Norwid, "l´un des plus grands poètes et penseurs de l´Europe chrétienne"

180e anniversaire de la naissance du poète polonais

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CITE DU VATICAN, Lundi 2 juillet 2001 (ZENIT.org) – Jean-Paul II voit en Cyprian Norwid (1821-1883), « l´un des plus grands poètes et penseurs de l´Europe chrétienne ». La Pologne fête le 180e anniversaire de sa naissance. A cette occasion, le pape relit et explique le poète à ses hôtes, son sans livrer par là même des clés de sa pensée. N´évoque-t-il pas « ceux qui, en travaillant à la vérité, comme on travaille à gagner son pain, forgent l´histoire »?

Le pape relit Norwid
Le pape a reçu hier matin en audience au Vatican les représentants de l´Institut du patrimoine national polonais, des experts et des lecteurs assidus du poète romantique polonais Cyprian Kamil Norwid. Le pape se disait « très heureux » de cette rencontre à laquelle il attribue « une grande importance », c´est pourquoi nous traduisons ci-dessous le texte très rapidement mais très largement, d´après la traduction italienne officielle. Le pape dit s´y être préparé en relisant le grand poète.

La naissance
Norwid est en effet né le 24 septembre 1821, au manoir de Laskawa-Gluchy, actuellement en Biélorussie. Il est reconnu comme le quatrième « barde » et « voyant » du XIXe siècle polonais, aux côtés d´Adam Mickiewicz, Juliusz Slowacki et Zymunt Krasinski.

La sépulture
Il a reçu le second prénom de Kamil lors de sa confirmation, à 24 ans, à Rome en 1865. Après de nombreux voyages qui le conduiront jusqu´à New-York, il s´exilera en France, à Paris, où il finira sa vie en 1883, dans le plus grand dénuement, à l´asile Saint-Casimir, réservé aux émigrés polonais pauvres. Il a été inhumé au cimetière d´Evry, puis a été transporté au cimetière de Montmorency dans une fosse commune avec neuf polonais. Ses poèmes, marqués par le christianisme et l´amour de sa patrie, ont été traduits en français par Roger Legras (éd. L´Age de l´Homme, Lausanne, 1999).

Européens et Polonais
« Cyprian Norwid a laissé une œuvre dont émane une lumière qui permet de pénétrer plus profondément dans la vérité de notre être d´hommes, de chrétiens, d´Européens et de Polonais », écrit le pape.

La patrie, lieu où trouver le repos et mourir
Jean-Paul II voit en lui en effet « l´un des plus grands poètes et penseurs de l´Europe chrétienne ». « Tous, dit-il, nous avons une grande dette envers ce poète – le quatrième barde -« . Il ajoute, à propos de la sépulture du poète: « J´ai toujours retenu que le lieux où devrait reposer Cyrpian Norwid est la crypte des grands poètes dans la cathédrale de Wawel. Ce qui c´est révélé infaisable, parce qu´il n´a pas été possible de retrouver et d´identifier les restes du poète ». Le pape a alors cherché un autre moyen pour pouvoir « réparer dans un certain sens ce qui n´avait pas été accompli vis à vis de Norwid ». Il évoque « un devoir collectif » et conclut: « C´est bien qu´au moins l´urne avec la terre tirée de la fosse commune où fut enseveli le poète trouve maintenant à Wawel la place qui lui revient dans sa patrie, parce que la patrie, écrivait Norwid « est le lieu où trouver le repos et mourir ». »

Une lumière pour pénétrer dans la vérité de notre être
Le pape explique qu´il s´est préparé à cette rencontre en relisant les écrits de Norwid, en en parlant avec ceux pour qui Norwid est cher également. « Ce que je veux vous dire, disait le pape, est en grande partie le fruit de l´échange de pensées avec eux. Je voulais payer honnêtement ma dette personnelle vis à vis du poète ». Il confie être très étroitement lié « spirituellement » et ceci « dès les années de lycée ». « Au cours de l´occupation nazie, continue le pape, les pensées de Norwid soutenaient l´espérance que nous placions en Dieu, et dans la période de l´injustice et du mépris, avec lequel le système communiste traitait l´homme, elles nous aidaient à persévérer dans la vérité dont nous avions le devoir et à vivre dignement. Cyprian Norwid a laissé une œuvre dont émane une lumière qui permet de pénétrer plus profondément dans la vérité de notre être d´hommes, de chrétiens, d´Européens et de Polonais ».

