Pour que l´Union Européenne serve la Paix

Déclaration de Justice et Paix France et Allemagne à l´occasion du 8 mai

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CITE DU VATICAN, Mercredi 8 mai 2002 (ZENIT.org) – Dans une Déclaration publiée à l´occasion du 8 mai 2002, des chrétiens français et allemands avancent six Propositions communes pour une politique européenne de paix: développer une politique extérieure sur la base des valeurs et des principes qui fondent l´identité de l´Union, accueillir de nouveaux membres dans le respect de leur identité et de leur histoire, nouer avec les pays européens non-membres un partenariat privilégié, forger les instruments de l´Europe politique, renforcer les moyens de gestion de crise de l´Union, et renforcer le contrôle parlementaire.

La déclaration est signée par Justice et paix Allemagne et Justice et Paix France, conjointement, sous le titre:
« Pour que l´Union Européenne serve la Paix ».

Chrétiens français et allemands, nous croyons que l´Union européenne, issue de la réconciliation des peuples d´Europe occidentale, a aujourd´hui un rôle fondamental à jouer pour promouvoir la paix sur le continent européen et dans le reste du monde. Notre jugement est éclairé par la tradition de l’enseignement social de l’Eglise, pour laquelle le souci de la justice et la recherche du bien commun universel doivent guider l’action des Etats dans les relations internationales.

Notre conviction procède d´abord d´une analyse des défis que l´Europe doit aujourd´hui relever dans ses relations avec le monde qui l´environne. Elle nous conduit à proposer six objectifs prioritaires pour le développement de la construction européenne.

Trois défis, six objectifs
L’Union est aujourd´hui confrontée à trois défis dans ses relations avec le monde qui l´environne : la construction de son unité politique, l´accueil des pays d´Europe centrale et orientale et l´édification d´une société internationale de justice et de paix.
L’Union européenne offre un exemple unique dans l’histoire : celui d’une communauté constituée par un nombre croissant d’Etats qui ont su dépasser librement une approche unilatérale de leurs intérêts nationaux pour définir et promouvoir un intérêt commun dans un cadre institutionnel pérenne et efficace. Ce dépassement n´est encore intervenu que dans le domaine économique et social et, plus récemment, dans celui des affaires intérieures. Mais il prémunit les pays de l´Union contre le retour des haines et des rivalités qui les avaient déchirés dans le passé et il leur a valu un gain considérable de prospérité économique et de cohésion sociale.
Un demi-siècle après les premiers traités de Rome, l’Union est aujourd’hui confrontée à trois défis :
· renforcer sa cohésion en avançant vers l´unité politique afin de mieux coordonner les forces nationales et de se doter d´une personnalité internationale capable de mettre en œuvre avec toute l´efficacité nécessaire les moyens qui lui auront été transférés par les Etats membres;
· répondre à l´offre de participation à l´œuvre commune des pays européens qui en avaient été séparés par le communisme, en soutenant dans toute la mesure du possible la demande d´adhésion de ceux d’entre eux qui en ont la volonté et la capacité politique et économique, tout en établissant des relations de coopération privilégiée avec les autres ;
· répondre aux problèmes posés par la mondialisation croissante des rapports politiques, économiques, sociaux et culturels, en proposant des formes d’interaction reflétant les valeurs qui font l´identité de l´Union européenne et qui procèdent très largement de son héritage chrétien. Cette approche s’imposera particulièrement dans les relations entre l’Union européenne et ses voisins du bassin Méditerranéen, où la coopération est aussi nécessaire que rendue difficile par l’héritage du passé et le hiatus culturel. Elle est également indispensable pour favoriser la construction d´un ordre mondial de paix et de justice.
Face à ces défis, six objectifs prioritaires doivent orienter l´action de l´Europe dans le monde :
· développer une politique extérieure sur la base des valeurs et des principes qui fondent l´identité de l´Union,
· accueillir de nouveaux membres dans le respect de leur identité et de leur histoire,
· nouer avec les pays européens non-membres un partenariat privilégié,
· forger les instruments de l´Europe politique,
· renforcer les moyens de gestion de crise de l´Union,
· renforcer le contrôle parlementaire.

