G 8: Une taxe sur les exportations d´armes? Mobiliser l´opinion publique

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Michel Camdessus préconise la « lutte contre la guerre »

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ROME, Mercredi 18 juillet (Zenit.org) – Nous poursuivons notre traduction de l´entrevue avec M. Camdessus. L´économiste préconise en particulier la « lutte contre la guerre », la perception d´une taxe, en faveur des pauvres, sur les exportations d´armes, plutôt qu´une « illusoire » taxe Tobin. Pour ce qui est des réformes des institutions, il suggère:
-la création d´un organisme pour l´environnement,
-de donner au Bureau international du travail le pouvoir poursuivre les violations de la protection sociale,
-de se doter de moyens pour « humaniser les migrations »,
-et enfin, la création d´un organisme représentant les pays pauvres avec les « Huit », un « G 24 ». « Le G 8, dit-il, ne peut décider des problèmes du monde parce qu´il n´est pas représentatif… »

Q. – Est-ce que l´on ne devra pas aussi mettre la main à la réforme des grandes institutions internationales comme le Fonds monétaire ou la Banque mondiale?

R. – Certainement. Pour ce qui concerne ces organismes, la réforme est déjà en route. J´inviterais le G 8 à se consacrer un peu à son achèvement. Mais cette réforme, dans un esprit constructif, comme le dit le pape dans son appel, doit aller beaucoup plus loin. Ce sont des institutions créées en 1945, et elles ne correspondent plus aux besoins actuels. A cette époque, le mot « environnement », n´existait pas, l´émigration n´était absolument pas ce phénomène que nous connaissons aujourd´hui. Nous devons par conséquent revoir la structure et la composition de cet archipel d´institutions, pour les faire vraiment correspondre aux besoins d´aujourd´hui.

Q. – Comment mette en oeuvre cette réforme?

R. – Je note trois aspects cruciaux. Le premier, c´est l´environnement, déjà cité: il faut une institution dotée d´un statut, d´une dimension et d´une force comparables à ceux du FMI. Je pense en outre au travail et à la nécessité de donner au Bureau international du travail la tâche et le pouvoir de dénoncer et de poursuivre les violations des critères de protection sociale fixés à Genève. Il y a ensuite, certainement, la nécessité de se doter de moyens beaucoup plus forts pour humaniser les migrations: l´approche policière est aussi injuste qu´inutile. Il y a donc tout un champ d´action qui doit être ouvert et que le G 8 devrait mettre à l´ordre du jour. Mais il faut aller encore plus loin. Lorsque le pape nous a dit qu´il faut écouter le cri des peuples les plus pauvres, cela implique aussi que le G 8 doit se demander s´il ne faut pas donner le jour à une institution dans laquelle les 8 eux-mêmes siègent avec les représentants légitimes des peuples les plus pauvres. Le G 8 ne peut décider des problèmes du monde parce qu´il n´est pas représentatif…

Q. – A Gênes est prévue la présence des présidents du Salvador et d´autres pays représentant les pays les plus pauvres…

R. – Il faut aller au-delà d´un épisode particulier, qui ne peut être que symbolique. Je dis quelque chose de difficile à réaliser mais non pas impossible. Chaque jour, à Washington, 24 personnes se réunissent autour de la table du Conseil d´administration du Fonds monétaire, représentant de façon légitime tous les peuples du monde. La même chose se produit avec les 17 membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Pour les affaires économiques et sociales je suis d´avis qu´il est parfaitement normal et possible que, par exemple tous les deux ans, les présidents des 24 pays membres au sommet du FMI et de la Banque mondiale, se réunissent en présence du Secrétaire général de l´ONU, au lieu du G 8.

Q. – L´un des deux documents préparés pour le G 8 parlent de réduction « ciblée » de la dette. En quoi consistera cette intervention?

R. – La définition remonte à 1999 et concerne les pays hautement endettés. Le point de départ doit être l´engagement à appliquer rigoureusement les choix faits à l´époque dans le climat de l´approche du Jubilé. Il est fondamental que la réduction soit « additionnelle », c´est-à-dire qu´elle vienne s´ajouter aux autres formes d´aide au développement. Ceci étant, il faut se demander comment faire davantage: destiner d´autres ressources à la réduction de la dette ou aux engagements contre la faim, le sida et pour l´éducation. Il faut une réflexion globale, c´est pourquoi j´espère que le G 8 deviennent vite un G 24, parce que pour le gouvernement de ce genre de problèmes, le monde a accepté la structure de Bretton Woods.

Q. – Réduction de la dette, ouverture des marchés et lutte contre les urgences sociales: ce sont ceux-là les points de départ d´un développement global plus juste?

R. – J´en ajouterais un quatrième indispensable: la lutte contre la guerre. Andrea Riccardi (président et co-fondateur de la Communauté Sant´Egidio, ndlr) dit que « la guerre est la mère de toutes les pauvretés ». Si l´on n´empêche pas le trafic des armes et si l´on entreprend pas une action sérieuse de « peacekeeping », il n´y aura jamais de développement. J´attire l´attention sur la Conférence de l´ONU sur les armes légères. Puisse le G 8 donner son plein soutien aux objectifs de cette réunion.

Q. – Mais les lobbies des fabriquants américains sont déjà sur le qui vive…

R. – Ce qui montre précisément l´importance de la réunion. Du reste, 500 millions d´armes légères sont justement celles qui provoquent une quantité de morts qui ne font pas l´actualité auprès de l´opinion publique internationale. Ces armes ont la caractéristique diabolique d´être utilisables par des enfants.

Q. – En Italie, on reparle beaucoup de la « Taxe Tobin » en vue de Gênes. Quel est votre point de vue?

R. – C´est une illusion. Je voudrais dire à mes nombreux amis italiens: ne faites pas rêver l´opinion ppublique, ne la poussez pas à se battre comme Don Quichotte contre des moulins à vent. Pour qu´une taxe Tobin puisse fonctionner il faudrait que les 190 pays du monde, y compris les 69 « paradis fiscaux » acceptent le l´appliquer. Autrement, même si un seul s´y soustrayait, les flux de spéculation se dirigeraient de ce côté là, créant des déséquilibres insoutenables. Il faudrait ensuite une institution avec des pouvoirs effectifs pour la faire appliquer, en en changeant le niveau lorsque nécessaire. Pour le moment cela me semble un saut de qualité utopique. Mais il y a une altenative.

Q. – De quel type?

R. – Une taxe sur l´exportation des armes, qui serait beaucoup plus facile à mettre en oeuvre que la taxe Tobin, parce qu´aujourd´hui déjà les Nations Unies tiennent un registre dans lequel tous les pays doivent déclarer la destination, le montant et la nature de leurs ventes. Mobilisons l´opinion publique sur cet objectif qui aurait un double avantage: frapper une activité exécrable et aider les pauvres.

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ZENIT Staff

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