Dimanche 26 septembre 2004
Chers Amis,
Voici le moment venu de conclure. Laissez-moi commencer en vous remerciant vous tous qui nous avez aidés dans l’organisation de cette fête et de cette rencontre, vous tous surtout qui êtes venus de loin pour la vivre avec nous. Mgr Homeyer disait hier que nous vivons un moment historique. S’il y a eu un tel tournant, il est dû à vos encouragements pressants à prendre le risque de cette rencontre, à votre amitié, à votre attention au mûrissement de ce projet. Encore fallait-il qu’il se concrétise et c’est votre venue et votre participation vibrante qu’ils l’ont réalisé.
Que dire à chaud de ces quatre jours vécus ensemble. Nous en revenons changés.
Nous en revenons avec une grande fierté d’Europe, fierté d’appartenir à cette famille-là, dont nous connaissons un peu mieux désormais la diversité des visages, des cultures, des modes de pensée et d’expression et évidemment la merveilleuse diversité nationale et oecuménique des visages du christianisme social. Nous en revenons avec une irrésistible envie d’Europe. Nous sommes une famille enfin réunie et dont les membres sont évidemment avides de se reconnaître, de faire revivre toute la richesse de leur héritage et de cheminer ensemble.
Nous en revenons changés parce que vous nous avez donné un formidable « coup de jeune » en secouant nos torpeurs et préjugés, en nous invitant à poursuivre ce périple sur ces nouveaux chemins que nous ouvrons en nous mettant en route. Coup de jeune aussi grâce aux jeunes qui nous ont accompagnés et nous précèdent en fait sur ce chemin du plus d’Europe. Un merci tout spécial à eux et nous espérons bien qu’ils continueront à avancer et à nous secouer.
Coup de jeune enfin parce qu’il est bien clair que vous ne voulez pas être sur la défensive mais dans tous les domaines où se joue l’avenir de l’homme, des forces de propositions et des porteurs d’espérance, prêts à s’ouvrir à de nouvelles responsabilités, qu’il s’agisse de l’environnement, de la formation continue, du combat contre l’exclusion que vous voulez mener, non pas pour les exclus mais avec eux et à leur initiative.
Dire cela, c’est évidemment affirmer que, pour chacun de nous, l’Europe ne pourra plus être un « machin bureaucratique » mais une dimension précieuse de notre identité.
Inutile d’insister là-dessus -et je réponds à l’interpellation de Mgr Ricard- l’institution centenaire -après ce coup de jeune- sera évidemment européenne ou ne sera plus. Nous devrons évidemment prendre hardiment ce virage ; cela n’enlèvera rien, d’ailleurs, aux méthodes d’observation sérieuse, de dialogue et de propositions novatrices que nous avons, sur les pas de nos fondateurs, développées jusqu’ici.
Sur notre Europe, vous avez formulé des messages tout teintés de la diversité de vos expériences et de vos histoires, mais ils convergent sur quelques observations fortes : l’Europe est à un tournant. Voici que s’ouvrent des perspectives prometteuses pour elle et pour le monde. Mais la construction est fragile, rien n’est acquis, tout peut s’ensabler.
Mais elle est aussi entre nos mains. Les messages des forums sont, à mon sens, très explicites à ce propos. Je ne les répète pas, mais laissez-moi souligner quelques conclusions particulièrement riches de sens ou particulièrement concrètes.
Parlons de la famille - Ne devons-nous pas retenir que, s’il n’y a pas de politique européenne de la famille, nous devons au moins faire en sorte que chaque fois où ils s’apprêtent à légiférer, nos législateurs soient amenés à se demander : « Cette nouvelle mesure est-elle « family compatible », c’est -à-dire respecte-elle, protège-t-elle les familles et surtout les plus faibles d’entre elles, fussent-elles monoparentales ou familles nombreuses ?
La paix est évidemment, avec le partage, le domaine où la vocation mondiale de l’Europe est la plus affirmée. S’il est bien vrai que la vocation du christianisme social est de s’attaquer au mal à sa racine, la paix -cette découverte du don de Dieu face à la violence tapie aux portes de nos cœurs- est évidemment une de nos préoccupations premières.
Ici, beaucoup de suggestions fondamentales ont été faites, à commencer de celles de travailler de toutes nos forces à poursuivre le travail entamé il y a soixante ans et si vigoureusement enrichi depuis le 9 mai 1950 pour fonder, sur le droit et le soutien au plus faible, l’ordre international. Cela par l’action de nos églises et de nos organisations de la société civile, en complémentarité des actions diplomatiques, et ici laissez-moi dire notre admiration pour ce qu’ont su inventer nos amis de Sant’Egidio et évidemment bien d’autres. Cette action doit être aussi un soutien à la création et au renforcement des juridictions internationales tellement, sans leur action, il ne peut pas y avoir de vraie réconciliation.
Que l’Europe soit aussi un soldat efficace de la paix mais gardons-nous de la rhétorique creuse face au seigneur de la guerre. Contribuons aux forces internationales de la paix mais donnons-leur les moyens nécessaires, militaires et politiques de faire puissamment, efficacement, humainement leur travail.
Et puis, innovons hardiment. Soyons prêts à réunir nos voix et nos sièges aux Nations Unies ou dans les organisations de Bretton Woods. Soyons prêts à dégager de nouvelles ressources pour financer les biens publics mondiaux, en commençant par taxer le commerce des armes. Et pourquoi ne proposerions-nous pas que les jeunes Européens aient la possibilité, sur la base du volontariat, d’effectuer une année de service civil. Elle leur permettrait d’expérimenter concrètement le défi du vivre ensemble et du partage avec le monde. Cette année devrait être reconnue et validée dans leur formation et cela implique que nous soutenions l’adoption rapide du statut européen du volontariat.
Et enfin, continuons notre tâche d’éveilleurs et d’éducateurs comme parents mais aussi plus généralement, pour aider nos contemporains à prendre en main le monde dans lequel ils vivent -et ici je voudrais saluer les efforts dans ce pays, mais j’imagine qu’ils se développent aussi dans d’autres- pour lancer les Assises Chrétiennes de la Mondialisation.
par Michel Camdessus
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Sep 26, 2004 00:00