Lors de l’audience générale de ce mercredi, à Castel Gandolfo, Jean-Paul II a en effet poursuivi sa catéchèse sur les psaumes et les cantiques de la liturgie latine des laudes en proposant un nouveau commentaire du Ps 50, chanté aux laudes du vendredi de la IVe semaine liturgique.
Le pape introduisait ainsi sa lecture du psaume: “C’est la quatrième fois que nous écoutons, durant nos réflexions sur la Liturgie des Laudes, la proclamation du psaume 50, le célèbre Miserere. Celui-ci en effet est proposé à nouveau chaque semaine le vendredi, afin qu’il devienne une oasis de méditation, où redécouvrir le mal niché dans la conscience et invoquer du Seigneur la purification et le pardon. Comme le confesse en effet le psalmiste, dans une autre supplication, “aucun vivant n’est juste devant toi”, ô Seigneur (Ps 142,2). Dans le livre de Job, on lit: “Comment un homme peut-il se justifier devant Dieu et apparaître pur un enfant de la femme? Voilà, la lune elle-même manque de clarté et les étoiles ne sont pas pures à ses yeux: l’homme encore moins, ce ver, l’être humain, ce vermisseau” (25,4-6). Ces phrases fortes et dramatiques veulent montrer avec sérieux et gravité la limite et la fragilité de la créature humaine, sa capacité perverse de semer le mal et la violence, impureté et mensonge. Cependant, le message d’espérance du Miserere, que le psautier place sur les lèvres de David, pécheur converti, est le suivant: “Dieu peut “effacer, laver, purifier”, la faute confessée avec un cœur contrit (cf. Ps 50,2-3). Le Seigneur dit par la voix d’Isaïe: “Vos péchés seraient comme l’écarlate, ils deviendront blancs comme la neige. Seraient-ils comme la pourpre, il deviendraient comme la laine” (1,18)”.
Le pape poursuivait ensuite: “Cette fois, nous allons nous arrêter brièvement sur le final du Ps 50, un final plein d’espérance parce que le priant est conscient d’avoir été pardonné par Dieu (cf. vv. 17-21). Sa bouche peut proclamer au monde la louange du Seigneur, attestant ainsi la joie dont fait l’expérience l’âme purifiée du mal et pour cela libérée du remords (cf. v. 17).
Le priant témoigne de façon très claire d’une autre conviction, en se reliant à l’enseignement répété des prophètes (cf. Is 1,10-17; Am 5,21-25; Os 6,6): le sacrifice le plus agréé par le Seigneur comme un parfum et une odeur suave (cf. Gn 8,21), n’est pas un holocauste de taureaux et d’agneaux, mais plutôt “un cœur brisé et humilié” (Ps 50,19).
L’Imitation du Christ, texte si cher à la tradition spirituelle chrétienne, répète le même avertissement du psalmiste: “L’humble contrition des péchés est le sacrifice que tu agrées, un parfum beaucoup plus suave que la fumée de l’encens… Là toute iniquité est purifiée et lavée” (III, 52,4).
Le pape continuait: “Le psaume se conclut de façon inattendue, avec une perspective complètement différente, qui semble même contradictoire (cf. vv. 20-21). De la dernière supplication d’un seul pécheur, on passe à une prière pour la reconstruction de toute la cité de Jérusalem, ce qui nous transporte de l’époque de David, à celle de la destruction de la cité, des siècles plus tard. D’autre part, après avoir exprimé, au v. 18, le refus divin de l’immolation des animaux, le psaume annonce au v. 21 que Dieu agréera ces immolations.
Il est clair que ce passage final est un ajout postérieur, fait au temps de l’exil, qui veut, dans un certain sens, corriger ou au moins compléter la perspective du psaume davidique. Et cela sur deux points: d’une part, on n’a pas voulu que tout le psaume se réduise à une prière individuelle; il fallait penser aussi à la situation pitoyable de toute la ville. D’autre part, on a voulu relativiser le refus divin des sacrifices rituels; ce refus ne pouvait être ni complet ni définitif, parce qu’il s’agissait d’un culte prescrit par Dieu lui-même dans la Torah. Qui a complété le psaume a eu une intuition valide: il a compris la nécessité dans laquelle se trouvait les pécheurs, la nécessité d’une médiation sacrificielle. Les pécheurs ne sont pas en mesure de se purifier tout seuls; les bons sentiments ne suffisent pas. Il faut une médiation extérieure efficace. Le Nouveau Testament révèlera le sens plein de cette intuition, en montrant que par l’offrande de sa vie, le Christ a effectué une médiation sacrificielle parfaite”.
Jean-Paul II citait pour finir les interprétations des Pères de l’Eglise: “Dans ses Homélies sur Ezéchiel, saint Grégoire le Grand, a bien saisi la différence de perspective qui existe entre les vv. 19 et 21 du Miserere. Il en propose une interprétation que nous pouvons aussi recueillir, en concluant ainsi notre réflexion. Saint Grégoire appliqua le v. 19 qui parle d’esprit contrit, à l’existence terrestre de l’Eglise le v. 21 , qui parle d’holocauste, à l’Eglise dans le ciel.
Voilà les paroles du grand pontife: “La sainte Eglise a deux vies: l’une dans le temps, l’autre dans l’éternité ; une avec laquelle elle fatigue sur terre, l’autre, récompensée dans le ciel; une au cours de laquelle elle recueille des mérites, et l’autre qui jouit des mérites recueillis. Et dans l’une et l’autre vie, elle offre des sacrifices: ici-bas, le sacrifice de la componction et là-haut le sacrifice de louange. Du premier sacrifice, il est dit: “Un esprit contrit est un sacrifice à Dieu” (Ps 50, 19); du second il est écrit: “Alors, tu te plairas aux sacrifices prescrits, holocauste et oblation entière (Ps 50, 21)… Des deux côtés, on offre de la chair, parce qu’ici-bas, l’oblation de la chair est la mortification du corps, et là-haut, l’oblation de la chair est la gloire de la résurrection dans la louange de Dieu. Là-haut, on offrira la chair comme en holocauste, lorsque transformée dans l’incorruptibilité éternelle, il n’y aura plus aucun conflit, et rien de mortel, parce qu’elle perdurera, enflammée d’amour pour lui, dans la louange sans fin » (Homélie sur Ezéchiel, 2, Rome, 1993, p. 271) ».