Développer une politique extérieure sur la base des valeurs et des principes qui fondent l´identité de l´Union

Une politique extérieure cohérente avec l’identité de l’Union
L´identité de l´Union européenne repose sur des valeurs qui viennent d´être explicitées et reconnues dans la Charte des droits fondamentaux. L´Union est par ailleurs le produit d´une approche originale des relations internationales, fondée sur le dialogue, le refus des solutions de force et la recherche de l´intérêt commun.
L´action extérieure de l’Union doit être cohérente avec cette identité et ces principes. Si tel n´était pas le cas, l´identité de l´Union serait affaiblie et son action extérieure décrédibilisée. Les valeurs qui fondent l´identité de l´Union et le type de relations entre les peuples qu´elle a instauré en son sein sont en outre en harmonie avec les exigences de solidarité, de partage et de respect des droits de la personne qui se font entendre dans le monde contemporain. L’Union a donc naturellement vocation à poursuivre une politique étrangère visant à répondre à ces exigences.
Transposés dans le domaine des relations internationales, les valeurs et les principes qui guident la construction européenne imposent à l´Union de développer une politique de prévention des conflits armés qui accroisse les perspectives de paix durable dans le monde. Il lui appartient de contribuer à l´établissement d´un ordre économique plus juste et de rechercher des solutions multilatérales aux grands problèmes mondiaux (que ce soit dans le domaine de l’environnement, du désarmement, de la régulation des marchés, ou de la punition des crimes de masse). Lorsqu´elle travaille à renforcer le droit international et qu’elle conforte l’autorité des Nations unies, l´Union est fidèle à ses valeurs et principes fondateurs.
En conséquence, l’intérêt collectif européen, tout comme l´intérêt national des pays de l´Union ne peuvent qu´être subordonnés au souci du bien commun d’une société internationale à construire, objectif auquel l’Eglise invite les chrétiens à travailler (notamment depuis Jean XXIII dans Pacem in Terris, 1963).
L’Union, médiation régionale permettant de réguler la mondialisation, a vocation à contribuer à la maîtrise de la mondialisation à l’échelle planétaire. Or cette maîtrise est un facteur fondamental de prévention des conflits à long terme.
Son identité et l´expérience de ses pays membres donnent enfin à l’Union la capacité de parler d´une seule voix et d´agir de manière autonome pour la recherche de solutions à certaines crises, comme dans les Balkans ou au Proche-Orient.
L´Union européenne est ainsi logiquement appelée à assumer les responsabilités d´une puissance au service de la justice dans les relations internationales.
Dans cette perspective, les rapports de l’Union avec le reste du monde doivent être fondés sur l’ouverture, le dialogue et la coopération.

