Sans la vérité, la liberté devient une prison

Entretien avec Mgr Vitaliano Mattioli sur son dernier ouvrage « Libertà imprigionata »

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ROME, lundi 15 novembre 2004 (ZENIT.org) – A force de considérer la liberté dans le sens d' »anarchie », de nier la vérité sur Dieu et sur l’homme, l’homme s’autodétruit. Seul le Christ peut le ramener à l’état de liberté originel.

C’est en substance ce qu’explique Mgr Vitaliano Mattioli, professeur à l’Université pontificale urbanienne et Vice-Président de l’Institut pontifical Saint-Apollinaire, dans son dernier ouvrage, « Libertà imprigionata » (« La liberté emprisonnée ») qui vient d’être publié en italien aux Editions Segno.

Dans une interview accordée à Zenit, Mgr Mattioli présente le thème central de son livre, où il affronte avec clarté la relation entre vérité et liberté.

Pourquoi « La liberté emprisonnée » ? Voulez-vous nous expliquer le choix du titre ?

Mgr Mattioli : Ça fait plusieurs années que je voulais écrire quelque chose sur ce sujet. Je remarque en effet que l’homme s’emprisonne à travers ses choix négatifs. En considérant la liberté humaine dans le sens d' »anarchie », l’homme ne s’est pas libéré mais s’est auto enchaîné : il a emprisonné sa liberté.

Il n’est plus le « dominus » de lui-même mais c’est sa conception erronée de la vie et de l’existence qui l’oblige à marcher vers sa destruction. Dans la partie centrale du livre, j’analyse quelques unes de ces chaînes symboliques, qui sont ensuite reliées à cette attitude ancienne, qui de temps en temps resurgit à travers les siècles : organiser la vie comme si Dieu n’existait pas.

D’où le sous-titre : « Essai sur l’autodestruction humaine ». Comment éviter cette catastrophe ? C’est là qu’émerge la figure du Christ, le seul en mesure de ramener l’homme à l’état de liberté originel.

Dans « Veritatis splendor », le Saint-Père souligne le fait qu’il n’existe pas de liberté sans vérité. Un concept que le Magistère de l’Eglise ne se lasse pas de répéter. Que pouvez-vous nous dire à ce propos ?

Mgr Mattioli : C’est justement ce binôme « liberté/vérité » que l’homme a brisé. Il a voulu cacher la vérité sur Dieu, ne le considérant plus comme le Créateur et le dispensateur de tout bien, le commencement de l’être et le dispensateur de chaque existence.

Le Dieu transcendant ayant été destitué, est apparu l’homme prométhéen. Voilà l’autre vérité niée : la vérité sur l’homme. De créature il s’est inventé créateur. Niant un Dieu créateur, il s’est mis lui-même à fabriquer l’homme; niant un Dieu législateur, il a conçu ses propres lois. De là l’Etat éthique.

Niant cette vérité, il s’est également abrogé la liberté. Non seulement d’un point de vue individuel mais également politique : quand un homme s’érige sur un piédestal après avoir détrôné la divinité, il se considère dieu, mais non un Dieu père, plutôt un dieu patron, dictateur. Les droits de l’homme ne font plus l’objet d’aucune considération ; l’homme en est réduit à vivre dans une grande prison. C’est ainsi qu’il perd également sa liberté existentielle.

En niant Dieu, l’homme se considère absous et devient alors la proie de ses propres passions : ce n’est plus lui qui agit, mais ce sont ses caprices, ses envies malsaines qui le dominent et le contrôlent. L’homme est alors capable d’accomplir n’importe quelles aberrations.

La raison pour laquelle le magistère de l’Eglise insiste tant sur la défense de ce binôme ne réside pas seulement dans le fait de proposer une vision chrétienne de la vie mais d’empêcher que l’homme, n’importe quel homme ne s’autodétruise.

La situation actuelle de l’Europe est un exemple de la contradiction qui existe entre vérité et liberté. Au nom d’un plus grand respect de l’Etat laïc et de la liberté religieuse, on n’a pas voulu insérer de référence aux racines chrétiennes de l’Europe dans le préambule de la Constitution européenne. Quel est votre sentiment ?

Mgr Mattioli : Dans la partie relative aux chaînes symboliques évoquées plus haut et plus exactement dans la troisième intitulée : « Mentalité laïciste », j’analyse la différence entre l’Etat laïc et l’Etat laïciste. Pie XII en son temps n’avait pas craint d’accepter sans réserve « une saine laïcité de l’Etat ». La laïcité accepte le pluralisme religieux et le voit comme un enrichissement.

Le Président du Sénat italien, Marcello Pera, dans un discours prononcé à Assise (15 octobre 2004), a dit que « la laïcité est un principe d’autonomie, de tolérance, de respect à l’égard des fois, des croyances et des philosophies ».

En revanche, on peut qualifier de laïciste l’Etat qui, ou bien nie la réalité religieuse ou considère que cette dernière appartient uniquement au domaine de la subjectivité. De là, la vie religieuse qui n’a pas droit de cité dans l’Etat laïciste qui se transforme nécessairement par la suite en Etat éthique.

L’Europe voudrait se considérer laïque alors que de fait elle se transforme en laïciste. Voilà la raison pour laquelle elle s’est entêtée à ne pas reconnaître dans le préambule de la Constitution ses racines chrétiennes.

Toujours selon Marcello Pera : « Le laïcisme est le contraire : c’est une idéologie, parfois c’est une religion, et parfois une religion aveugle, obtuse et dogmatique. Peut-être que cette religion laïciste explique mieux que tout le reste l’oubli des racines chrétiennes de l’Europe dans le préambule du Traité constitutionnel ». De ce point de vue, l’Europe est en train de devenir une source de préoccupation du fait de son intolérance.

Au nom d’une conception plus libre de la famille, on assiste à la volonté d’étendre cette dernière également aux couples homosexuels, leur accordant même l’adoption d’enfants. Quel est votre avis à ce sujet ?

Mgr Mattioli : Avant toute chose je dis : respect absolu à l’égard des personnes qui se trouvent dans ces situations. Cela dit, la reconnaissance des couples homosexuels est une des conséquences du choix laïciste d’un Etat.

Quand l’anarchie se substitue à liberté (entendue comme la possibilité d’agir conformément à la droite raison), tout devient permis. Je fais ma propre loi et je dois faire plier l’Etat afin qu’il justifie mes désirs devant le législateur.

Depuis que le monde est monde, la famille a toujours été considérée comme une union entre une personne de sexe masculin et une de sexe féminin, reconnue par la société. On ne peut intervenir sur le choix entre deux personnes, mais sur la pression exercée sur les institutions législatives pour rendre naturel et donc légitime un tel choix.

Plus encore en ce qui concerne l’adoption d’enfants de la part de ces couples. Toute la psychologie ne fait que confirmer l’urgence de la figure de l’homme et de la femme dans l’éducation de l’enfant. Ici en revanche, il s’agit d’une pression exagérée sur le législateur qui va contre tous les sains principes de la nature et les conclusions les plus évidentes de la science en ce qui concerne le développement équilibré de l’être humain.

Ici aussi prévaut l’humeur capricieuse : la réalisation sans condition de toutes les envies et de tous les désirs, fruit de l’égoïsme et de l’absence de recherche du bien de l’autre.

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ZENIT Staff

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