CITE DU VATICAN, Jeudi 4 mars 2004 (ZENIT.org) – « Une bombe à retardement », c’est ainsi que le cardinal Cottier juge a posteriori la première encyclique de Jean-Paul II, programmatique, promulguée il y a vingt-cinq ans, le 4 mars 1979, et centrée sur le Christ, le Rédempteur de l’Homme, « Redemptor Hominis ».
On la trouve sur le site du Vatican à l’adresse: http://www.vatican.va/edocs/FRA0077.HTM.
Ce document était le premier d’une réflexion trinitaire: il allait être suivi par une encyclique sur le Père, « Dieu riche en miséricorde » et sur l’Esprit Saint, « qui est Seigneur et qui donne la vie ».
Le cardinal George Marie Cottier, op, théologien de la Maison pontificale depuis 1989, évoque cet anniversaire dans le quotidien catholique italien L’Avvenire. Nous traduisons de l’italien.
« A cette époque, explique-t-il, j’enseignais encore la théologie en Suisse. Je me souviens d’avoir immédiatement remarqué que ce pape présentait une très large vision des tâches de l’Eglise. En relisant ce texte aujourd’hui, on peut vraiment dire a posteriori qu’il y avait déjà dans l’encyclique tout ce qu’il devait développer par la suite ».
Le Christ proche de tout homme
Il précise: « Je pense à l’importance donnée à l’affirmation de Gaudium et Spes que le Christ est proche de tout homme et lui révèle son mystère. C’est une idée qui revient constamment dans l’enseignement de Jean-Paul II. Mais dans Redemptor Hominis, il y a déjà le thème de l’œcuménisme et du dialogue interreligieux: Assise devait venir beaucoup plus tard, mais il suffit de relire certaines pages de l’encyclique pour se rendre compte que les prémisses sont toutes là. Et puis, l’insistance sur les droits de l’homme. La mission comme perspective de l’Eglise – ce qui deviendra le thème de la nouvelle évangélisation -. Le caractère central de l’eucharistie et son lien avec le sacrement de pénitence ».
La perspective de l’an 2000
Ce qui frappe aussi, selon le cardinal Cottier, c’est que le pape parlait déjà du grand jubilé de l’an 2000: « En 1979 déjà, l’an 2000 était une ligne directrice. Ce n’était pas évident, plus de vingt ans auparavant. On peut dire que dans l’Eglise personne ne pensait encore au Jubilé. Et pourtant, c’est l’horizon que propose Jean-Paul II dès les premières pages de l’encyclique, en définissant le chemin vers l’an 200 comme un nouvel Avent. Voilà encore cette largeur de vue ».
L’affirmation personnaliste: une bombe à retardement
Parler de l’homme comme route de l’Eglise, remarque le cardinal Cottier « avait une force particulière » en 1979. « Nous ne devons pas oublier, précise-t-il, que le marxisme avait la prétention de fonder un nouvel humanisme. Il se présentait comme la création d’un homme nouveau. Le pape venu de Pologne commence son ministère en rappelant que le Christ est le chemin, et que la vie est un chemin que tout homme doit faire avec Lui, et sous Sa protection. Face à la perspective du collectivisme communiste, il fait une affirmation personnaliste. C’est une sorte de bombe à retardement: dans Redemptor Hominis, on ne trouve pas les mot « marxisme » ou « communisme », même si elle parle clairement du totalitarisme, des déportations, des droits violés. Mais c’est sur les fondements, sur l’idée que l’on a de la personne humaine, que le pape situe l’affrontement ».
Pas de bien-être pour l’homme sans une vision éthique.
« Il parle des droits de l’homme, précise le cardinal Cottier, et de la liberté religieuse, qui est l’un des droits fondamentaux. Plus tard, il soulignera le droit à la vie. Mais ici il y a déjà un autre concept fondamental; l’estime et le respect de l’homme comme fondement de l’éthique chrétienne. Ce n’est pas un hasard si, dans ses catéchèses du mercredi, Jean-Paul II parle immédiatement de la vie matrimoniale et de la famille et dit de très belles choses. Il ne peut pas y avoir de bien-être pour l’homme sans une vision éthique. C’est un itinéraire qui culminera dans Veritatis Splendor ».
L’annonce suppose le respect de l’homme non-chrétien
Du point de vue de l’héritage conciliaire de l’encyclique, le cardinal Cottier souligne surtout « quelques grands thèmes »; « Ce que le pape appelle la conscience que l’Eglise a d’elle-même, la conscience de son mystère et de la faiblesse des hommes qui en sont les membres. Ce n’est pas un hasard si sa réflexion part d’un texte central du concile, Lumen Gentium, la constitution dogmatique sur l’Eglise. Et puis, certainement l’accent mis sur la dimension personnelle et humaine de Gaudium et Spes. Sur l’Eglise, il parle déjà de façon très claire de la collégialité et du rôle des conférences épiscopales. Mais aussi sur le thème de la mission. Il reprend le concile pour dire une chose importante: l’annonce commence toujours par le respect de l’homme non chrétien. C’est une très belle observation ».
Un climat d’optimisme
Mais qu’est-ce qui n’est pas déjà là? « Le pape ne pouvait pas prévoir les surprises de l’Esprit, les problèmes qui surgissent au fur et à mesure, observe le cardinal Cottier. C’est d’ailleurs un homme qui se met continuellement à l’écoute de l’Esprit Saint. La chute du Mur de Berlin n’est pas prévue, même si, comme je l’ai dit, elle est d’une certaine façon préparée. Mais aussi le Catéchisme de l’Eglise catholique, par exemple, est une idée qui viendra ensuite, à travers la réflexion des synodes. Dans ce texte de 1979, Jean-Paul II fait une allusion à la crise post-conciliaire; il admire la façon dont elle a été affrontée par Paul VI. Mais il ne peut pas savoir que cette crise durera un certain temps et qu’il devra lui aussi intervenir dans certains domaines pour rappeler des vérités. Et il le fera. Il a certainement un regard confiant. Dans la prière finale, Marie est appelée « Mère de l’Espérance ». C’est un titre très proche de sa personnalité. Sa première parole en tant que pape avait été; « N’ayez pas peur ». Et l’encyclique Redemptor Hominis aussi nous situe dans un climat d’optimisme, elle est pleine d’encouragements ».
Dans le Christ, l’homme arrive à la pleine conscience de soi
Si il devait retenir une seule page de l’encyclique, le cardinal Cottier retiendrait, dit-il, « l’affirmation que c’est seulement dans le Christ que l’homme arrive à la pleine conscience de soi ». « C’est une vérité très importante aujourd’hui; précise-il, alors que nous devons faire face aux nouveaux problèmes de la bioéthique et aux questions liées au début et à la fin de la vie. Certes, la raison seule serait déjà capable de nous suggérer une attitude de respect. Mais savoir que, comme le pape nous le rappelle souvent, dans l’Incarnation, le Christ s’est uni à toute personne humaine, même au plus petit, cela donne à cette façon de regarder la vie une force extraordinaire ».