Frère Joseph-Marie Cassant : "Le Sacré Cœur était toute sa vie"

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Entretien avec le p. Jean-Marie Couvreur, de l’abbaye Ste Marie du Désert

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CITE DU VATICAN, Mardi 28 septembre 2004 (ZENIT.org) – « Le Sacré Cœur était toute sa vie », a déclaré le frère du bientôt bienheureux Joseph-Marie Cassant, moine trappiste français. Le P. Jean-Marie Couvreur, abbé de l’abbaye Ste Marie du Désert, à Bellegarde Sainte-Marie, à une trentaine de kilomètres de Toulouse, où a vécu le moine, le présente en ces termes. Jean-Paul II le béatifiera dimanche prochain, 3 octobre, ainsi qu’un autre français, Pierre Vigne (1670-1740) , mais aussi la mystique allemande, Anne-Catherine Emmerich (1774-1824) , une italienne, Mère Marie-Louise De Angelis (1880-1962) , l’empereur Charles d’Autriche (1887-1922).

Zenit : P. Jean-Marie Couvreur, le pape Jean-Paul II s’apprête à béatifier un moine de votre abbaye, Joseph-Marie Cassant. Qu’est-ce qui a fait s’ouvrir sa cause de béatification, et qu’est-ce qui l’a faite aboutir : quel « miracle », dû à son intercession ?

P. Jean-Marie Couvreur : Après la mort du P. M.-joseph Cassant, le 17 juin 1903, un grand silence se fit au monastère à son sujet. Le Père Abbé de l’époque, Dom Candide, fit pression sur sa communauté pour qu’il en soit ainsi. Il estimait que la vie d’un moine devait rester cachée en Dieu. Pourtant, à l’insu de l’abbé, certains frères vouaient un culte à leur frère. Le P. André, qui avait été son maître des novices puis son père spirituel, impressionné par la vertu du P. Joseph, avait préparé une « relation ». C’est seulement après l’élection abbatiale de P. André, comme successeur de D. Candide, que l’on envisage d’écrire une biographie qui paraîtra en 1926, puis en 1931, sous le titre : « Fleur du Désert ». Ces ouvrages allaient contribuer à mieux faire connaître le frère Joseph. Des bienfaits de plus en plus nombreux étaient attribués à l’intercession du P. M.-Joseph. En 1936, on envisagea d’introduire sa cause.

Le miracle retenu par Rome a d’abord été « mis de côté »(suite au procès informatif de Toulouse : on ne sait pas bien pourquoi !!!) , alors qu’il s’était produit en 1936. Il concerne un enfant de 9 ans atteint d’une méningite cérébrospinale purulente. Craignant une issue fatale, le docteur Pradel avait fait hospitaliser Jean Delibes, le jeudi 28 mai 1936. Le vendredi soir, l’état du malade s’était encore aggravé. Après cette visite, à l’insu de tous, le Dr Pradel pria le Père Marie-Joseph pour lui demander la guérison du petit Jean. Soudainement, le samedi matin, Jean sentit disparaître la raideur de sa nuque et de ses membres. Il ne souffrait plus non plus de la tête. Les médecins ne purent que constater le fait : « l’enfant était en excellent état, les signes méningés avaient disparus et la température était tombée » (déclaration du Dr Calvet). Ce fut pour le professeur Calvet une grande surprise de constater une guérison aussi rapide. Quant au Dr Pradel, il revint à la clinique pour voir son petit malade, le samedi soir, et fut grandement étonné, lui aussi, de constater une amélioration aussi rapide et aussi complète. A la mère de l’enfant, ce dernier déclara : « Il y a ici une force supérieure à la médecine. » Le miraculé est toujours vivant et en bonne santé même si son âge commence à se faire sentir.

Zenit : Comment se sont passées ses années de formation et la maturation de sa vocation monastique ?