Le lien qui unit le travail et l´amour
« La poésie de Norwid, continue Jean-Paul II, est née de sa vie difficile. Elle s´est formée à la lumière d´une profonde esthétique de la foi en Dieu et dans notre humanité en Dieu. La foi en l´Amour qui si révèle dans la beauté qui « enthousiasme » au travail, ouvre la parole de Norwid au mystère de l´alliance que Dieu scelle avec l´homme, afin que l´homme puisse vivre, comme Dieu vit. Le chant sur la beauté de l´Amour et sur le travail, Promethidion, indique l´acte même de la création dans lequel Dieu révèle aux hommes le lien qui unit le travail et l´amour (cf. Gn 1, 28); dans l´amour laborieux l´homme naît et ressuscite. Le lecteur doit mûrir dans cette parole qui vise si loin. Le poète le savait bien, lui qui dit: « Le fils l´ignorera, mais toi, le petit-fils, tu te souviendras ».

La Croix pour nous est devenue la porte
Et d´expliquer: « la force de l´autorité dont Norwid revêt les « petits enfants » vient de la Croix. Avec quelle éloquence, se révèle sa scientia crucis dans ces mots: « Ne te suis pas toi-même avec la Croix du Sauveur, mais le Sauveur avec ta croix (…). C´est finalement le secret d´un mouvement juste ». La scientia crucis permettait à Norwid d´évaluer les hommes dans la mesure où ils savaient souffrir avec le Seigneur, qui « est et était et sera la racine de toute vérité ». Les paroles par lesquelles notre poète parlait de la grandeur du bienheureux Pie IX constitue l´un des plus beaux témoignages que l´homme puissent rendre à un homme: « C´est un grand homme du XIXe siècle. Il sait souffrir ». Il est significatif que, selon Norwid, les crucifix devraient être sans le visage du Christ, ils pourraient ainsi indiquer de façon plus claire le lieux où doit se tenir un chrétien. Seulement ceux, en effet, qui revivent à l´intime chaque jour le drame du Golgotha peuvent dire: la Croix « est devenue pour nous la porte ».

Attendre et atteindre la vérité
« Norwid, continue le pape, n´enviait les biens de personne, ni les honneurs possédés. Sa pauvreté en Dieu resplendit dans le finale de l´une de ses poésies:
« Pour un autre les lauriers et l´espérance,
pour moi, le seul honneur d´être homme ».
L´honneur d´être homme, difficile à concevoir « sur la terre » est « plus incompréhensible dans le ciel », et le chemin vers lui passe justement à travers la porte de la croix. En la franchissant, l´homme perçoit que la vérité de son être homme le dépasse infiniment. D´elle vient sa liberté. « Tout prend vie de l´Idéal ». L´homme marche en pèlerin vers l´idéal mais le reçoit comme un don. « La vérité s´attend et tout ensemble s´atteint », parce que l´humanité est de Dieu ». De là le travail immense face à la personne humaine, qui, créée « à l´image et à la ressemblance » de Dieu, est appelée à devenir semblable à Dieu, ce qui n´est pas facile puisque « la fatigue est grande parce que justement elle est quotidienne ». N´en sont capables que les hommes sobres dans « les choses communes » et elles ne sont ainsi que lorsqu´elles sont « enthousiasmées » par ce qui est « éternel ». Eux seuls ne se prosterneront pas devant les Circonstances, et ils n´ordonneront pas à la vérité de « demeurer derrière la porte ». Ce sont eux qui, en travaillant à la vérité, comme on travaille pour gagner son pain, forgent l´histoire. Ils brûlent la terre de leur conscience, et c´est la même « Vérité, Véronique des consciences » qui essuie la sueur de leur « front pâle ».

