ROME, Mardi 4 juillet 2006 (ZENIT.org) – « Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons répondre aux questions de l’Europe d’une façon éclairée », estiment les évêques d’Europe, au terme de la 34e Rencontre des secrétaires généraux des conférences des évêques d’Europe qui s’est tenue en Slovénie, à Ljubljana, du 24 au 27 Juin.
Ils affirment notamment : « Face au scandale du trafic d’êtres humains, vrai signe de décadence pour l’Europe, face aux législations et aux projets de loi qui ne tiennent pas compte de la dignité de l’enfant et de l’embryon ou qui étendent le droit à l’euthanasie aux mineurs et aux handicapés mentaux, les Conférences épiscopales ont la responsabilité historique de réaffirmer la dignité inviolable de la personne humaine ».
Voici le communiqué final de cette réunion (cf. http://www.ccee.ch/francais/default.htm).
Du 24 au 28 juin 2006, les Secrétaires généraux des Conférences épiscopales d’Europe se sont réunis à Ljubljana (Slovénie), au siège de l’Institut culturel St. Stanislas. Trente-cinq pays étaient représentés : Albanie, Autriche, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, France, Allemagne, Angleterre et Pays de Galles, Écosse, Espagne, Hongrie Irlande, Italie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Russie, les cinq pays scandinaves, Serbie-Macédoine-Monténégro-Kosovo, Slovaquie, Slovénie, Suisse, Rép. Tchèque, Turquie. Cette rencontre, organisée par le Conseil des Conférences épiscopales d’Europe (CCEE), était accueillie par la Conférence épiscopale slovène et par son Secrétaire, le R.P. Andrej Saje.
La rencontre a débuté par une célébration liturgique dans la cathédrale de Ljubljana, le jour du 15e anniversaire de l’Indépendance de la Slovénie. À l’époque, en 1991, l’Institut culturel, un monument historique qui accueillait les participants, n’était plus qu’une caserne en partie détruite.
1. L’actualisation du programme des Conférences épiscopales d’Europe et le débat entre les Secrétaires généraux ont mis en lumière les questions les plus pressantes auxquelles sont confrontés aujourd’hui l’Europe et les chrétiens.
Les migrations. Le flux migratoire incontrôlé en provenance d’Afrique vers les pays d’Europe qui bordent la Méditerranée, et les réactions irrationnelles et même parfois racistes de certains groupes, partis et gouvernements, sont un motif de grande préoccupation. En Belgique, quarante églises ont été occupées par les sans-papiers. En Bosnie-Herzégovine, le drame du retour impossible des réfugiés se poursuit. Les migrations des pays de l’Europe de l’Est vers ceux de l’Ouest apportent avec elles la question oecuménique. La rencontre avec les populations nombreuses de Chine et d’Inde est en train de modifier le visage économique et géopolitique de la planète, et elle aura des répercussions énormes. Les migrations entraînent un pluralisme radical qui suscite des craintes et des interrogations sur la possibilité de vivre ensemble. Comment transformer cette nouvelle réalité, caractérisée par un mélange des peuples, en opportunité ?
L’Islam. Aujourd’hui, les Européens sont confrontés à la présence des musulmans. Il existe en Europe des pays d’ancienne tradition islamique comme la Turquie, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine. Mais la fait nouveau est la présence croissante des musulmans en raison des flux migratoires et de l’arrivée de nombreux réfugiés. Les musulmans sont aujourd’hui près de 35 millions (contre 12 millions en 1991). En France, il y aurait 5 millions de musulmans. À la suite du 11 septembre 2001, de la crise en Iraq, du terrorisme, des attentats de Madrid et de Londres, de la réaction violente contre les vignettes satyriques, les rapports avec l’islam ont pris une connotation fortement politique. Par ailleurs, il faut tenir compte aussi du pluralisme existant dans le monde musulman : celui classique (sunnites, chiites), celui lié aux pays d’origine (Turquie, Maghreb), et celui plus récent, lié à la façon dont les musulmans se rapportent à la société et à la culture européenne ; certains la jugent hostile, d’autres sont à la recherche de voies d’inculturation.
