CITE DU VATICAN, Mercredi 20 février 2002 (ZENIT.org) – « Les agacements réciproques soulignent l´urgence de l´unité »: au lendemain de la transformation des administrations apostoliques de Russie en diocèses – et des protestations du patriarcat de Moscou -, le P. Christian Forster, secrétaire de la Commission épiscopale française pour l´unité des chrétiens explique l´enjeu à Zenit. Le P. Forster indique aussi comment vivre au quotidien l´oecuménisme tel que Vatican II y invite les fidèles. Il rappelle l´importance de la prière commune pour l´unité.
– Le Saint-Siège a annoncé la semaine passée la création de quatre évêchés en Russie (à Moscou, à Novossibirsk, à Irkoutsk, à Saratov): de quoi s´agit-il?
L´Eglise catholique a expliqué que c´était la logique, pour les administrations apostoliques, créées après la chute du communisme et l´ouverture de la Russie, de devenir des diocèses.
Dans cette affaire, il faut essayer de présenter les choses équitablement.
Ces diocèses nouveaux correspondent à l´origine, à l´existence de catholiques déportés en Russie durant la seconde guerre mondiale, ils n´ont pas décidé de s´implanter en territoire non traditionnellement catholique.
En Europe de l´Ouest (Angleterre, Allemagne, Italie) et particulièrement en France, il y a des chrétiens orthodoxes depuis plus ou moins longtemps. Selon les origines certaines communautés (arméniens) se sont implantées depuis le 17e s. d´autres, (grecs et russes) essentiellement à partir des bouleversements de la première guerre mondiale (la paroisse russe de Nice est antérieure) ; des chrétiens de Roumanie (première paroisse à Paris en 1853) et plus récemment des serbes, quelques bulgares et géorgiens sont également présents en France.
Ces chrétiens ont formé des paroisses avec des prêtres et se sont organisés ; certaines de ces communautés ont, depuis longtemps, des évêques, d´autres depuis plus récemment.
Ainsi, en France, on n´oubliera pas qu´il y a 9 évêques orthodoxes et un arménien apostolique résidant à Paris, d´autres à Lyon, Marseille et Nice, mais aucun d´entre eux ne porte le titre d´évêque de ces villes. Leurs titres sont référés à l´Europe occidentale, ou Centrale, ou à tel pays, l´évêque serbe a le titre d´administrateur.
Les évêques orthodoxes sont organisés en France en Assemblée des évêques orthodoxes de France (depuis 1997).
Certains sont membres du Conseil d´Eglises chrétiennes en France, le Métropolite orthodoxe grec est l´un des trois co-présidents actuels.
Ces Eglises qui sont nées largement à cause des événements historiques, comme les Eglises catholiques en Russie, ont aussi des monastères, leurs chrétiens sont accueillis fraternellement dans des églises catholiques quand le besoin s´en fait sentir, et elles se développent librement (150 lieux de culte) ; nombre de leurs membres et même de leurs prêtres sont d´origine locale.
La question qui est en cause en Russie est celle de « territoire canonique » qui implique qu´aucune Eglise autre qu´orthodoxe ne s´implante sur un territoire de tradition orientale.
Le porte-parole du Vatican a fait remarquer que l´Eglise catholique, moins sensible à cette question territoriale, appliquait, en l´occurrence, les mêmes critères que le patriarcat de Moscou. C´est ce que nous avons explicité sur les exemples précédents concernant l´ensemble des Eglises orthodoxes en France.
On notera que les diocèses catholiques en Russie ne portent pas, eux non plus, le nom des villes ou des territoires sur lesquels ils se trouvent, mais ceux de la Mère de Dieu (à Moscou) de saint Clément (à Saratov), de la Transfiguration (à Novossibirsk) et de Saint Joseph (à Irkoutsk).
Il s´agit, par là, de respecter l´ecclésiologie orthodoxe aussi bien que catholique, pour lesquelles il ne peut y avoir qu´un évêque dans une Eglise locale.