Le caractère sacerdotal de la personne humaine
« Norwid rappelle avec insistance que sans héroïsme, l´humanité, « le visage humilié, repliée sur elle-même », cesse d´être elle-même. « L´humanité privée de la divinité se trahit elle-même ». La société dans son ensemble ne s
era pas en mesure de s´opposer à la philosophie non-héroïque de nos jours qui est en train de la dévaster, s´il n´y a pas en elle des personnes qui vivent l´interrogation de Norwid:
« Pour être national, être supra-national!
Et pour être humain, pour cela
Etre sur-humain… être double et un – pourquoi? »
L´homme est prêtre, encore « inconscient et immature », lui dont la tâche dans la vie est dès le début de jeter des ponts (ponti-fex) qui unissent l´homme à l´homme et tous à Dieu. Elles sont mesquines les sociétés dans lesquelles disparaît ce caractère sacerdotal de la personne humaine. Cette pensée m´a toujours été chère. Je peux dire que dans une certaine mesure, elle forme la dimension sociale de mon pontificat.
Norwid disait aux Polonais qu´ils ne seront jamais de bons patriotes tant qu´ils ne travailleront pas en faveur de leur propre être d´hommes. Pour pouvoir en effet résoudre « cette tâche d´être polonais », il faut non pas être « citoyen de la Pologne d´aujourd´hui (…) mais de celle qui est un peu passée et beaucoup à venir ». La Patrie, selon Norwid, se trouve dans un avenir sans limites, si bien qu´elle se trouve partout, jusqu´aux « confins de l´être ». Qui oublie cela fait de la patrie une secte, et à la fin rentre dans le rang de ceux qui sont « grands! – dans les affaires privées; et dans les affaires publiques? – des privés ». Tel est le commencement du chaos dans toute société.
L´ordre de la Nation vient d´en dehors de la Nation, en définitive, il vient de Dieu, et c´est pourquoi, pour ceux qui aiment leur Nation d´une façon aussi clairvoyante, parce que sacerdotale, il n´y a pas de danger de nationalisme. « La Nation est faite non seulement de ce qui la distingue des autres, mais de ce qui l´unit aux autres ». Nous savons par cœur, mais nous le connaissons en pratique, dans notre conscience, le contenu douloureux de ces paroles: « Aujourd´hui le Polonais est un géant, mais l´homme dans le Polonais est un nain (…). Le soleil se lève sur le Polonais mais ferme les yeux sur l´homme »? Combien de questions polonaises pourraient se résoudre de façon différente si les Polonais avaient retrouvé dans leur conscience la vérité proclamée par Norwid: « La Patrie est une tâche collective » qui « par nature se compose de deux [éléments], de ce qui engage la patrie envers l´homme et de ce qui engage l´homme envers la patrie ».
Ici, à Rome, au cœur de l´Eglise, dont Norwid a écrit qu´elle est le plus ancien « citoyen du monde », je répète avec émotion les paroles puisées à Moja Ojczyzna:
« Aucun peuple ne m´a racheté ou créé;
Avant le siècle je me souviens de l´éternité;
La clef de David m´a forcé la bouche,
A appelé homme la romanité ».

L´homme de l´espérance
« Cyprian Norwid a été l´homme de l´espérance. Grâce à elle, il a pu vivre dignement sur cette terre, indépendamment des difficiles conditions dans lesquelles il se trouvait. Puise l´espérance en priant Dieu, auquel il s´adressait avec des mots puissants, comme ceux que le Sauveur lui-même nous a enseignés:
« Que ta volonté soit faite, non comme sur la terre
(Non comme c´est le plus commode… mais comme c´est plus digne) ».
La prière « formait » la vision du poète de sorte qu´il devinait les « choses de Dieu sous l´enveloppe des celles de la terre ». En priant, il gagnait l´Amour dans cette foi profonde que la voix de l´homme qui s´élève vers le ciel en même temps que celle du Christ, est toujours exaucée.

L´Eglise, l´Europe et la Pologne
Le pape offrait ces quelques pensées de Norwid à ses hôtes en « hommage » au « travail » du poète et en signe de « gratitude » pour leur initiative visant à faire « entrer » les Polonais dans son œuvre. Puissent s´accomplir dans la société ces paroles de Norwid dans Fortepian Szopena, concluait le pape: « Que gémissent les sourds cailloux: que l´idéal touche le pavé ». « Votre travail, insistait Jean-Paul II, sert l´Eglise, l´Europe et la Pologne ».

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ZENIT Staff

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