Refuser l’antagonisme des civilisations
Dans les circonstances actuelles, il paraît particulièrement important de s’opposer aux tendances qui prétendent qu’il existe par nature un antagonisme entre les religions ou les civilisations. Les pays de l´Union européenne ont connu assez de guerres de religion dans leur histoire pour savoir les dangers que comportent tous les extrémismes r
eligieux. Nous croyons en particulier qu’un dialogue est non seulement possible entre l’Union européenne et le monde arabe et islamique, mais qu’il doit être un des éléments essentiels pour désamorcer les tensions, aux causes multiples, qu’utilisent certains groupes pour faire appel à la violence terroriste. Ce dialogue doit avoir une dimension éthique. Il doit montrer comment des communautés aux héritages religieux différents peuvent coopérer pour le bien commun de l´humanité. Il doit avoir également une dimension politique, économique, sociale et culturelle.
A cet égard, il semble que l’Union n’ait pas suffisamment exploité le potentiel du processus de Barcelone. Réunissant des pays qui, presque tous, accueillent de fortes communautés immigrées issues des rives sud et est de la Méditerranée, l’Union doit établir avec le monde musulman des relations d’interaction fondées sur la compréhension et la confiance, malgré le legs difficile du passé colonial de certains de ses membres.
En raison même du caractère complémentaire de leurs expériences historiques de rencontre avec le monde arabo-musulman, la France et l´Allemagne pourraient jouer un rôle moteur dans l´instauration de telles relations. Nous estimons qu’une approche franco-allemande de certains problèmes du Maghreb, de la Turquie ou du monde iranien serait particulièrement fructueuse. Plus généralement, l’établissement d’un climat de confiance entre l’Union et les pays du sud de la Méditerranée dépendra de leur capacité commune à assurer l´insertion et l´intégration des migrants tout en mettant en oeuvre une politique efficace de coopération pour le développement.
Vis-à-vis des populations musulmanes de l’extérieur ou de l’intérieur, l’Union ne devra pas craindre d’affirmer que, pour elle, la légitimité des formes d´organisation politique et sociale repose sur le respect, la protection et la mise en ouevre des droits de la personne. Les principes de neutralité de l´Etat à l´égard des religions et de démocratie servent cette fin. Ce sont donc des principes fondamentaux qu´il convient de promouvoir de manière universelle dans les relations entre les communautés humaines. La conciliation de l´identité religieuse de chacun avec le droit pour tous de vivre selon d´autres convictions religieuses et philosophiques n´est possible que dans le cadre d´une constitution démocratique qui respecte et garantit le droit de tout citoyen à la liberté religieuse. Seule une telle constitution peut permettre d´empêcher que la diversité religieuse n´entraîne inévitablement des affrontements violents entre des groupes sociaux. Dans cette perspective, nous soulignons les dangers des idéologies qui considèrent que la religion doit être le principe exclusif de l´organisation politique et vont jusqu´à préconiser le recours à la violence pour y parvenir.
La grave crise du Proche Orient est pour partie le reflet de conflits religieux et plus particulièrement d´affrontements dus à l´extrémisme religieux et au nationalisme. Les multiples imbrications des questions religieuses et politiques dans cette région compliquent la recherche d´une solution acceptable par les deux parties.
Dans cette situation, le couple franco-allemand pourrait utiliser l´expérience de chacun des partenaires auprès des différents acteurs pour s’impliquer davantage dans la recherche d’une solution au conflit israélo-palestinien. Dans ce cadre, une politique commune de la France et de l´Allemagne doit d´abord viser à maintenir le dialogue avec les parties, en particulier aussi longtemps que des négociations directes entre elles n´offriront que peu de perspectives de succès. La France et l´Allemagne devraient agir à cette occasion en étroite concertation et tout faire pour convaincre les responsables sur place que la poursuite des violences ne pourrait que compliquer encore la solution du conflit. Il conviendra d´insister sur la voie alternative qu´ouvrent les perspectives de paix tracées par les décisions des Nations Unies et les propositions de la communauté internationale ainsi que du Vatican. Les éléments indispensables de tout règlement sont la reconnaissance et la garantie du droit à l´existence d´Israël dans des frontières sûres, le retrait d´Israël des territoires occupés et la création pour les Palestiniens d´un Etat viable qui leur soit propre. Les Israëliens comme les Palestiniens doivent avoir l´assurance qu´un règlement de paix les délivrera du souci de voir leur existence menacée pour un temps indéterminé. Ce qui implique tout particulièrement une solution du problème des réfugiés acceptable pour les deux parties qui mettrait fin à l´absence de perspectives dans laquelle sont contraints de vivre depuis plusieurs dizaines d´années les habitants des actuels camps de réfugiés. Il est de même indispensable que soient prises des mesures effectives pour empêcher que les violences terroristes qui visent tout particulièrement les populations civiles ne fassent sans cesse de nouvelles victimes.
La France et l´Allemagne ont en outre une responsabilité particulière pour maîtriser l´impact en Europe du conflit de Palestine et pour empêcher qu´il ne déclenche une nouvelle vague d´antisémitisme et de violences contre les communautés juives.