Le fait de juger inamicale l´évolution des administrations apostoliques en diocèses en terre orthodoxe peut surprendre quand des évêques orthodoxes sont ordonnés en France en présence d´évêques catholiques fraternellement invités (1998).
La situation inadéquate aussi bien en France qu´en Russie, souligne, une fois de plus les contradictions auxquelles sont entraînés les chrétiens à cause de leur désunion.
Tant qu´il en sera ainsi, chaque Eglise se sentira mal à l´aise à l´égard de l´autre. Il est, en effet, de la nature missionnaire des Eglises de se développer .
Sur la base de la liberté religieuse des personnes, il est inévitable que des gens soient attirés par l´une plutôt que par l´autre et cela devrait pouvoir être vécu sans dénoncer une concurrence détestable, comme y invite la Charte oecuménique européenne. Les agacements réciproques soulignent l´urgence de l´unité.
– Une chaîne de télévision française, se faisant l´écho de ces difficultés a parlé des Eglises catholique et orthodoxe comme de « soeurs ennemies » ? Est-ce juste ?
Sûrement non. Qu´elles se comprennent encore mal, c´est souvent vrai, pour des raisons théologiques, historiques et culturelles. Qu´elles aient des différends à résoudre c´est encore une évidence. Mais de récentes démarches du pape sont allées dans le sens d´un apaisement des rancoeurs historiques (Roumanie, Grèce, Syrie) et, par ailleurs, de nombreux contacts existent. Au Moyen Orient, le Conseil d´Eglises chrétiennes est en place depuis 25 ans, il fonctionne bien et de manière efficace.
Le dialogue avec les Catholiques est très positif aux USA. Il est également bon en France depuis longtemps, même si les problèmes ne sont pas tous résolus.
Au plan international, le dialogue catholique – orthodoxe existe depuis 1980 et a permis de débattre de sujets importants. En 1993, à Balamand (Liban), des bases solides ont été posées pour le dépassement de la question épineuse des Eglises unies (uniatisme). Mais la mauvaise réception du document de Balamand a tendu les relations jusqu´à ce jour. Un patient travail à ce sujet se poursuit en France.
L´encyclique « Ut Unum Sint » de Jean-Paul II en 1995 a rappelé la force du lien entre les deux Eglises considérées comme soeurs et tous les efforts nécessaires seront faits, sans doute de part et d´autre, pour dépasser les problèmes qui les tiennent éloignées. Bien des voix orthodoxes autorisées, tout en demeurant critiques à l´égard de l´Eglise catholique ouvrent des voies qui permettent d´envisager un avenir plus paisible.
– Comment les fidèles peuvent-ils concrètement vivre de l´esprit de Vatican II pour ce qui est des relations oecuméniques?
Pour que les catholiques vivent de l´esprit de Vatican II, on ne peut que les inviter au dialogue sincère, fraternel et cependant critique. Il convient de se fixer sur la vérité du Christ, de rechercher ensemble, en vérifiant les exégèses que nous faisons les uns et les autres de sa Parole, qui fondent nos convictions et les arguments que nous avançons.
Nous devons formuler, de part et d´autre, les demandes de pardon qui s´imposent à cause de l´histoire passée, mais aussi accepter celles qui sont sincèrement offertes, et renoncer, en tout cas, à instrumentaliser l´histoire pour refuser les progrès possibles aujourd´hui. C´est en ce sens que la Charte oecuménique invite tous les chrétiens à revisiter ensemble l´histoire de leurs relations.
Il reste beaucoup à faire pour nous connaître vraiment bien les uns les autres. La prière commune, celle que l´on construit ensemble mais aussi celle des uns à laquelle les autres sont conviés, dans toutes les occasions qui se présentent, y contribue grandement. La prière commune pour l´unité nous rappelle aussi que c´est un don à recevoir de la Trinité qui en est la source
et le modèle.