Le processus d’unification de l’Europe. On attend une détermination renouvelée en ce sens de la part des responsables des États membres de l’UE et des institutions européennes, afin de donner à l’Europe un cadre stable et une identité propre, après la crise provoquée par le non des Français et des Hollandais au Traité constitutionnel et le scepticisme constaté ailleurs. Les Églises se demandent sous quelle forme le traité pourra être reformulé, si l’article 1-52 relatif au dialogue entre institutions et Église sera maintenu, et si la question des racines chrétiennes pourra être réintroduite. Une certaine crainte face à l’avenir se répand parmi les Européens devant les transformations politiques et sociales en cours dans le continent : ils ont parfois le sentiment que les décisions ne sont plus prises au niveau national, mais imposées de l’extérieur. Par ailleurs, les Églises suivent avec attention les décisions relatives aux droits humains, à la politique migratoire des réfugiés, au dialogue interculturel, à la vie, et à la famille.
Les relations entre Église et État. Les Secrétaires ont été surpris de constater que les diverses Conférences épiscopales d’Europe Centrale et Orientale sont encore aux prises avec les concordats ou les conventions entre l’Église et l’État sur la liberté religieuse, la reconnaissance juridique des Églises, l’enseignement de la religion dans les écoles, les écoles catholiques, le financement des Églises, la restitution des biens ecclésiastiques, l’assistance spirituelle dans l’armée, les hôpitaux et les prisons… Ils croyaient que ces questions étaient déjà réglées.
La laïcité. Le débat sur la laïcité et sur le rôle public de la foi est en train de s’imposer. Dans divers pays, on constate la persistance d’une attitude hostile au droit de l’Église d’intervenir dans l’espace public : l’Église doit être reléguée dans les sacristies. Certaines Conférences insistent sur l’urgence de préparer le laïcat afin qu’il puisse devenir un protagoniste de la vie politique, en contribuant à réhabiliter la démocratie.
La famille. Dans certains pays, parler aujourd’hui de mariage entre un homme et une femme est devenu quasiment un thème » subversif « , les mots mari, femme, père, mère ayant disparu du vocabulaire juridique pour faire place à des termes tels que » les contractants « . Il est urgent de défendre la famille sur le plan pastoral, culturel, juridique et politique. À l’occasion de la visite ad limina des évêques de République Tchèque et de Lituanie, le Pape a souligné la priorité à donner au thème de la famille. La question démographique a elle aussi de fortes répercussions sur la société européenne.
La vie. Face au scandale du trafic d’êtres humains, vrai signe de décadence pour l’Europe, face aux législations et aux projets de loi qui ne tiennent pas compte de la dignité de l’enfant et de l’embryon ou qui étendent le droit à l’euthanasie aux mineurs et aux handicapés mentaux, les Conférences épiscopales ont la responsabilité historique de réaffirmer la dignité inviolable de la personne humaine. L’approbation en première lecture, le 15 juin dernier, par le Parlement européen du 7e programme cadre de recherche et de développement, qui alloue des financements communautaires à la recherche sur les embryons humains et sur les cellules souches d’embryons humains, est un motif de grande préoccupation pour les Conférences épiscopales. Sur quelques-uns de ces thèmes, des divergences ont été constatées au niveau oecuménique.
<br> Le rapport avec les médias. On s’est inter
rogé sur l’image de l’Église véhiculée par les médias, en se demandant jusqu’à quel point prévalent les informations privilégiant les aspects scabreux et les attitudes idéologiques critiques.
Sécularisation et dé-sécularisation. Les Églises sont appelées à interpréter l’évolution culturelle contrastée en cours actuellement en Europe. D’une part, les effets de la sécularisation se font sentir : le nombre des chrétiens pratiquants continue à diminuer, surtout chez les jeunes ; la question des vocations est devenue très problématique dans certains pays. Tout cela nécessite une réflexion sur la réduction de la présence institutionnelle de l’Église par manque de prêtres et pour des raisons financières. De l’autre, on assiste à une sorte de dé-sécularisation caractérisée par un retour en force du sacré et de la spiritualité, et un désir authentique de redécouvrir l’Évangile et l’appartenance ecclésiale.
2. Devant ces questions, la conscience que l’Europe a un besoin urgent d’entendre une voix commune et éclairée de la part des Conférences épiscopales grandit.
