"La Passion" vue par une religieuse

Sr. Joseph Andrew Bogdanowicz propose une méditation du film de Mel Gibson

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ROME, lundi 29 mars 2004 (ZENIT.org) – Sœur Joseph Andrew Bogdanowicz, OP, des Sœurs Dominicaines de Marie, Mère de l’Eucharistie, propose cette méditation de « La Passion du Christ », le film de Mel Gibson, pour les lecteurs de Zenit. La sortie du film en France est prévue pour le 31 mars.

Trois moments de « La Passion du Christ »

La vision du film "La Passion du Christ » affecte chacun de manière individuelle. Que l’on soit ou non d’accord avec la manière de décrire les 12 dernières heures de la vie du Christ sur la terre, la description de ces heures particulièrement sacrées s’inspire essentiellement des récits des différents évangélistes, que l’on trouve dans les Ecritures.

En tant que femme religieuse, j’ai regardé « La Passion » à travers les yeux de ma propre nature féminine, et la vigilance de l’épouse, qui est propre à la personne qui, par le vœu des conseils évangéliques s’identifie comme « sponsa Christi ». A travers ce regard j’ai choisi trois scènes qui inspirent toute ma réflexion.

Dès les premières scènes j’ai compris que je ne pouvais m’identifier avec le Christ en tant que tel. Cette identification était plus appropriée pour un prêtre qui en tant que « alter Christus » trouve sa ressemblance dans le Dieu-Homme, Jésus-Christ.

L’interprétation du Christ de Jim Caviezel m’arrachait des larmes venant du plus profond de mon cœur qui, je l’ai vite compris, battait à l’unisson avec celui de Marie la Mère de Jésus et de toutes les autres femmes représentées dans le film: Marie-Madeleine, Véronique, Claudia, les femmes qui pleuraient.

1. « Toutes choses nouvelles »

Je regardais le Christ, je marchais avec lui, je voulais nettoyer la saleté (qui en tant que femme m’ennuyait tant), qui recouvrait de plus en plus son saint visage.

Mon admiration pour la Mère du Christ grandissait alors que je réagissait, au plus profond de mon être, aux foules assoiffées de sang qui tournoyaient dans une exaltation folle tout au long du film dans leur brutalité physique et mentale envers le Christ.

Je sentais mon corps se pencher vers l’écran et je devais me retenir pour m’empêcher de soulager mon cœur. Je voulais crier les derniers mots de Simon Pierre: « Arrêtez! Vous en avez fait assez, non? Arrêtez! »

Mais la Mère de Jésus ne l’a pas fait, son Fils, la victime innocente, non plus. Lorsque Marie a réussi à s’approcher de son Fils, en suivant la logique virile des indications de Jean, elle a dit tendrement: « Je suis là! » Et lui a répondu en nous offrant le secret pour obtenir la force nécessaire pour accepter la souffrance rédemptrice: « Voici, Mère, je fais toutes choses nouvelles » (cf. Ap 21, 5).

Saint Louis Marie Grignon de Montfort a dû se réjouir à nouveau au ciel devant cette scène poignante recueillie par la réflexion spirituelle de Mel Gibson. Ne pouvons-nous pas résumer le don à Marie représenté par les armoiries du pape Jean-Paul II depuis un quart de siècle maintenant par la suggestion simple: « A Jésus par Marie »?

Le sommet de l’amour d’une mère est peut-être lorsque par une force résolue elle encourage ses enfants à accepter une souffrance que le monde ne peut comprendre mais qui s’enracine, en raison de sa valeur rédemptrice, dans le cœur ouvert du Christ.

2. Sa présence

L’un des moments où je me suis identifiée comme épouse a été lorsque Marie s’est mise à courir à travers les rues à la recherche de son Fils attaché et déjà brutalement frappé.

Alors qu’elle traversait le terrain qui l’empêchait de voir Jésus que l’on emmenait dans le cachot en contrebas, au cours de cette nuit fatidique, elle sentit immédiatement sa présence et, se penchant vers le sol, elle y posa sa joue et son cœur.