P. Jean-Marie Couvreur : Entré au monastère le 5 décembre 1894, alors qu’il n’avait que 16 ans et 9 mois, il meurt de la tuberculose après 9 années de vie monastique, à l’âge de 25 ans. Mis à part les deux années de noviciat, où il fut initié à la vie monastique, le reste de son temps fut occupé par sa formation intellectuelle en vue du sacerdoce (philosophie et théologie). Il a beaucoup travaillé pour comprendre et retenir quelque chose de la formation qui lui était prodiguée. Ce lui fut un temps d’épreuves très grandes, adoucies seulement par son grand désir d’être prêtre. Les 9 années passées à l’abbaye ont été marquées par la présence aimante, pleine de doigté et de sagesse, de son maître des novices, le Père André Mallet qui deviendra et restera jusqu’au bout de sa vie son père spirituel. On peut parler d’une véritable amitié spirituelle entre le maître et le disciple. Dom Mallet jouera un rôle important dans l’Ordre des Trappistes en mettant l’accent sur la contemplation. Il définissait la vie surnaturelle comme suit : « une adhésion à Dieu par la connaissance et l’amour ; une adhésion au Verbe incarné par la connaissance et l’amour, car le Christ Jésus est la véritable vie de l’âme. » C’est dans ce climat que va s’épanouir la vie de notre frère Marie-Joseph.

Zenit : Au monastère, qu’est-ce qui a caractérisé la personnalité spirituelle du nouveau bienheureux ?

P. Jean-Marie Couvreur : Lorsqu’il entre au monastère, Joseph a déjà une vie spirituelle intense. Tout jeune élève au pensionnat de Casseneuil, il a surpris les frères des écoles chrétiennes par son éveil spirituel, son goût pour la prière, son attrait pour la liturgie, son amour de l’eucharistie et déjà son désir d’être prêtre. Sa première communion, le 15 juin 1890, le marquera pour la vie. Il se comporte de même en famille et son frère Emile dira : « le Sacré Cœur était toute sa vie. »
A son insu, ses dévotions à l’égard de la messe, du Saint Sacrement, du Sacré Cœur, le rattachaient à la tradition cistercienne vécue par de grandes mystiques, telle Ste Ludgarde. Il n’aura donc au monastère qu’à développer ses attraits. Il faut ajouter aussi que la dévotion au Sacré Cœur imprègne la vie et l’enseignement du P. André qui promet à son disciple Marie-Joseph de lui tracer la voie du Cœur de Jésus. Autour de cette spiritualité du Cœur de Jésus, nos deux moines se stimuleront, dans une harmonie profonde.

Zenit : Concrètement, quelles tâches lui a-t-on confiées ?

P. Jean-Marie Couvreur : Il n’en a eu aucune, sauf la plus importante et la seule valable pour toute vie : il a appris à aimer, « à ne rien préférer à l’amour du Christ ». Il pouvait dire en vérité au Seigneur: « je n’ai pas d’autre bonheur que toi ». Au témoignage de son maître des novices, « la trame de cette vie ressemble à la trame de bien des vies. Rien d’extraordinaire, sauf la façon extraordinaire dont il fit les choses ordinaires ; rien de grand, sauf la grandeur avec laquelle il fit les petites choses », dans l’ardeur de son amour pour le Christ, avec le soutien clairvoyant du Père André Mallet, au milieu de sa communauté.
Il n’a pas eu le temps de « faire » quelque chose mais bien d’ « être » !

Zenit : Aujourd’hui, qu’est-ce que le nouveau bienheureux peut dire aux jeunes ?

