Entretien avec l´archevêque de Vilnius, le cardinal Backis

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Bilan du consistoire et priorités pastorales

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CITE DU VATICAN, Vendredi 25 mai 2001 (ZENIT.org) – Le cardinal Audrys Juozas Backis, archevêque de Vilnius (Lituanie) a confié à Zenit ses impressions sur le consistoire qui s´achève et les réalisations et les projets pastoraux à Vilnius, en particulier pour les laïcs.

Z – Eminence, quelles sont vos impressions à la fin de ce consistoire, votre premier consistoire puisque vous avez reçu la barrette de cardinal en février dernier? En êtes vous heureux?

Card. Backis – Heureux oui, de cette occasion de se retrouver, de se connaître, d´autres pays, et d´être ensemble pendant trois jours, même si nous n´arrivons pas à tous nous connaître.
D´autre part, c´est un véritable exercice de la collégialité. Le Saint-Père nous a convoqués pour avoir nos réactions aux suggestions de sa Lettre. Nous avons beaucoup parlé de la collégialité et de comment améliorer les méthodes de travail ensemble, en particulier en synode, de façon à avoir plus d´échanges.

Z – Plusieurs cardinaux ont souligné en particulier que la quatrième semaine de synode était lourde…

Card. Backis – Pendant les prises de parole, on peut avoir l´impression de monologues, mais les cercles de travail sont bons. Pendant la quatrième semaine, tout mettre ensemble, c´est un travail impossible.

Z – Pensez-vous que les suggestions qui ont été faites pendant le consistoire puissent être retenues déjà pour le prochain synode sur le ministère de l´évêque?

Card. Backis – Je l´espère, mais, concrètement, comment? Peut-être en proposant au départ un petit nombre de questions sur lesquelles réfléchir, de préférence à un grand questionnaire, de façon à se concentrer sur des thèmes et des questions précises. C´est une éducation à la collégialité. Il faut s´habituer à se tenir à des règles du jeu, à des questions précises.

Z – Les cardinaux de l´ancien bloc soviétique ont-ils fait état de préoccupations pastorales spécifiques?

Card. Backis – Au plan des préoccupations pastorales, il n´y a pas de différence entre les pays de l´Ouest et de l´Est de l´Europe: la question est, partout, de transmettre la foi, de la proclamation du kérygme, aux jeunes, aux adultes, à tous les niveaux. De ce point de vue, il n´y a pas de différence entre l´Italie ou la Lituanie: comment rejoindre les jeunes d´aujourd´hui? Entrer en contact, les « apprivoiser », comme dit le renard du Petit Prince.

Pour cela nous avons été très heureux de la Lettre du Saint-Père. Il nous invite à repartir du Christ. On a plutôt tendance souvent à « moraliser » à présenter d´abord les « commandements ». C´est une façon de faire que les gens détestent. La Lettre nous indique de partir de la foi en Jésus-Christ. Pour tous les pays, l´urgence est la même, c´est une éducation à la foi. Pas d´abord une éthique. Comment peut-on accepter une obligation, sans savoir sur quoi elle est fondée, à quoi elle tient? Si l´on ne croit pas d´abord que l´homme est créé par Dieu, que l´homme et la femme sont appelés à entrer dans le projet de Dieu, les préceptes moraux sont ressentis comme des limitations, des restrictions. La question c´est de transmettre la foi pour pouvoir construire dessus.

A Pâques, j´ai participé au pèlerinage de Foi et Lumière à Lourdes. Une réflexion de Jean Vanier m´a frappé. Il disait que l´important aujourd´hui était « d´éduquer les consciences ». Dans les anciens pays communistes, lorsque les gens n´ont pas conservé de principes religieux, une fois rejetée l´idéologie, il ne reste qu´un vide vague, et une attitude pragmatique : la recherche de ce qui est utile pour soi. Il faut retrouver les valeurs humaines du respect de l´autre, du dialogue, de la sincérité. Et souvent, lorsqu´un désir de spiritualité se fait sentir, il n´a pas de prise sur la vie, sur la conscience. L´idée de Jean Vanier m´a frappé. Il ne s´agit pas seulement d´avoir une spiritualité, ou un désir de spiritualité, mais de savoir l´appliquer, en vivre.

Z – Quelles sont vos priorités pastorales à Vilnius?