Dans les programmes des Conférences, on constate une tendance à se recentrer sur des thèmes tels que la foi, l’évangélisation, la catéchèse, la spiritualité, la prière, les sacrements, l’éducation et la missionnariété. L’ordre du jour des Conférences épiscopales ne doit pas lui être imposé de l’extérieur, mais découler de la nature même de l’Église. La réception très favorable de l’Encyclique de Benoît XVI, Deus Caritas est, dans différents pays, y compris au niveau oecuménique et dans les milieux laïcs, est significative. Cette Encyclique touche au coeur de la foi, en montrant combien celle-ci répond à un désir profond de l’homme, et en l’invitant à jouer un rôle actif dans l’histoire.
En ce qui concerne les vocations, le témoignage de la beauté de la vie de foi est fondamental. Nous devons nous interroger sur l’image que nous donnons de l’Église et de ses prêtres.
Le Conseil des Conférences épiscopales d’Europe (CCEE), qui fête cette année son 35e anniversaire, a été fondé, à la lumière de l’ecclésiologie du Concile Vatican II, pour se mettre au service de la tâche commune d’évangélisation des évêques d’Europe. Ce n’est qu’à travers la responsabilité commune, la communion vécue et la collaboration qu’il nous sera possible de montrer que l’Évangile répond aux grandes questions des Européens. Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons affronter les défis historiques qui se présentent à nous. Nous constatons avec joie que la communion et la collaboration entre les Conférences d’Europe sont en train de grandir, mais elles doivent encore être renforcées. En particulier, la tâche de mettre en place un véritable échange de dons entre Européens de l’Est et de l’Ouest n’est pas terminée.
Dans ce service à la communion en Europe, un rôle particulier est dévolu aux Secrétaires et aux secrétariats des Conférences épiscopales. La situation des secrétariats varie beaucoup d’un pays à l’autre : les grandes Conférences épiscopales ont une structure bien organisée, capable de coordonner le travail de leurs nombreuses commissions ; d’autres Conférences d’Europe de l’Est, plus petites et plus pauvres, disposent tout juste d’un local et d’un responsable. Sur ce point aussi, doit entrer en jeu la collaboration. Les responsabilités du Secrétaire général en matière de relations avec les médias et avec les pouvoirs public se ne cessent de croître. Le Secrétaire est un peu comme un » radar » chargé de détecter à l’avance dans quel sens les diverses questions sont en train d’évoluer, afin de permettre à la présidence, au conseil permanent et à la plénière de la Conférence épiscopale de les affronter et de prendre des décisions.
Les manifestations organisées par les diverses Conférence ont en réalité une portée européenne : en octobre prochain, une rencontre ecclésiale nationale se tiendra en Italie sur le thème : » Témoins de Jésus ressuscité, espérance du monde » ; en Espagne, l’attente est grande en perspective de la 5e rencontre mondiale des familles, qui doit se tenir à Valence, au début du mois de juillet, en présence du Pape.
Oecuménisme. La crédibilité de l’annonce de l’Évangile est étroitement liée au thème de l’unité des chrétiens. Avec réalisme, on a constaté que la saison oecuménique en cours actuellement suscite des préoccupations et donne lieu à des frustrations ; c’est un motif supplémentaire pour s’y engager avec une ardeur renouvelée, en misant en particulier sur rapports interpersonnels. En ce sens, le parcours de la Troisième Assemblée Oecuménique d’Europe, qui se conclura à Sibiu (Roumanie) les 4-9 septembre 2007, représente une occasion privilégiée. La première étape de cette Assemblée, qui s’est tenue à Rome en janvier dernier avec les délégués de toutes les Églises, Conférences épiscopales et communautés d’Europe, a eu des échos très positifs, et les deux rencontres avec le Pape Benoît XVI ont été très encourageantes. Actuellement, les rencontres nationales, qui constituent la deuxième étape de cette Assemblée, sont en préparation chaque pays. D’importantes initiatives sont programmées en Allemagne et en France. En Italie, la rencontre nationale s’est déjà tenue début juin. Pour la Serbie, le Monténégro, la Macédoine et le Kosovo une rencontre aura lieu à Subotica en septembre prochain ; d’autres rencontres sont prévues en Croatie, Écosse, Turquie et Autriche. Par ailleurs, les Conférences sont en train de former les délégations qui participeront à l’Assemblée de Sibiu, où 2.500 délégués officiels sont attendus.
