ROME, Lundi 2 mai 2005 (ZENIT.org) – « Le service de la communion, Benoît XVI l’aborde visiblement avec humilité et sérénité », a déclaré Mgr Vingt-Trois dimanche, à Notre-Dame.
L’archevêque de Paris a également déclaré : « Dans l’homélie de l’inauguration de son pontificat, Benoît XVI nous a invités à nous situer avec lui dans une perspective vraiment évangélique. En remettant les événements de ces dernières semaines dans leur signification ecclésiale par la référence à la communion des saints. Communion de notre Église terrestre avec les saints qui nous ont précédés dans le sein du Père, mais aussi communion avec tous ceux qui sont sanctifiés par le baptême. C’est dans cette vision d’une Église-communion que le nouveau Pape a voulu inscrire son ministère personnel de successeur de Pierre. Dans cette communion entre les membres de l’Église, il a associé explicitement l’espérance de l’unité visible de tous les chrétiens comme une tâche impérative de notre temps. Il y a aussi inscrit notre parenté spirituelle et notre dette envers les juifs ».
Voici le texte intégral de l’homélie du Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris, lors de la messe d’action de grâce pour l’élection du pape Benoît XVI, dimanche 1er mai, en la cathédrale Notre-dame (cf. http://catholique-paris.cef.fr), en présence de quelque 6 000 fidèles et de quelque 150 représentants du Corps diplomatique.
Dimanche 1er mai 2005
Messe à Notre-Dame de Paris
Benoît XVI
La mort de Jean-Paul II et l’élection de Benoît XVI ont été des moments intenses pour notre Église. Elle a vécu avec ferveur les derniers moments de la vie du Pape. Nous avons été nombreux à nous réunir et à prier pour lui et avec lui, non seulement ici dans cette cathédrale, mais aussi dans beaucoup d’églises de Paris et de France. Cette mobilisation spontanée a surpris beaucoup de nos contemporains. Ils pensaient que la désaffection de la pratique chrétienne, si souvent évoquée et si soigneusement mesurée, était le dernier mot de la réalité des convictions religieuses de nos concitoyens. Là où l’on croyait qu’il n’y avait plus que cendres et nostalgie, on a vu surgir du fond des cœurs un attachement qui dépassait certainement la personne du Pape. S’ils ne sont pas tous des chrétiens fervents, les français ne sont pas devenus pour autant des incrédules affirmés. Mieux encore, nous avons assisté à un mouvement de solidarité des autres religions qui manifeste clairement que nous ne sommes pas une société areligieuse ou païenne, même si nous respectons et si nous estimons la laïcité de l’État.
L’élection de Benoît XVI, par sa rapidité même, a été, pour nous catholiques un signe certain de la communion que les cardinaux ont mis en œuvre pratiquement au cours du conclave. Alors que l’on nous annonçait de graves clivages insurmontables, nous avons vu s’établir un consensus fort en quelque vingt-quatre heures. Les réactions épidermiques, largement relayées par des commentaires à chaud sur un profil personnel attribué à l’élu, n’ont guère résisté à ses premières prises de parole et au signe donné lors de l’inauguration de son pontificat. La rumeur, l’insulte ou l’injure, ne peuvent tenir lieu d’information dans une société démocratique. Elles finissent tout de même par dévoiler leur réalité ignoble. Quant à nous, pour reprendre l’épître de saint Pierre : Nous gardons « une conscience droite, pour faire honte à nos adversaires au moment même où ils calomnient la vie droite que nous menons dans le Christ. »
Mais, dans ces tumultes médiatiques, il est permis de discerner autre chose que la malveillance ou la volonté d’une idéologie militante attardée et ringarde. Nous pouvons y voir aussi l’intérêt, pour ne pas dire l’attrait et la fascination, qu’exercent notre Église et sa vie sur nos contemporains. Qui aurait cru, il y a à peine cinquante ans, que le changement de Pape susciterait plus qu’un intérêt de curiosité pour un groupuscule subsistant péniblement dans une société sécularisée ? Pouvons-nous espérer que cet intérêt, -et même les caricatures et les critiques plus ou moins virulentes-, soient les signes persistants d’une attente à l’égard de cette Église ? Sont-ils un reflet de l’espérance des hommes à l’égard de la Bonne Nouvelle de l’Évangile ? Nous savons bien que les réponses à ces questions ne peuvent pas être un accaparement simpliste de l’émotion, mais nous savons aussi que nous devons répondre à cette attente, même si elle nous paraît confuse et incertaine. Il ne s’agit pas pour nous de « réenchanter » le monde. Mais il ne s’agit pas non plus de passer à côté de sa réalité plénière.