Jésus aussi savait que sa Mère était proche et, alors que les caméras tombent, sous la poussière, sur le tabernacle sale creusé au-dessous, le spectateur a le temps de voir Jésus qui tend la main dans une accolade invisible vers la femme qu’il aime. Celui devant la face duquel les « rochers fondraient comme la cire » (cf. Judith 16, 15) était séparé de sa Mère mais il y avait entre eux une unité au-delà des choses de ce monde.

De même, en tant que « sponsa Christi » je ne reçois pas la merveilleuse affection sensible qu’une épouse reçoit de son mari. La communication intérieure est donc développée, et à travers cette communication je sais que le Christ est présent en moi: chaque matin lors de l’adoration eucharistique avec ma communauté, dans chaque sainte Communion, et en accueillant chacune des personnes que mon Epoux m’envoie.

En embrassant ainsi toutes les personnes, indépendamment de leur force individuelle ou de leurs faiblesses, je sens la présence de mon Epoux et ceci fait fructifier spirituellement notre union alors que je regarde, avec lui, toute l’humanité comme ses enfants spirituels.

3. La pietà, et les prêtres

Le troisième moment que je voudrais souligner est celui qui a été immortalisé par la célèbre Pietà de Michel-Ange. Le Fils est allongé sur les genoux de sa Mère une fois encore. Même si l’Homme des Douleurs est désormais mort, je n’arrive pas à voir cette scène comme autre chose que l’Espérance Personnifiée.

En tant que femme, et en tant que sœur religieuse, cette scène m’appelle à porter, soutenir et aimer chacun des prêtres que le Père Tout Puissant place dans le rayon de l’affection de mon cœur; en définitive, tous les prêtres.

Comme la femme devient par le saint mariage, la compagne de son mari, en tant que religieuse, je deviens par ma vocation, la compagne par excellence de chaque prêtre.

Lorsque le prêtre est jeune, en bonne santé et dynamique, mon amour est là pour le soutenir par la prière, comme Marie a soutenu son Fils, de loin, comme les autres peuvent en avoir eu l’impression.

Lorsque le prêtre doit porter sa croix pour le salut du monde, je veux l’accompagner par mon rôle de co-martyre pour la fécondité des enfants de Dieu.

Et lorsqu’il est détruit, épuisé, parce qu’il a tout donné, je voudrais – à travers mes prières, mes sacrifices et mon soutien – que ce soit sur mon cœur qu’il puisse trouver le repos. Sans lui, je n’ai pas d’Epoux Eucharistique; avec lui, le Christ est donné à l’Eglise jusqu’à la fin des temps.

Dans son rôle à la Messe quotidienne, le prêtre me montre une fois encore, ce que signifie être Marie: à la naissance à Bethléem, pendant la vie publique de prédication et de guérisons de son Fils, dans le silence de la prière qui unit et, enfin, en recevant son Corps lorsque le Calvaire est accompli.

Aux côtés de l' »alter Christus », la religieuse, comme épouse, attend la résurrection promise alors qu’elle entend une voix familière au-dedans d’elle-même qui dit: « Mère, vois, je fais toutes choses nouvelles ».

Est-ce que je conseille à chacun de faire l’expérience de ce film, même à ceux qui n’ont pas de formation chrétienne ? Je réponds « oui » sans hésiter.

Toute personne est créée à l’image de Dieu et est donc « imago Dei ». Le docteur de l’Eglise saint Thomas d’Aquin affirme: « La lumière de ton visage, Seigneur, est gravée sur nous » (Somme théologique, I-II, q. 91, a.2). L’apôtre Jean nous donne un nom d’un seul mot pour désigner Dieu: « Amour ».

Nous avons été créés par amour, pour l’amour et pour recevoir et donner cet amour qui est Dieu.

Je crois que ce film a le pouvoir de résonner dans tous les cœurs car c’est la plus grande histoire d’amour. Dans la foi, je ne peux que tomber en adoration, en affirmant avec conviction : « Voici un Homme qui m’aime ».

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ZENIT Staff

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