CITE DU VATICAN, Mercredi 20 février 2002 (ZENIT.org) – Le pape Jean-Paul II a prononcé l´homélie suivante lors de la Célébration pénitentielle du Mercredi des Cendres dans la basilique Sainte-Sabine. Seul le Christ peut transformer en « moment favorable » ces temps d´une humanité bouleversée par la haine et les divisions, affirme Jean-Paul II.
Le mercredi 13 février après-midi, Jean-Paul II a présidé la célébration pénitentielle du Mercredi des Cendres, dans la basilique romaine Sainte-Sabine sur l´Aventin à Rome, inaugurant ainsi le début du Carême.
– Homélie de Jean-Paul II –
1. « Déchirez votre coeur, et non vos vêtements, revenez à Yahvé, votre Dieu, car il est tendresse et pitié » (Jl 2, 13).
Avec ces paroles du prophète Joël, la liturgie d´aujourd´hui nous introduit dans le Carême. Elle nous indique dans la conversion du coeur la dimension fondamentale du temps de grâce particulier que nous nous apprêtons à vivre. Elle suggère également la motivation profonde qui nous rend capables de nous remettre en chemin vers Dieu: c´est la conscience renouvelée que le Seigneur est miséricordieux et que chaque homme est un fils aimé par Lui et appelé à la conversion.
Avec une grande richesse symbolique, le texte prophétique qui vient d´être proclamé rappelle que l´engagement spirituel doit être traduit en choix et en gestes concrets, que l´authentique conversion ne doit pas se réduire à des formes extérieures ou à de vagues propositions, mais qu´elle exige la participation et la transformation de l´existence tout entière.
L´exhortation « revenez à Yahvé votre Dieu » implique le détachement de ce qui nous retient loin de Lui. Ce détachement constitue le point de départ nécessaire pour renouer avec Dieu l´alliance brisée à cause du péché.
2. « Nous vous en supplions au nom du Christ: laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2 Co 5, 20). L´invitation pressante à la réconciliation avec Dieu est présente également dans le passage de la seconde Epître aux Corinthiens que nous venons d´écouter.
La référence au Christ, placé au centre du récit, suggère qu´en Lui, la possibilité est donnée au pécheur d´une authentique réconciliation. En effet, « Celui qui n´avait pas connu le péché, Il l´a fait péché pour nous, afin qu´en lui nous devenions justice de Dieu » (2 Co 5, 21). Seul le Christ peut transformer la situation de péché en situation de grâce. Lui seul peut transformer en « moment favorable » les temps d´une humanité submergée et bouleversée par le péché, ravagée par les divisions et par la haine. « Car c´est lui qui est notre paix, lui qui des deux peuples n´en a fait qu´un, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant en sa chair la haine […] pour faire la paix et les réconcilier avec Dieu tous deux en un seul Corps, par la Croix » (Ep 2, 14.16a).
C´est aujourd´hui le moment favorable! Un moment qui nous est offert à nous aussi, qui entreprenons aujourd´hui avec un esprit de pénitence l´austère itinéraire quadragésimal.
3. « Revenez à moi de tout votre coeur, dans le jeûne, les pleurs et les cris de deuil » (Jl 2, 12).
La liturgie du Mercredi des Cendres, dans la bouche du prophète Joël, exhorte à la conversion personnes âgées, femmes et hommes adultes, jeunes, enfants. Nous devons tous demander pardon au Seigneur pour nous et pour les autres (cf. Ibid. 2, 16-17).
Très chers frères et soeurs, suivant la tradition des stations du Carême, nous sommes réunis aujourd´hui ici, dans l´antique Basilique Sainte-Sabine, pour répondre à cet appel urgent. Nous aussi, comme les contemporains du prophète, avons devant les yeux et portons gravées dans l´âme les images de souffrances et de tragédies inhumaines, qui sont souvent le fruit d´égoïsmes irresponsables. Nous aussi ressentons le poids de l´égarement de tant d´hommes et de femmes face à la douleur des innocents et aux contradictions de l´humanité d´aujourd´hui. Nous avons besoin de l´aide du Seigneur pour retrouver notre confiance et la joie de vivre. Nous devons retourner à Lui, qui nous ouvre aujourd´hui la porte de son coeur, riche de bonté et de miséricorde.
4. Au centre de l´attention de la célébration liturgique d´aujourd´hui, il y a un geste symbolique, illustré à juste titre par les paroles qui l´accompagnent. Il s´agit de l´imposition des cendres, dont la signification, qui évoque fortement la condition humaine, est soulignée par la première formule prévue par le rite: « Car tu es poussière et tu retourneras à la poussière » (Gn 3, 19). Ces paroles, tirées du Livre de la Genèse, rappellent la caducité de l´existence et invitent à considérer la vanité de chaque projet terrestre, lorsque l´homme ne fonde pas son expérience sur le Seigneur. La seconde formule que le rite prévoit: « Convertissez-vous et croyez à l´Evangile » (Mc 1, 15), indique la condition indispensable pour se mettre en chemin sur la voie de la vie chrétienne: il faut pour cela un réel changement intérieur et l´adhésion confiante à la parole du Christ.
La liturgie d´aujourd´hui peut donc être considérée dans une certaine mesure comme une « liturgie de mort », qui renvoie au Vendredi Saint, au cours duquel le rite d´aujourd´hui trouve son plein accomplissement. C´est en effet dans Celui qui « s´humilia plus encore obéissant jusqu´à la mort et à la mort sur une croix » (Ph 2, 8), que nous aussi, devons nous anéantir nous-mêmes pour renaître à la vie éternelle.
5. Ecoutons l´invitation que le Seigneur nous adresse à travers les gestes et les paroles, intenses et austères, de la liturgie de ce Mercredi des Cendres! Nous l´accueillons avec l´attitude humble et confiante, que nous propose le Psalmiste: « Contre toi, toi seul j´ai péché, ce qui est coupable à tes yeux, je l´ai fait ». Et encore: « Dieu, crée pour moi un coeur pur, restaure en ma poitrine un esprit ferme… » (cf. Ps 50).
Que le temps de Carême soit pour tous une expérience renouvelée de conversion et de profonde réconciliation avec Dieu, avec nous-mêmes et avec nos frères. Que nous l´obtienne la Vierge des Douleurs que, le long de l´itinéraire quadragésimal, nous contemplons unie à la souffrance et à la passion rédemptrice du Fils.
© L´Osservatore Romano