ROME, Mercredi 18 juillet 2001 (Zenit.org) – Le cardinal Roger Etchegaray invite chaudement à lire les oeuvres de Péguy, encore actuelles, en particulier parce qu’elles sont centrées sur l’Incarnation. Pour le cardinal français, Péguy a voulu être un « chrétien de paroisse ». Et lorsqu’il entrait dans une église, qu’y cherchait-il ? Comme un « asile ». « Il me plaît, son « anticléricalisme » ! » ajoute le cardinal. Nous donnons ci-dessous un extrait du texte dans notre traduction.
La culture italienne rend hommage à Charles Péguy (1873-1914). Les éditions San Paolo publient en effet, avec une préface du cardinal Etchegaray, un volume intitulé : « Ce qui compte, c’est l’émerveillement » (124 pp.), reprenant une expression de Péguy devant les Nymphéas de Monet.
En appendice, le volume présente une entrevue de Stefano Paci à l’historienne française Régine Pernoud. Parmi les autres entrevues, citons une entrevue avec Alain Finkielkraut (« Je tirerai Péguy du ghetto ») et une entrevue du philosophe Jean Bastaire (« La réalité souveraine et maîtresse »).
« Le connaissez-vous ? Avez-vous dans l’oreille le martèlement cadencé de ses grands vers ? » demande le cardinal Etchegaray à ses lecteurs italiens. « Ils disent des choses simples et profondes qui vous accompagnent pour toujours dans la vie… Si vous n’avez pas eu la joie de le rencontrer, courez vous immerger dans l’océan de ses écrits. Oeuvre sans rives. Oeuvre inclassifiable mais d’une fraîche actualité. Oeuvre complexe, sujette à une diversité d’exégèses, mais aux crêtes bien précises et aux fondements solides.
« Péguy ne se réduit pas à tel ou tel cliché de sa vie ou à telle ou telle strophe de son oeuvre. Il faut le prendre tout entier, tel quel, prendre le temps d’en faire le tour énorme. Péguy à ne pas en finir ! Mais ce qu’il nous enseigne peut se concentrer dans une vérité évangélique : plus il y a Dieu et plus il y a l’homme. Le mystère de l’Incarnation est le leitmotiv de toute son oeuvre comme de toute sa vie chrétienne. « Un Dieu homme, un homme Dieu ». La foi est cette ligature entre l’éternel et le temporel.».
« Aucune des deux tentations de l’Eglise – celle de privilégier l’éternel sur le temporel et celle d’engloutir le premier dans le second – ne pourrait trouver d’argument dans les textes de Péguy qui reflètent un merveilleux équilibre. Il me plaît, son « anticléricalisme » de bon aloi : « Nous naviguons certainement entre deux bandes de curés : les curés laïcs qui nient l’éternel du temporel et les curés ecclésiastiques qui nient le temporel de l’éternel.
« Un chrétien de paroisse », voilà en définitive ce que Péguy a voulu être, simplement. Sans se lasser, il contemple les merveilles de Dieu dans l’histoire des hommes et son génie poétique déploie cette prière en strates de beauté. Urs von Balthasar l’avait bien dit : « Péguy est indivisible. Il l’est grâce à un enracinement en profondeur, là où le monde et l’Eglise, le monde et la grâce, se rencontrent et se pénètrent jusqu’à être inséparables ».