Comment pouvons-nous le faire ? Pour notre diocèse de Paris, l’expérience vécue lors de Paris-Toussaint 2004 a été une occasion de mesurer que la promesse du bonheur de l’homme, telle que nous la transmet l’Évangile, est un message qui parle au cœur de tout être humain. Nous devons continuer à nous laisser entraîner à partager ce trésor qui nous est confié en dépôt et dont le Seigneur attend qu’il porte du fruit. Nous ne pouvons pas nous contenter de l’enfouir et de nous en repaître sans nous inquiéter ni des générations qui nous suivent ni de la société à laquelle nous sommes envoyés. Nous devons, plus que jamais, « être toujours prêts à nous expliquer devant tous ceux qui nous demandent de rendre compte de l’espérance qui est en nous. »
L’évangile de saint Jean que nous venons d’entendre nous apporte des éléments de réponse à la question lancinante qui traverse chaque époque de l’histoire de l’Église : comment accomplir la mission universelle confiée par le Christ au petit groupe des disciples qu’il a rassemblés autour de lui ? Trois promesses et deux appels : je ne vous laisserai pas orphelins, vous me verrez vivant et le Père vous donnera un autre Défenseur. Ces trois promesses seront accomplies à la Pentecôte. Les disciples auront vu le Christ ressuscité, ils recevront l’Esprit Saint et ils comprendront qu’ils ne sont pas abandonnés de Dieu. Deux appels : aimer le Christ et rester fidèles à ses commandements. Ces deux appels sont au fondement de la vie apostolique et de toute vie chrétienne.
Il me semble que les événements vécus ces dernières semaines par notre Église sont une bonne illustration et des promesses du Christ à ceux qu’il envoie en mission et des axes fondateurs de toute mission dans l’Église. L’émotion suscitée par la mort de Jean-Paul II s’apparentait, au moins pour beaucoup d’entre nous, et au-delà des limites visibles de notre Église, au sentiment d’avoir perdu un Père, tout à la fois aimant et exigeant, mais dont les exigences étaient nourries par une véritable espérance que seul l’amour peut susciter et entretenir par-delà les erreurs et les fautes. Quand il nous proposait les sentiers resserrés de la perfection évangélique, il nous partageait en même temps son ambition de nous voir devenir des saints.
Si certains ont cru déceler dans notre affection blessée la trace d’une soumission infantile, qu’ils se rassurent. Notre foi ne va pas à un homme, si exceptionnel soit-il et si sainte que soit sa vie ! Elle n’ira pas plus à Benoît XVI qu’elle n’allait à Jean-Paul II. La méconnaissance de la nature spirituelle de l’expérience chrétienne peut conduire certains observateurs à tenter d’expliquer l’élection du Pape en faisant abstraction de son ressort principal : l’Esprit-Saint. Dès lors, il n’est pas surprenant qu’ils ne cherchent leurs explications que dans des traits supposés du caractère de l’élu ou dans l’arbitrage de courants idéologiques. Comment
ne pas penser que ce sont eux qui succombent au culte de la personnalité en occultant l’acteur principal ?
Dimanche dernier, dans l’homélie de l’inauguration de son pontificat, Benoît XVI nous a invités à nous situer avec lui dans une perspective vraiment évangélique. En remettant les événements de ces dernières semaines dans leur signification ecclésiale par la référence à la communion des saints. Communion de notre Église terrestre avec les saints qui nous ont précédés dans le sein du Père, mais aussi communion avec tous ceux qui sont sanctifiés par le baptême. C’est dans cette vision d’une Église-communion que le nouveau Pape a voulu inscrire son ministère personnel de successeur de Pierre. Dans cette communion entre les membres de l’Église, il a associé explicitement l’espérance de l’unité visible de tous les chrétiens comme une tâche impérative de notre temps. Il y a aussi inscrit notre parenté spirituelle et notre dette envers les juifs.
