La sainteté de Jean-Paul II c’est aussi son sens du devoir de l’Eglise d’évangéliser pour conduire tous les hommes à la sainteté, a rappelé le postulateur de sa cause, Mgr Slawomir Oder au cours d’une conférence de presse au Vatican. Il a souligné que les neuf ans de cette cause ont été comme « neuf ans de retraite spirituelle » prêchée par le pape Wojtyla. Il a aussi fait remarquer comment Karol Wojtyla a vécu, jusqu’à la fin de sa vie dans un « espace eucharistique ».

« Pourquoi Jean XXIII et Jean-Paul II sont-ils saints ? »:  c’est la question à laquelle ont voulu répondre les deux postulateurs des causes, Mgr Slawomir Oder, pour Jean-Paul II et le P. Giovan Giuseppe Califano, ofm, pour Jean XXIII, lors d’une conférence de presse au Vatican, en présence du P. Federico Lombardi, sj, directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, du P. Mgr Walter Insero, responsable des communications du diocèse de Rome.

Programme de sainteté

Mgr Oder rappelle ce témoignage « beau et sympathique dans la perception de la sainteté du jeune Karol » : pendant ses études universitaire à Cracovie, ses compagnons avaient écrit sur la porte de sa chambre « futur saint » …

Sa vie a été marquée par la mort de sa mère à 9 ans, de son frère aîné, à 14 ans, et à 19 ans, de son père : la vie lui est apparue comme « un mystère à affronter ».

Il était conscient du « poids de qualité » à donner à sa vie : il l’a exprimé dans un de ses drames théâtraux : « La boutique de l’orfèvre », où il insiste que le « poids qualitatif de la vie dans un engagement de charité ».

Son programme de jeune est resté « le leitmotiv de toute sa vie » : à un ami, pendant les vacances, en Europe, au-delà du rideau de fer, il disait : « on doit organiser sa vie pour que tout soit la manifestation de la gloire de Dieu ».

Il a eu des guides spirituels forts, avec un élément « marial » et une « foi forte, adulte ».

Les guides spirituels

« Son père lui enseigné à prier il a développé en lui un sens religieux profond. Il a reconnu que « son premier séminaire a été à la maison, avec son père ».

« L’héritage le plus profond » légué par son père est : « la foi simple, populaire ». Et le cardinal primat Wyszynski aussi, comme « l’incarnation de la foi populaire » : c’est « un des éléments les plus communs entre les deux saints que cette foi populaire ».

Autre guide spirituel : un simple laïc, tailleur, qu’il appelait « l’Apôtre », Jan Tyranowski, « précurseur de l’engagement des laïcs, anticipant l’esprit de Vatican II ».

Pour Jean-Paul II, il a été une « figure de référence pendant sa jeunesse à Cracovie pendant l’occupation nazie et il l’a aidé à faire le discernement de sa vocation ».

Tyranowski est important aussi pour « deux traits fondamentaux de sa spiritualité : le trait marial, déjà reçu du père, mais vécu de façon plus consciente en clef vocationnelle, comme réponse à l’appel du Christ, et le trait carmélitain ». Ce fut en effet « le premier mouvement du cœur du jeune Wojtyla, qui n’a pas été accepté… parce que noviciat était alors fermé, donc il est allé frapper à la porte du séminaire diocésain. »

Troisième figure, l’archevêque de Cracovie, le cardinal Stepan Sapieha, qui l’a accueilli au séminaire clandestin, malgré l’interdiction nazie.

Mgr Oder indique ainsi « trois lignes constantes de sa vie et de sa spiritualité : foi simple, profondeur mystique apprise de l’étude des oeuvres de saint Jean de la Croix que Tyranowski lui a mises en main, la capacité l’affronter difficultés de la vie avec courage grâce à la lecture de l’intervention de Dieu dans les événements de l’histoire ».

L’espace eucharistique

Foi simple : « tout devenait pour lui l’humus dont nourrir sa foi, y compris le besoin du contact avec les personnes, comme évêque, cardinal, simple prêtre ». Il gardait « les bras ouverts », et « comme pape » : « il avait besoin du contact avec les gens, de la foi du peuple ».

Profondeur mystique : elle « le poussait à vivre le mystère de Dieu, en première personne ». Pour lui, « un saint est reconnu comme homme de Dieu ». Il a « su trouver en Dieu la vie. La prière était son pain quotidien, il vivait tout en présence de Dieu dans un espace eucharistique, il habitait l’espace eucharistique, messe centrale et la table dans l’angle de la chapelle où il priait et gouvernait l’Eglise de Cracovie. »

Mgr Oder a rappelé les paroles de Benoît XVI après la mort de Jean-Paul II pendant un angélus : il a évoqué l’eucharistie célébrée à côté du pape mourant en disant qu’au « dernier moment de sa mort, dans ce mystère qui disait le sens de toute sa vie ».

Une synthèse de ces deux éléments l’ont conduit à une constatation qui est devenu le programme de sa vie : « la tâche d’évangéliser et de conduire à la sainteté ».

Sainte Faustine et la miséricorde

Dernier élément lié à la conduite spirituelle du cardinal Sapieha : il a connu par lui Faustine Kowalska.

Sapieha avait une « lecture théologique des événements de l’histoire, invitant à affronter la réalité avec ténacité et discours de la Miséricorde divine ».

Jean-Paul II a « affronté le nazisme et le communisme et il a fait l’expérience des limites de l’homme, alors qu’il avait une vision positive de l’homme racheté par le Christ ».

Dans cette perspective, « il a relu le message de la Divine miséricorde face au mystère de l’iniquité humaine ».

