Le pape Léon XIV durant la rencontre sur la place des Martyrs © Nathalie Duplan 

Liban : modèle de coexistence

Le pape au Liban : Jour 2

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par Nathalie Duplan, à Beyrouth

Après l’étape officielle au premier jour de son voyage au Liban, le pape est entré dans la phase véritablement spirituelle en ce 1er décembre, commençant par un moment de prière sur la tombe de saint Charbel, au monastère Mar Maroun de Annaya, dans le nord du pays.

Sur tout le trajet qui l’a conduit vers ce haut-lieu de l’Ordre libanais maronite, très prisé des Libanais, malgré le froid et une pluie battante, la chaleur était au rendez-vous. En signe de bienvenue, le convoi papal était aspergé de grains de riz et de pétales de fleurs. La foule, massée sous des parapluies ou affrontant les intempéries sans protection, ne s’est jamais départie de ses sourires francs qui disent à quel point les Libanais sont heureux et honorés de recevoir Léon XIV, eux qui avaient attendu François, finalement empêché pour raisons de santé et de situation politique défavorable en l’absence, à l’époque, de chef de l’État.

Le pape Léon XIV durant la rencontre de la place des Martyrs © Nathalie Duplan 

Le pape Léon XIV durant la rencontre sur la place des Martyrs © Nathalie Duplan

Partout, le recueillement : chants traditionnels de la liturgie maronite en langue syriaque, pénombre, silence, joie notable mais contenue. Dans cette atmosphère singulière qui sied à un monastère, les paroles profondes du pape ont pris tout leur sens, notamment quand il a insisté sur les traits caractéristiques du plus célèbre saint libanais, vénéré tant par les chrétiens que par les musulmans. Charbel a été « façonné par l’Esprit Saint », a expliqué le souverain pontife, afin « d’enseigner : la prière à ceux qui vivent sans Dieu, le silence à ceux qui vivent dans le bruit, la modestie à ceux qui vivent dans le paraître, la pauvreté à ceux qui recherchent les richesses ». La vie du moine-ermite « nous rappelle, à nous évêques et ministres ordonnés, les exigences évangéliques de notre vocation ».

Des paroles qui ont vraisemblablement trouvé écho chez ceux tentés de s’éloigner de l’Église, considérant que certains de ses membres se sont écartés de ces valeurs intrinsèques au christianisme.

Fidèle au leitmotiv de sa visite, le pape a conclu en demandant la paix pour le Liban et pour tout le Levant, tout en soulignant « qu’il n’y a pas de paix sans conversion des cœurs ». Il a également souhaité « la communion, l’unité : en partant des familles, petites églises domestiques, puis dans les communautés paroissiales et diocésaines, jusqu’à l’Église universelle ». Ainsi a-t-il fait le lien avec la partie turque de ce premier voyage apostolique, dont l’unité était le maître-mot.

Si le calme était de mise à Annaya, l’explosion de joie et les ovations ont marqué la rencontre avec le clergé et les agents pastoraux, au sanctuaire de Notre-Dame du Liban, à Harissa. À tel point que des journalistes ont été saisis et émus par cet enthousiasme débordant d’un troupeau pour son berger. Et par ce pasteur qui s’est offert un bain de foule, prenant le temps de saluer différents participants, visiblement heureux, et touché par ces échanges qui ont dressé un portrait des difficultés sociologiques et sociopolitiques que rencontre le pays.

Mgr César Essayan s’entretient avec deux dignitaires musulmans chiites © Nathalie Duplan

Mgr César Essayan s’entretient avec deux dignitaires musulmans chiites © Nathalie Duplan

Joie et ferveur ont également animé la rencontre œcuménique et interreligieuse de la place des Martyrs, à Beyrouth, où des représentants de toutes les religions, patriarches orientaux, cheikhs, mufti, etc., ont redit, tour à tour, leur attachement à ce modèle unique de coexistence qu’est le Liban. Léon XIV a exhorté chacun à être « artisan de paix », affirmant : « La paix, l’unité, la communion sont vraiment possibles (…). Les chrétiens, musulmans, druzes, peuvent construire une nation ensemble. »

C’est ce dont les jeunes allaient témoigner au cours de la veillée à Bkerké, le siège patriarcal maronite, comme l’a clamé l’une d’entre eux : « Voir tant de jeunes de toutes les confessions me donne espoir qu’on puisse bâtir un pays main dans la main et réussir ce que la génération de nos parents n’a pas pu faire. »

Évêque latin de Beyrouth, Mgr César Essayan devait résumer : « Le pape a axé sa visite, non seulement sur le fait d’être des artisans de paix, mais sur trois mots essentiels : la paix, la justice et la réconciliation. Il appelle tout le monde à œuvrer en ce sens. Sa visite à saint Charbel nous rappelle que toute action doit partir de la prière et du silence. Le Liban est un pays qui ne connaît plus le silence. Il faut y revenir. Non pas au silence qui se tait devant les injustices, mais au silence qui devient écoute, écoute de ce Dieu qui peut recréer, à partir des tragédies, quelque chose de beau pour que nous puissions aller de l’avant. La rencontre interreligieuse réaffirme que l’identité du Liban est fondamentale pour le monde entier. »

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Nathalie Duplan

Grand reporter spécialiste du Liban, Nathalie DUPLAN est l’auteur, avec Valérie RAULIN, de "Jocelyne Khoueiry l’indomptable" (Le Passeur), "Le Camp oublié de Dbayeh" (Grand Prix littéraire 2014 de L’Œuvre d’Orient), et "Un café à Beyrouth" (Magellan & Cie). Avec Fouad Abou Nader, elles ont publié "Liban : les défis de la liberté", aux Éditions de L’Observatoire. Nathalie Duplan a débuté au Figaro Magazine, a travaillé à National Geographic France, et a été rédactrice en chef de la revue mensuelle Les Annales d’Issoudun. Elle est la correspondante au Liban du trimestriel Codex. Avec Valérie Raulin, elle est également l’auteur, aux Presses de la Renaissance, de "Le Cèdre et la Croix", "Tenir et se tenir, entretiens avec Patrick Poivre d’Arvor", "Les Grandes Heures de Solesmes" et "Confidences d’un exorciste".

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