Les Secrétaires ont aussi entamé une réflexion sur la diffusion en Europe des communautés pentecôtistes, néo-protestantes, charismatiques et des Églises libres ou indépendantes. Il s’agit d’un chapitre complexe du dialogue oecuménique, qui en est encore à ses débuts et qui demande du discernement. D’autres événements oecuméniques encourageants sont déjà prévus, tels que la reprise des travaux de la Commission théologique commune orthodoxe-catholique qui se réunira à l’automne à Belgrade ; la rencontre des évêques catholiques et anglicans en Angleterre en novembre ; le voyage du Pape en Turquie cet automne.
La missionariété. On assiste actuellement à une renaissance de la conscience missionnaire et de la tâche d’annoncer l’Évangile au monde entier. La Conférence épiscopale d’Allemagne a publié un document important sur ce thème. L’Europe, qui a une » vocation » missionnaire, a des responsabilités à ce niveau vis-à-vis des Églises des autres continents. La missionariété est confrontée aujourd’hui à la question de l’annonce de l’Évangile aux différentes religions et cultures. À la suite du Symposium des évêques d’Afrique et d’Europe qui s’est tenu en 2004, le CCEE et le SECAM (organisme des évêques africains) sont en train de mettre au point un projet destiné à intensifier la collaboration entre l’Afrique et l’Europe sur les thèmes d’intérêt commun en ce temps de mobilité humaine : anciens et nouveaux esclavages ; migrations ; échanges de personnel pour la pastorale ; annonce de l’Évangile dans les diverses cultures.
La Commission des épiscopats des pays de l’Union européenne (COMECE), a la fonction importante de suivre les programmes de l’UE. Le 30 mai dernier, elle a participé à Bruxelles à la rencontre des chefs religieux et des représentants des Églises avec le Chancelier Schüssel, Président du Conseil de l’UE, et avec José Manuel Barroso, Président de la Commission européenne. Au coeur de cette rencontre, le rôle des Églises et des communautés religieuses dans le processus d’unification. À cette occasion, elle a exprimé sa déception de voir qu’il n’a pas été tenu compte de la dignité de l’embryon humain dans le 7e programme cadre sur la recherche et le développement approuvé récemment. À l’oc
casion du 50e anniversaire du Traité de Rome, en 2007, la COMECE organisera une rencontre sur les perspectives d’avenir de l’Europe. Les Secrétaires des Conférences épiscopales ont réaffirmé la nécessité d’investir davantage d’efforts et de compétences dans ce domaine : de plus en plus souvent, les Églises se trouvent concernées par les décisions politiques, éthiques ou juridiques prises à Bruxelles ou à Strasbourg. Il faut donc instaurer une synergie efficace entre la COMECE et l’action des Conférences au niveau local.
S.Exc. Mgr Amédée Grab, Président du CCEE, a participé aux travaux de cette rencontre des Secrétaires généraux, au cours de laquelle ont pris la parole le Nonce apostolique, S.Exc Mgr Santos Abril y Castello, l’archevêque de Ljubljana S.Exc. Mgr Aloiz Uran, le président de la Conférence épiscopale slovène, S. Exc. Mgr Franc Kramberger, qui était accompagné des autres évêques du pays. Le salut de S.Exc. Mgr Alois Sustar, archevêque émérite de Ljubljana, qui fut le premier Secrétaire général du CCEE, a été particulièrement émouvant.
La visite de la ville de Ljubljana, le pèlerinage au sanctuaire marial de Brezje, les paysages magnifiques du lac de Bled, les concerts de musique ont permis à tous d’entrer dans l’histoire et dans l’âme du peuple slovène, de rencontrer les représentants de l’Église locale et de bénéficier d’un accueil extraordinaire.
La prochaine rencontre des Secrétaires généraux se tiendra les 14-17 juin 2007 en Slovaquie.
Saint-Gall, le 29 juin 2006
Aldo Giordano, Secrétaire général CCEE
Le Conseil des Conférences épiscopales d’Europe (CCEE) réunit les Présidents des 34 conférences épiscopales actuelles d’Europe. Il est présidé par Mgr Amédée Grab, Évêque de Coire ; ses vice-présidents sont le Card. Josip Bozanic, Archevêque de Zagreb et le Cardinal Cormac Murphy O’Connor, Archevêque de Westminster. Le Secrétaire général du CCEE est Mgr Aldo Giordano. Le siège du secrétariat se trouve à Saint-Gall (Suisse).