Accueillir de nouveaux membres, dans le respect de leur identité et de leur histoire
Le processus d’élargissement apporte une contribution essentielle à la paix en Europe, comparable à celle des premiers pas de la construction européenne après la Seconde Guerre mondiale. Cette tâche historique de pacification de l’Europe, les pays de l’Union ne peuvent s’y soustraire, malgré les sacrifices qu’elle peut exiger : la révision de la PAC et la redistribution des Fonds structurels, notamment, seront douloureuses.
L’élargissement doit être un « échange de dons » entre Européens de l´Est et de l´Ouest. Il ne doit donc pas viser seulement à ce que les pays d’Europe centrale et orientale adoptent des modèles de coopération et un « acquis communautaire » élaborés à l’Ouest. La reconnaissance de l’autre avec ses différences doit être partie intégrante du processus d’élargissement et trouver sa traduction concrète dans des transformations de l’Union. Une telle ouverture serait cohérente avec l’identité de l’actuelle Europe des Quinze qui, tout en se fondant sur des valeurs communes, tente de se construire dans le respect des cultures nationales. L´Europe de l´Ouest se doit en particulier de respecter et de faire fructifier l´héritage spirituel de la résistance des nations de l´Est au communisme, ainsi que les valeurs spécifiques qu´elles ont développées au cours de cette période. De ce point de vue, il y a beaucoup de leçons à tirer de l´expérience de l´unification allemande.
Il ne faut pas oublier enfin que les blessures de l´histoire et plus particulièrement de la Seconde Guerre mondiale sont restées beaucoup plus vives à l´Est qu´à l´Ouest. L´élargissement a donc une dimension essentielle de réconciliation.

Nouer avec les pays européens non membres un partenariat privilégié
Avec les pays pour lesquels une adhésion rapide n´est ni de leur intérêt ni de celui de l´Union, des solidarités de toute nature doivent être développées afin qu’ils soient parties prenantes d’un processus global de transformation du continent.
Avec la Russie, l´Union doit chercher à renforcer des relations économiques, sociales et culturelles détériorées par la guerre et le communisme. La Russie et les pays de l´Union européenne doivent faire davantage fructifier l´héritage de valeurs, notamment religieuses, qui leur est commun.
L´Union est en mesure de faire bénéficier la Russie de son expérience et de ses succès, notamment en matière d´organisation politique, administrative, économique et sociale. En retour, peuvent provenir de Russie (et tout particulièrement de sa
société civile) des témoignages de solidarité et de résistance spirituelle sous un régime totalitaire. L´Union européenne et la Russie exercent en outre une responsabilité particulière dans l´organisation politique et la sécurité du continent européen.
Le dialogue avec la Russie ne saurait pour autant être complaisant. A son égard, comme avec ses autres partenaires, l´Union doit faire entendre sa conception exigeante de la démocratie. Elle doit s´engager plus activement dans la recherche d´une solution politique au conflit de Tchétchénie. La lutte contre le terrorisme ne saurait justifier des violations flagrantes et massives des droits de la personne qui constituent à terme une menace pour la sécurité du continent. Il convient par ailleurs, dans le dialogue avec la Russie, de ne pas céder à la tentation de passer avec elle, selon une tradition aux conséquences historiques tragiques, des accords touchant les intérêts des pays d´Europe centrale sans la participation de ces derniers à égalité de droits. C´est dans ce contexte également que nous plaçons de grands espoirs dans l´élargissement de l´Union.
Avec l´Ukraine, le dialogue est de même à approfondir, notamment pour accompagner ce pays dans la voie des réformes politiques et économiques. Quant à la Biélorussie, dont la situation intérieure donne lieu à beaucoup d´inquiétudes, des moyens doivent être trouvés pour faciliter et encourager son ouverture à des réformes politiques substantielles.
Dans le même temps, une approche franco-allemande des relations avec la Russie et l´Ukraine, complétée par un dialogue privilégié avec la Pologne, rendrait plus efficace l´action de l´Union européenne.

