens d’affection avec personne, pas même avec les personnes de son propre sang, qu’il voit toujours comme des personnes cherchant à l’exploiter et qui n’éprouvent souvent elles-mêmes qu’un seul vrai désir : le voir mourir le plus rapidement possible pour hériter de ses richesses. Tourmenté à l’extrême par l’idée d’épargner, il se refuse tout dans la vie et ainsi ne jouit ni de ce monde, ni de Dieu, ne pouvant lui-même profiter de ses renoncements. Au lieu d’en tirer de la sécurité et de la tranquillité, il est un éternel otage de son argent.

Mais Jésus ne laisse personne sans espérance de salut, pas même le riche. Lorsque les disciples, après le récit de la parabole du chameau et du trou de l’aiguille, effarés, demandèrent à Jésus : « Mais alors, qui peut être sauvé ? », celui-ci répond : « Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu ». Dieu peut sauver le riche également. La question n’est pas de savoir « si le riche est sauvé » (ceci n’a jamais été sujet de discussion dans la tradition chrétienne) mais « quel riche est sauvé ».

Jésus montre aux riches comment sortir de leur dangereuse situation : « Mais faites-vous des trésors dans le ciel, là où les mites et la rouille ne dévorent pas » (Mt 6, 20) ; « Faites-vous des amis avec l’Argent trompeur, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles » (Lc 16, 9).

On dirait que Jésus conseille aux riches de transférer leur argent à l’étranger ! Mais pas en Suisse, au ciel ! De nombreuses personnes, affirme saint Augustin, se fatiguent à enterrer leur argent sous terre, se privant également du plaisir de le voir, parfois toute la vie, pour le simple fait de le savoir en lieu sûr. Pourquoi ne pas l’enterrer au ciel, où il serait bien plus en sûreté et où on le retrouverait, un jour, pour toujours ? Comment faire ? C’est simple, poursuit saint Augustin : à travers les pauvres, Dieu te donne des messagers. Ils se rendent là où tu espères aller un jour. Dieu en a besoin ici, dans le pauvre, et il te le rendra quand tu seras là-bas.

Mais il est évident que l’aumône facile et les œuvres de bienfaisance ne sont plus aujourd’hui les seuls moyens pour faire que la richesse serve au bien commun, ni même peut-être le plus recommandable. Il existe aussi celui de payer ses impôts de manière honnête, de créer de nouveaux postes de travail, de donner un salaire plus élevé aux ouvriers lorsque la situation le permet, de lancer des entreprises locales dans les pays en voie de développement. En d’autres termes, faire fructifier l’argent en le faisant circuler. Etre des canaux qui conduisent l’eau et non des lacs artificiels qui la retiennent uniquement pour soi-même.

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ZENIT Staff

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