ROME, Mercredi 14 septembre 2005 (ZENIT.org) – La biographie d’un pays en même temps que celle d’une femme, une chrétienne, c’est en effet un pan de l’histoire du Liban que nous découvrons par les yeux de Nathalie Duplan et Valérie Raulin, auteurs du livre « Le Cèdre et la Croix », publié le 15 septembre aux Presses de la Renaissance. Elles présentent leur livre aux lecteurs de Zenit.
Zenit : Cette année 2005 marque pour le Liban le 30e anniversaire du début de la guerre. L’ouvrage que vous publiez revient largement sur ce douloureux événement. « Le Cèdre et la Croix » n’est ni un livre d’histoire, ni un livre sur la guerre à proprement parler. Comme l’indique le sous-titre « Jocelyne Khoueiry, une femme de combats », il s’agit de la vie de cette jeune libanaise, âgée d’à peine vingt ans, lorsque le conflit éclate, le 13 avril 1975, et qui prend les armes pour défendre son pays. Son histoire est impressionnante.
Nathalie Duplan et Valérie Raulin : Oui. Son destin est hors du commun. Engagée dans la milice chrétienne, elle combat avec les commandos d’élite, avant d’en diriger la section féminine. Le 6 mai 1976, avec six filles plus jeunes qu’elle, elle remporte une victoire incroyable dans le centre-ville de Beyrouth face à 300 syro-palestiniens lourdement armés ! Au cours de cette même bataille, elle se « convertit » et, dès lors, son combat revêt une autre dimension.
Zenit : Pouvez-vous préciser ?
Nathalie Duplan et Valérie Raulin : Jocelyne Khoueiry est issue d’une famille chrétienne. Mais son christianisme est plutôt identitaire. L’épisode du 6 mai lui fait prendre conscience, de manière très tangible, de l’existence de Dieu. Et pour elle, si Dieu existe, elle ne peut plus mener la lutte de la même manière. Elle va donc s’employer, sans déposer les armes, à rechristianiser l’ensemble des Forces Libanaises de Bachir Gemayel dont elle est l’une des collaboratrices. On assiste alors à des scènes très émouvantes de jeunes combattants se confessant et communiant pour la première fois depuis des années, juste avant de livrer des batailles épiques, et être fauchés quelques minutes après sur le front.
Zenit : Vous parlez des Forces Libanaises. Beaucoup, même dans les milieux chrétiens, sont pourtant réservés, pour ne pas dire critiques, par rapport aux actions de ces milices durant la guerre.
Nathalie Duplan et Valérie Raulin : C’est vrai. Les reproches et les réactions négatives ne manquent pas. Cela dit, si certains actes sont condamnables, d’autres sont le fruit d’une désinformation persistante. Le livre n’est d’ailleurs pas un ouvrage sur les milices, mais bien sur la vie d’une femme, membre des FL, qui démissionne en 1985, précisément parce qu’elle est en désaccord avec un certain nombre d’agissements. Nous voudrions insister sur un point : il y a eu des erreurs, des défaillances, parfois même des atrocités – y compris, mais pas seulement, dans les rangs chrétiens – mais il y a eu également du courage et des actes héroïques.
Zenit : Votre livre se termine par un chapitre intitulé « L’homme en blanc ». Pourquoi un tel hommage à Jean-Paul II ?
Nathalie Duplan et Valérie Raulin : Par souci de justice. Jean-Paul II s’est beaucoup investi pour le Liban au point de se trouver parfois en opposition avec sa propre Secrétairerie d’État. Pourtant, beaucoup ont longtemps prétendu, notamment dans les années 85-86, que le pape se désintéressait des chrétiens libanais ! Nous avons donc voulu rappeler, entre autre, qu’il a publié deux lettres apostoliques, en 84 et en 89, sur la situation du Liban, un fait rare, pour ne pas dire unique, dans l’Histoire de l’Église. Quant à l’exhortation apostolique post-synodale qu’il a signée à l’occasion de son voyage mémorable en 1997, elle constitue une charte exigeante et ambitieuse de reconstruction nationale pour un Liban fidèle à sa tradition de pays ouvert à tous.
Zenit : N’est-ce pas un vœu pieux ?
Nathalie Duplan et Valérie Raulin : C’est en tout cas le pays que Jocelyne Khoueiry a voulu défendre et pour lequel elle poursuit la lutte. À travers le « Centre Jean-Paul II » qu’elle a fondé, cette femme – aujourd’hui âgée de 50 ans et membre de l’Académie mariale pontificale internationale – vient en aide aux enfants, aux familles, aux nécessiteux et tente de donner au plus grand nombre une bonne formation chrétienne. Et dans toutes ses missions, elle a toujours présentes à l’esprit les paroles de ce pape qu’elle a plusieurs fois rencontré : « Le Liban est plus qu’un pays : c’est un message de liberté et un exemple de pluralisme pour l’Orient comme pour l’Occident ! »