Forger les instruments de l´Europe politique
Pour être l’instrument d’un nouveau mode de relations entre les Etats, l’Union a besoin d’une cohérence forte à l’intérieur et des moyens de l’affirmer à l’extérieur. L’élaboration et la mise en œuvre des instruments qui lui permettront de jouer ce rôle, qui englobe la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) mais ne s’y réduit pas, supposent de définir clairement et explicitement un intérêt collectif européen. Dans la pratique, on constate que le sentiment de cet intérêt collectif n’est pas assez développé : insuffisance qui est à la fois la cause et la conséquence du fait que les Etats membres continuent de poursuivre leurs intérêts nationaux, aux dépens de la visibilité et de l’efficacité de l’action de l’Union.
Pour pouvoir peser dans la configuration des relations internationales et dans la résolution des conflits, l’Union doit agir comme un acteur international unique, ce qui suppose une PESC plus cohérente et conséquente que celle qui est menée à présent, même si des progrès ont été constatés ces dernières années. Trop souvent encore, les pays membres de l´Union hésitent à mettre en commun leurs moyens d’action dans le domaine de la PESC. On le voit par exemple aux Nations unies, où la France et le Royaume Uni ne donnent pas de dimension européenne à leur action au sein du Conseil de sécurité.
Les récentes initiatives du Royaume Uni, de la France et de l´Allemagne dans la crise d´Afghanistan constituent un autre exemple de cette préférence pour l´action nationale. Des mécanismes ont été conçus pour faire émerger la voix de l’Europe dans les relations internationales : l’institution du Haut Représentant pour la PESC va dans le bon sens, mais il manque d´autorité et d´influence au sein d´un dispositif institutionnel complexe où interviennent également le Commissaire aux relations extérieures et la présidence en exercice de l´Union, sans répartition claire des tâches.

