Première parution sur le site de l’Opus Dei le 12 novembre 2024
Pouvez-vous nous parler de votre vocation et de votre cheminement vers la prêtrise ?
Je suis né à Mirebalais, une ville du centre d’Haïti, en 1991. Je suis l’aîné d’une fratrie de quatre enfants et mes parents sont très pieux. Après avoir terminé mes études secondaires, j’ai décidé de devenir prêtre grâce à des séminaires sur le discernement des vocations. Au cours de l’un de ces séminaires, j’ai entendu le témoignage d’un prêtre, ce qui a éveillé quelque chose dans mon cœur. À partir de ce moment, j’ai ressenti le désir d’embrasser la vie sacerdotale.
L’événement qui a consolidé cette décision a été le tremblement de terre de 2010 à Port-au-Prince, qui a fait environ 200 000 morts. J’ai été témoin du sacrifice et du dévouement des prêtres qui ont travaillé sans relâche pour aider et soutenir les personnes qui souffraient. Leur exemple m’a donné envie de suivre leur mode de vie. J’ai commencé ma formation en Haïti, puis j’ai été envoyé à Rome pour poursuivre mes études. J’ai été ordonné prêtre le 6 juillet 2019.
Quelles sont vos responsabilités dans votre diocèse ?
J’ai plusieurs rôles pastoraux. Je vis au petit séminaire du diocèse, où je travaille dans la formation, guidant les jeunes hommes qui se sentent appelés à la prêtrise à travers les étapes initiales de leur formation. Je suis également coordinateur de la formation dans l’école catholique diocésaine, où j’aide les enseignants à développer un cadre éducatif pour leurs élèves.
Je suis par ailleurs responsable de notre stratégie de communication en ligne. Je suis le directeur de la radio diocésaine, Radio Immaculée Conception. Enfin, je suis secrétaire général du bureau pastoral diocésain, où nous préparons actuellement l’année pastorale des jeunes 2025-26.
Quelle est la situation sécuritaire en Haïti, en particulier pour ceux qui professent la foi chrétienne ?
Professer publiquement sa foi n’est pas dangereux en soi en Haïti. Notre pays est majoritairement chrétien, ce qui nous permet de pratiquer notre foi librement. Cependant, la sécurité générale est une préoccupation majeure en raison de la présence de groupes armés. Ces groupes font qu’il est dangereux de se déplacer d’un quartier à l’autre dans les villes, et la violence est une menace constante pour tout le monde, et pas seulement pour les chrétiens.
Comment la violence des groupes armés affecte-t-elle l’éducation des jeunes en Haïti ?
La violence a un impact dévastateur sur l’éducation des jeunes. En raison des menaces permanentes, de nombreuses écoles et églises restent fermées pendant toute une année dans certaines régions. Les gens ont parfois peur de sortir de chez eux et ne sortent souvent que pour répondre à des besoins urgents. Heureusement, dans la ville où j’exerce mon travail pastoral, Hinche, les écoles sont toujours opérationnelles. Cependant, la situation a déclenché une crise migratoire interne sans précédent, de nombreuses personnes se déplaçant à la recherche de sécurité. Dans notre école, nous avons accueilli des élèves déplacés et cherché le soutien d’organisations internationales pour leur fournir une éducation et un soutien psychologique afin de faire face au traumatisme qu’ils ont subi.
Les bandes armées sont principalement composées de jeunes. Comment cela se fait-il ?
Malheureusement, de nombreux jeunes finissent par rejoindre des gangs armés parce qu’ils sont livrés à eux-mêmes par des parents qui ne peuvent pas s’occuper d’eux ou les envoyer à l’école. Sans alternative, lorsqu’ils rencontrent des politiciens corrompus qui les paient pour commettre des crimes, ils ne peuvent pas refuser. Ils sont poussés à prendre les armes pour aider ces individus à atteindre leurs objectifs. Les gangs sont financés par des hommes riches qui recherchent le pouvoir, et les jeunes ne sont que des pions entre leurs mains. Sans le savoir, ils sont en train de détruire leur propre pays.
Quel rôle la foi joue-t-elle dans la vie de ces jeunes ?
La foi peut être une puissante source d’espoir et de transformation. À travers les enseignements de l’Évangile, nous essayons de guider les jeunes vers une vie plus juste et plus paisible. Cependant, de nombreuses personnes ont une relation complexe avec la foi, en raison des catastrophes naturelles et des souffrances dont elles sont témoins et qu’elles endurent. Certains voient les catastrophes comme une punition divine, tandis que d’autres se tournent temporairement vers la foi en période de crise.
Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confronté dans votre travail éducatif quotidien ?
Notre principal défi consiste à aider les jeunes ayant des difficultés économiques et familiales à aller à l’école, en particulier à l’école secondaire. Nous devons également soutenir les jeunes qui ont fui la violence et qui ont subi de profonds traumatismes. Un jeune élevé dans un environnement violent risque de devenir violent à son tour. En tant que formateur, j’essaie de les aider à comprendre qu’ils peuvent être acteurs d’un changement positif, en abandonnant la vengeance et en adoptant un état d’esprit plus tolérant et plus fraternel, inspiré par l’Évangile.