Ce message « a grandi dans le cours des années, mûri dans années du pontificat, très actuel, repris par le pape François ».

Il avait le sens du don, ajoute Mgr Oder: « tout don reçu devient une tâche ». Le pape polonais a laissé « peu de notes spirituelles personnelles » et dès « les premiers jours du pontificat, il voit chaque pas de sa vie comme payé par souffrance de personnes proches aimées ».

Il prend conscience du « don reçu », qui est une « clef de lecture pour comprendre le pontificat ». Il a pu écrire: « debitor factus sum ».

Sa capacité, son sens du « devoir de payer cette dette d’amour reçu », constitue « une clef pour comprendre le don de sa vie qu’il a fait à l’Eglise et à l’humanité ».

La cause de canonisation

Mgr Oder rappelle que lors des funérailles, le 8 avril 2005, la foule a demandé « Santo subito », et qu’il ne s’agit pas seulement de « sentiments » ou d’une « atmosphère ».

Le 13 mai 2005, Benoît XVI, a accordé la dispense des cinq années d’attente, et ce sera « la seule  dispense obtenue, tout le reste du procès a suivi les indications du Droit canon ».

Il a rappelé la consigne du pape Benoît XVI, lors d’un entretien avec Mgr Oder : « Faites vite mais faites bien »

Il a souligné que la « perception de la renommée de sainteté qui grandissait », a souligné le postulateur. Ainsi, les 5 ans de dispense sont justement prévus pour vérifier le fondement de la renommée de sainteté : la vie a confirmé la justesse de la décision du pape.

Il a indiqué que 20 000 personnes sont passées chaque jour devant sa tombe : un nombre qui a explosé et « donné raison à la dispense ».

Autre élément : les pèlerinages sur la tombe ont aussi été « virtuels » dès l’ouverture page web, qui a constitué une « porte où les personnes faisaient un pèlerinage sur tombe, grâce à la webcam ».

Des groupes de prière se sont multipliés dans le monde et dès le premier jour ouverture page web, Mgr Oder a reçu deux mails particuliers de Nouvelle Zélande et de Russie, de Vladivostok, témoignant du rayonnement du pape polonais sur les personnes dans le monde entier.

Une retraite spirituelle de neuf ans

Il y a un troisième élément, le témoignage personnel, de Mgr Oder qui confie avoir vécu, pendant les neuf ans du procès, avec une intensité particulière, un « temps d’exercices spirituels » prêchés par le saint.

Mais il tient à préciser que des voix contraires ont été écoutées, dans le respect de la « liberté d’expression » voix de contestation venues de « la gauche de l’Eglise, de la théologie libérale contre attitudes conservatrices du pape », mais aussi « dans l’espace médiatique, venues des milieux de Mgr Lefebvre, pour trop ouverture aux problématiques dans le monde ».

A propos des déclarations du cardinal Carlo Maria Martini « interprétées » dans le sens de l’opposition de la sainteté du pape, avec en clef de lecture une soi-disant « opposition à la canonisation des papes ».

Mgr Oder indique que cette lecture n’est pas « juste » et ni « vraie » et le P. Lombardi a précisé qu’il existe une discussion sur l’opportunité de la canonisation des papes, et il faut replacer les paroles du cardinal Martini dans le contexte de cette discussion, mais « il ne dit pas son opposition à la canonisation des papes ». Il s’agit d’un « débat ».

Martini a dit de Jean-Paul II Qu4il était le « père spirituel de l’humanité », a rappelé Mgr Oder.

Défauts de Jean-Paul II, selon lui-même

Une sœur à son service qui voit le pape fatigué lui dit: « Je suis préoccupée pour Votre Sainteté ». « Moi aussi je suis préoccupé pour ma sainteté », répond Jean-Paul II.

Lui réagissait, dans des circonstances nettes, comme à Cracovie, alors qu’un prêtre lui créait problème, l’archevêque lui enlève le permis de conduite lui disant de rentrer chez lui à pied. « Puis il s’en est repenti », a signalé Mgr Oder.

Il avait, indique-t-il « un tempérament sanguin », comme le manifeste sa réaction face à la proposition de porter un gilet anti-balles et répond qu’il dépend d’une « autre protection ».

Cette « émotivité » d’un « homme sanguin » manifesté qu’il est un « vrai homme fait de chair et d’os », fait observer le postulateur.

Modèle de sainteté pour différents états de vie

L’enquête a été faite avec, indique Mgr Oder « le désir de faire la lumière et d’ affronter les problèmes sur la spécifique » du cas Maciel, indique Mgr Oder. Elle a compris l’étude des documents de la Congrégation pour la doctrine de la foi et la réponse est très nette : il n’y a aucun signe d’implication personnelle du Saint-Père dans cette affaire ».

Il indique comme héritage fondamental de la sainteté du pape Jean-Paul II sa « conviction que l’Eglise doit évangéliser et conduire l’Eglise à la sainteté », ce qui implique aussi la sainteté du pape, car « c’est le but commun de tous les baptisés ». L’Eglise « doit enfanter ses fils à la sainteté », c’est « la fécondité spirituelle de l’Eglise ».

Ainsi, Jean-Paul II devient une « référence pour ses successeurs », avec un « parcours humain si riche : étudiant, ouvrier, acteur, poète, prêtre, évêque ». On peut ainsi suivre la « trace de la croissance de la sainteté de Karol Wojtyla au cours des étapes de sa vie, et c’est « un élément encourageant pour qui vit ces situations ».

Rappelons aussi que le cardinal Jorge Mario Bergoglio a été l’un des témoins du procès et qu’il a souligné la façon dont Jean-Paul II se préparait à la messe.