Renforcer les moyens de gestion de crise de l´Union
L’Union doit avoir les moyens de peser dans les crises internationales en même temps qu’elle y intervient comme un acteur de type nouveau. Ceci exige qu’elle dispose d’une panoplie complète de moyens : aux instruments diplomatiques et économiques traditionnels, elle doit ajouter d’importants moyens (militaires et non-militaires) de gestion des crises.
Par instruments non-militaires, l’on entend toute la gamme des moyens qui doivent être mis en œuvre dans des régions comme le Kosovo ou la Bosnie, où la tâche de la communauté internationale est à la fois de faire observer un cessez-le-feu, de reconstruire le pays, d´établir des institutions, de maintenir l’ordre, de réformer l’économie, d’apporter des secours humanitaires, etc. Tout cela demande, outre d’importantes ressources financières, de gros moyens en personnels spécialisés (policiers, administrateurs, juges, formateurs en droits de l’homme, observateurs électoraux, etc.).
Cependant, l’Union ne sera pleinement efficace et crédible face aux crises et elle ne pourra peser significativement sur leur règlement politique que si elle dispose de moyens militaires adaptés pour empêcher une escalade dans le recours à la force ou y mettre un terme. Une des manifestations de l’Union politique de l’Europe réside dans sa capacité à défendre son propre territoire.
S’agissant de l’intervention dans les crises, la décision de certains pays européens d´intervenir militairement aux côtés des Etats-Unis en Afghanistan s´explique principalement par leur volonté d’être présents à la table de négociation sur l’avenir du pays et la sécurité dans la région. Il est symptomatique de l´état d’inachèvement de la construction européenne que ces décisions aient été strictement nationales.
La spécificité de la démarche de l´Union européenne face aux crises et aux conflits nécessite qu´elle acquière une capacité militaire de décision et d´action en vue des situations où, face à une crise, les Nations Unies jugeraient qu´une intervention est nécessaire. L’accélération du désengagement américain d’Europe qui a suivi les attentats du 11 septembre lui imposera d´ailleurs de compter davantage sur ses propres forces pour garantir la stabilité dans son environnement immédiat (Balkans notamment).
L’emploi de la violence, même pour s’opposer à un plus grand mal, est toujours un mal. On ne peut nier qu’il existe une certaine contradiction entre la logique ami/ennemi qu’implique l’usage de la force et les rapports de coopération que l’Union s’attachera à développer dans ses relations avec le reste du monde. Le recours à la violence pose en outre un problème fondamental, dans la mesure où il peut déclencher une dynamique propre et débouche de ce fait trop facilement, comme le montre l´expérience, sur un excès dans l´usage de la force. C´est pourquoi l´exigence morale première est d´empêcher, par une politique de prévention et en particulier par l´établissement de relations de coopération dans des domaines multiples, que la question même de l´intervention militaire puisse se poser.
Si l’emploi de la force armée devait toutefois apparaître inévitable, il ne devrait se faire que sous des conditions strictes :
· Avoir une raison morale grave pour intervenir : rechercher uniquement l’élimination de la cause de la menace (agressions de diverses formes, violations extrêmes et massives des droits de la personne) et définir avec clarté les objectifs qui en découlent pour l´action ;
· Respecter le cadre de la légalité internationale ;
· S’assurer qu’aucun moyen moins violent n’est susceptible d’atteindre le résultat visé et qu´existe une probabilité suffisante d´y parvenir avec un emploi limité de moyens militaires. Les exigences de protection des populations civiles et de proportionnalité ne s´imposent pas seulement aux forces de l´Union européenne mais doivent aussi être respectées par tous ceux qui agissent en commun avec elle ;
· Estimer que les dommages prévisibles ne seront pas plus grands que le mal que l’on cherche à endiguer ;
· Atténuer dans tous leurs aspec
ts les conséquences humanitaires prévisibles de l´emploi de la force ;
· Disposer, pour la période suivant l´intervention armée, d´un projet politique destiné à empêcher le renouvellement d´une situation d´injustice ou de menace graves. En conséquence, il convient d´accorder la plus grande attention à la tâche de reconstruction après la phase violente du conflit. C´est dans ce domaine en effet qu´il est possible de contribuer de manière importante à la prévention de futures violences.
Nous serons tout particulièrement attentifs aux efforts de toute nature, diplomatique, économique, humanitaire, etc., que déploiera l’Union pour la prévention des conflits.
En tant que chrétiens, nous insistons pour que, dans le processus de développement de ses instruments de gestion des crises, l’Union accorde la priorité à l´élaboration et au renforcement d´outils et de méthodes lui permettant de transformer, par des moyens non militaires, les dangers inhérents aux conflits et d´empêcher leur évolution vers des affrontements violents. Nous souhaitons donc l´instauration de formes de service volontaire civil pour la paix dans le cadre de l’Union. Manifestation d´un engagement prioritaire de l´Union en faveur de la résolution pacifique des conflits, ces volontaires pourraient être déployés en fonction de leur qualification en appui à des missions d´aide au développement ou de gestion des crises (missions d’observation de l’ONU ou de l’OSCE, etc.) tant à l’intérieur qu´à l´extérieur du territoire des Etats-membres. Ils pourraient participer à l´effort de défense civile dont la nécessité a été mise en lumière par les attentats du 11 septembre.

Renforcer le contrôle parlementaire
L’Union ne peut avoir d’action extérieure solide que si celle-ci est sous-tendue par l’adhésion des citoyens européens, laquelle s’exprime par la voix de leurs parlements, conformément au modèle de démocratie accepté dans l’Union. Or, on constate actuellement dans la pratique que l’action extérieure de l’Union échappe plus encore que celle des Etats aux mécanismes de contrôle de la démocratie représentative. Un renforcement du débat public et du contrôle parlementaire est donc nécessaire, en particulier en ce qui concerne l´ampleur et la nature des engagements militaires. Dans la mesure où la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) reste de nature intergouvernementale, son contrôle démocratique relève principalement des parlements nationaux.

Mais parce que les actions de gestion de crises menées par l’Union nécessitent une combinaison de moyens nationaux et communautaires, une intervention du Parlement européen, d´ailleurs prévue par les traités, est également nécessaire. Des formules nouvelles de coopération entre les parlements nationaux et le Parlement européen doivent donc se développer dans ce domaine. Plus généralement, le passage de l’action extérieure du plan des Etats au plan de l’Union doit d’accompagner d’un renforcement du contrôle parlementaire à la fois national et européen.

Berlin, Paris, 8 mai 2002
Justice et Paix-France
Justice et Paix-Allemagne

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ZENIT Staff

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