P. Jean-Marie Couvreur : Il me semble que notre frère Marie-Joseph répond à des attentes fortes des jeunes et des moins jeunes d’aujourd’hui. Il avait peu de moyens humains. Il n’avait rien d’un jeune, beau et fort, brillant, capable de plaire et d’attirer. Sa « grâce » fut de faire confiance et d’accueillir la main tendue et le cœur aimant de guides sûrs, son curé d’abord, à Casseneuil, son village natal, en Lot et Garonne, et puis surtout le Père André Mallet qui fut son maître des novices. Sans ce curé, sans ce guide spirituel de l’abbaye, il se serait découragé devant ses limites personnelles pour affronter la vie humaine et la vie dans un monastère cistercien. Plus que jamais, les jeunes ont besoin d’adultes, de spirituels pour les aider à s’accueillir et à affronter la vie telle qu’elle est sans se décourager.
En outre, le frère Marie-Joseph a bénéficié d’une communauté de vie. Dans un monde tellement marqué par l’individualisme, les jeunes ont besoin de rencontrer un groupe, une communauté qui leur donnent d’oser affro
nter le quotidien, dans la joie d’une vie partagée.

Zenit : Quel est le charisme de votre monastère ? Combien êtes-vous ? Recevez-vous pour des retraites ?

P. Jean-Marie Couvreur : Le charisme de notre communauté, selon nos hôtes, serait celui de la fraternité. Nos hôtes, nos amis – qui ne manquent pas à Ste Marie du Désert – apprécient beaucoup le climat fraternel et la simplicité qui se dégagent notamment dans l’accueil à l’hôtellerie mais aussi dans un office liturgique ouvert et permettant une participation facile à la prière des moines, tout au long des longues journées monastiques. Nous ne sommes pas très nombreux, une petite trentaine de frères de 96 à 32 ans ! Nous sommes bien de la lignée de notre frère Marie-joseph : sans prétention aucune, désireux de chercher le Seigneur Jésus avec des frères. Le tout, bien entendu, sous la Règle de St Benoît, selon la tradition de nos Pères de Cîteaux.

Zenit : Que voudriez-vous ajouter sur la figure que Jean-Paul II offrira dimanche prochain, à toute l’Eglise comme modèle d’amour du Christ ?

P. Jean-Marie Couvreur : J’aimerais vous proposer simplement une petite synthèse écrite par notre Abbé général, Dom Bernard Olivera. Dans une lettre adressée à toutes les communautés de l’Ordre, il écrivait ceci :
« Le message du P. Marie-Joseph CASSANT est discret, comme sa personne l’a toujours été, mais son message est cependant celui d’un maître spirituel pour notre temps et pour notre Ordre. Dans un temps de précarité de toutes sortes, le Père Joseph CASSANT peut aider ceux et celles qui souffrent de leurs limites. Il prouve que le chemin de la sainteté leur est ouvert

Joseph était : un pauvre qui s’acceptait comme tel ; un disciple de Jésus qui se laissait instruire ; un jeune moine qui se laisser guider ;
Joseph savait : chercher la paix et la poursuivre ; il était capable de s’oublier pour servir les autres ; il réussissait à renoncer à sa volonté propre pour embrasser celle du Seigneur.
Joseph est : un amoureux qui s’est laissé crucifier ; quelqu’un de reconnaissant qui s’est transformé en action de grâce (eucharistie) ; un prêtre du Christ qui s’est immolé sur l’autel…. »

Voici quelques livres qui peuvent aider à connaître frère Joseph-Marie Cassant:

-« L’attente dans le silence » par D. M.-Etienne Chenevière DDB 1960.
-« Toi seul me suffis. Dom André Mallet (1862-1936) par Dom M.-Etienne Chenevière (Abbaye de Westmalle)
-« Joseph Cassant. Les inaperçus de Dieu » par Robert Masson (Parole et Silence. 2001 -diffusion SOFEDIS)
-« L’instinct du bonheur. Frère Marie-Joseph Cassant » Moine Trappiste 1894-1903. (Edition du Livre Ouvert 2001)

Tous ces livres sont disponibles à l’Abbaye Ste Marie du Désert (F-31 530 BELLEGARDE STE MARIE)

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ZENIT Staff

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