Le service de la communion, Benoît XVI l’aborde visiblement avec humilité et sérénité. Il l’aborde avec sérénité parce qu’il l’aborde avec humilité, comme « un humble ouvrier dans la vigne du Seigneur. » C’est ainsi que nous pouvons comprendre ses appels à la communion et à la prière. « Priez les uns pour les autres, pour que le Seigneur nous porte et que nous apprenions à nous porter les uns les autres. » C’est en s’effaçant devant sa mission et devant le Christ qu’il atteint la plénitude de sa dimension pastorale. C’est dans l’amitié du Christ seulement « que se dévoilent réellement les grandes potentialités de la condition humaine. »
Cet amitié avec le Christ s’exprime dans l’accueil de ses commandements et dans la volonté de les garder fidèlement. Nous comprenons bien la répugnance de Benoît XVI à entrer dans un discours programme. « Mon véritable programme de gouvernement est de ne pas faire ma volonté, de ne pas poursuivre mes idées, mais, avec toute l’Église, de me mettre à l’écoute de la parole et de la volonté du Seigneur, et de me laisser guider par lui, de manière que ce soit lui-même qui guide l’Église en cette heure de notre histoire. » Ainsi nous sommes conduits à comprendre un peu mieux la réalité spirituelle caractéristique du mystère de l’Église à laquelle nous sommes plus étroitement associés ces temps-ci.
L’amour du Christ pour ses disciples et l’amour des disciples pour le Christ constitue la seule clé d’interprétation de tous ces événements. Beaucoup de nos contemporains, éloignés ou ignorants de cet amour et de la personne du Christ, voient leur capacité d’interprétation réduite à quelques éléments extérieurs ou électoraux. Nous ne pouvons en être ni surpris ni choqués. On peut évidemment s’étonner que certains se réclamant de leur identité chrétienne, -ou même religieuse-, et qui en tirent gloire, ne soient pas plus éveillés à la signification profonde des événements et se laissent emporter par l’aigreur ou la superbe. En tout cas, nous devons rendre grâce à Dieu pour l’opportunité particulière qui nous est offerte de partager un peu du trésor de notre foi.
L’amour du Christ nous associe inévitablement à son désir et à sa mission de donner la plénitude de la vie à l’humanité. Toute mission pastorale s’inscrit dans cette passion divine pour le salut des hommes. Évoquant la brebis perdue, Benoît XVI nous l’a rappelé : « La sainte inquiétude du Christ doit animer tout pasteur : il n’est pas indifférent pour lui que tant de personnes vivent dans le désert. » Cette inquiétude doit sans cesse raviver les énergies, assoupies ou défaillantes, pour repartir d’un cœur renouvelé à l’œuvre du Maître. Que ce soit à la première heure ou à la onzième heure, nous sommes tous appelés à prendre notre part de la mission du Christ, prêtre, prophète et roi auquel notre baptême et notre confirmation nous ont configurés.
Entendez ce soir l’appel de notre nouveau Pape : « L’Église dans son ensemble, et les Pasteurs en son sein, doivent, comme le Christ, se mettre en route, pour conduire les hommes hors du désert, vers le lieu de la vie, vers l’amitié avec le Fils de Dieu… » Catholiques de Paris, ce soir, nous voulons répondre à cet appel qui est l’appel même de l’Évangile. Ce soir, nous voulons entrer plus profondément dans l’amitié avec le Christ. Ce soir, nous voulons accueillir et garder ses commandements. Ce soir, nous voulons nous laisser guider par l’Esprit-Saint et devenir de meilleurs témoins de la parole de Dieu.
Que Dieu nous en fasse la grâce !
+ A. VINGT-TROIS
Archevêque de Paris
1er mai 2005
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May 02, 2005 00:00