Card. Backis – J´aimerais organiser un synode sur le thème du rôle des laïcs. L´Eglise est encore trop cléricale. Nous avons besoin de laïcs, de chrétiens formés, qu´ils prennent leur place dans l´Eglise, soit des protagonistes de cette évangélisation. Ils se sentent un peu seuls. Trop souvent, on ne va pas chercher l´homme. Il faut aller le chercher, ne pas attendre. Le contact personnel est capital. Comme il est important dans le dialogue interreligieux, qui implique l´annonce de la foi de l´Eglise sans « mettre de l´eau dans son vin » – « voilà ce que je crois » – et en même temps d´accepter les autres tels qu´ils sont, dans le dialogue.

Z – Il y a une dizaine d´années, dans l´Est de l´Europe, il semblait que l´une des urgences pastorales était de pouvoir offrir aux chrétiens des modèles de vie commune alors que la persécution avait imposé l´isolement. Qu´en est-il aujourd´hui?

Card. Backis – Pour ce qui et de la vie religieuse, des progrès ont été réalisés. Des congrégations religieuses féminines lituaniennes ont en effet pour la plupart adopté de nouveau la vie commune, non sans difficulté, mais en toute liberté: il ne faut pas contraindre des personnes qui ont vécu seules pendant des dizaines d´années à s´intégrer à une vie commune.

Pour ce qui est de la vie paroissiale, on a encore fait trop peu pour favoriser cette atmosphère communautaire. C´est le problème commun aux grandes villes un peu partout. A quoi s´ajoute un problème de manque de locaux autour des églises, il faut des lieux pour se réunir. Et puis il faut des prêtres formés à ce travail. Des équipes Notre-Dame par exemple, ont besoin d´un prêtre qui les accompagne, qui les écoute. Les prêtres n´ont pas l´habitude de ce travail pastoral.

Z – La pastorale des jeunes aussi a besoin de locaux et d´accompagnateurs…

Card. Backis – Un centre de jeunes vient d´ouvrir. L´an dernier, 5.000 jeunes se sont rassemblés à Vilnius de toute la Lituanie, pendant trois jours, en juillet, avant le départ pour le Jubilé des jeunes. Pour ce qui est des locaux, le centre pastoral du diocèse va peu à peu s´installer (centre de jeunes, bureau de la famille, etc) dans le bâtiment jouxtant le sanctuaire de Marie Porte de l´Aurore.

Z – Le consistoire a aussi beaucoup parlé de l´engagement œcuménique. Comment est-il vécu sur le terrain à Vilnius?

Card. Backis – Le métropolite orthodoxe et l´évêque luthérien ont participé à l´ouverture du Jubilé à la cathédrale. Le métropolite a aussi envoyé un représentant à la clôture. Et j´ai moi-même participé à la célébration du Noël orthodoxe – qui tombe à la date de notre fête de l´Epiphanie -, pour le remercier d´avoir envoyé ce représentant. Nos rapports ont progressé, ils sont plus amicaux.

Z – Vous avez aussi mis l´accent sur un autre thème important de la Lettre de Jean-Paul II, le témoignage de la charité. Il y a une dizaine d´années, vous avez voulu l´ouverture d´un centre Caritas…

Card. Backis – Actuellement la « soupe populaire » du centre sert 700 repas par jour. Un autre centre assure les repas de 150 jeunes. Les sœurs de Mère Teresa accueillent 150 retraités pensionnaires, et tiennent un asile nocturne. Elles y accueillent de façon permanente aussi des personnes malades ou handicapées, mais la nuit elles abritent aussi une quarantaine de personnes. Les séminaristes y assurent une permanence à tour de rôle, pour assurer la présence masculine nécessaire: certains pensionnaires sont drogués ou ont bu. Et ils n´en sont pas arrivés là d´abord par leur faute. C´est une bonne chose que les séminaristes ne perdent pas le contact avec cette réalité. Mai
s ce que nous faisons pour ceux qui souffrent, c´est encore trop peu. La politique sociale du gouvernement est insuffisante: les fonds de la culture et de la politique sociale ont été taillés. Une maison « de la mère et de l´enfant » a été ouverte également pour les mamans seules en difficulté.

Z – Vous avez d´autres projets?

Card. Backis – Mon rêve, c´est un centre d´apprentissage à la don Bosco, avec ateliers de couture, de cuisine pour les jeunes filles, de menuiserie, de travail du métal pour les garçons. Déjà des artisans sont disposés à prendre des jeunes comme apprentis. Mais il faut développer le projet pour que davantage de jeunes puissent en bénéficier.
Mais ce qui compte, ce sont toujours d´abord les personnes, des personnes qui aient la foi et aient le désir d´évangéliser.

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ZENIT Staff

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