Dans un communiqué diffusé par Bruxelles, le ministère des Affaires étrangères belge fait savoir que le ministre Karel De Gucht « a pris note de la décision du tribunal populaire de Kigali (Gacaca) de renvoyer le dossier d’accusations contre le père belge Guy Theunis au parquet national », le tribunal populaire ayant inséré l’accusé dans la « Catégorie 1 » des « Planificateurs » du génocide de 1994 dans le Pays des Mille Collines, indique l’agence missionnaire.
La note officielle ajoute que le ministre belge « aura à ce propos une conversation approfondie avec son collègue rwandais, Charles Murigande, en marge du Sommet du Millénaire » des Nations unies, qui s’ouvrira à New York le 14 septembre. Le gouvernement belge confirme que l’assistance consulaire apportée au missionnaire « sera poursuivie ». Entre temps, les initiatives de soutien en faveur du prêtre belge – arrêté mardi soir à l’aéroport international de Kigali et retenu dans la prison centrale de la capitale rwandaise – se multiplient : des communiqués de défense et de dénonciation de son arrestation transmis à la presse (comme celui de Reporters Sans Frontières) à la tenue d’une réunion d’organisations non gouvernementales (Ong) belges, prévue pour cet après-midi. Pour leur part, les Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs), la congrégation à laquelle père Theunis appartient, préoccupés par la décision du Gacaca, se posent de nombreuses questions sur la façon dont la justice rwandaise va traiter le dossier d’accusations concernant leur confrère.
La direction générale des Pères Blancs s’active, indique Misna, pour d’une part prendre des contacts, notamment avec les autorités belges, et de l’autre rassembler des preuves en défense de père Theunis, comme ses écrits dans le cadre de la revue ‘Dialogue’ (dont il était le directeur) ou les lettres transmises par fax en Europe durant la période initiale du génocide (avril 1994), faits qui sont à l’origine des accusations de la justice rwandaise à l’encontre du missionnaire belge.
Les neuf juges du Gacaca d’Ubumwe, district de Nyarugenge dans le centre de Kigali (Rwanda), ont renvoyé devant un tribunal rwandais ordinaire le dossier de père Guy Theunis, de la congrégation des Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs), après avoir évalué que les preuves réunies à son encontre portent à l’insertion du missionnaire belge dans la « catégorie 1 », celle dans laquelle figurent ceux qui sont considérés comme les planificateurs du génocide de 1994 dans le Pays des Mille Collines.
« Après avoir examiné les informations récoltées dans les témoignages, nous avons décidé que père Theunis doit être jugé par un tribunal conventionnel » a dit Jean Raymond Kalisa, président du Gacaca (tribunal populaire) d’Ubumwe. Père Theunis s’est présenté au centre de la cour intérieure de la petite école, siège du Gacaca, dans le centre de Kigali, portant l’uniforme rose typique des prisonniers rwandais, entouré d’un public de 300 personnes (mille selon le journal gouvernemental ‘New Times’).
De nombreux témoins en sa faveur ne se sont pas présentés, sauf un membre de ‘Human Rights Watch’, l’historienne Alison de Forges, qui est intervenue à plusieurs reprises en défense du missionnaire, font savoir à Misna les confrères du religieux qui ont assisté à l’audience. De nombreux fonctionnaires rwandais étaient présents, dont certains sont intervenus contre le missionnaire. « Vous avez été accusé d’avoir incité au génocide, que répondez vous? » a demandé Khalisa à père Theunis. « Je ne comprends absolument pas les accusations formulées à mon encontre » a répondu le missionnaire. Au sujet des accusations formulées contre lui – à savoir d’avoir publié sur la revue ‘Dialogue’, qu’il dirigeait, des extraits d’une publication rwandaise extrémiste ‘Kangura’ – père Theunis a affirmé que les passages de ‘Kangura’ republiés sur sa revue faisaient seulement partie d’une revue de presse dans laquelle étaient proposés et traduits des articles et déclarations présents sur les médias rwandais.
Les témoignages de certains des présents à l’audience du Gacaca ont ensuite ajouté de nouveaux éléments à l’encontre du missionnaire, jugés par les 9 magistrats du tribunal populaire comme suffisants pour l’insérer dans la catégorie 1. « Il se porte bien physiquement comme mentalement » a dit à la MISNA le Supérieur Général des Missionnaires d’Afrique, père Gérard Chabanon, contacté à Rome. « Il est courageux et solide. Nous nous posons beaucoup de questions. Nous nous demandons quel type de tribunal le jugera, où et quand. Ils nous ont seulement fait savoir que ‘pour le moment il restera dans la prison centrale de Kigali’ », conclut Misna.