Rencontre avec les autorités et discours du Saint-Père, Palais présidentiel de Beyrouth © Nathalie Duplan

Rencontre avec les autorités et discours du Saint-Père, Palais présidentiel de Beyrouth © Nathalie Duplan

Le Liban qui ne veut pas mourir accueille Léon XIV avec ferveur

« Heureux les artisans de paix »

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Nathalie Duplan, à Beyrouth

Le pape Léon XIV est arrivé au pays du Cèdre ce 30 novembre 2025. De l’aéroport, il s’est rendu au Palais présidentiel de Baabda. Sur les routes – fermées à la circulation mais où, depuis plusieurs jours, flottent les drapeaux du Liban et du Vatican –, l’attendait une foule compacte. La pluie annoncée et les nuages noirs menaçant n’ont découragé ni les habitants de la banlieue Sud, fief du Hezbollah, ni le reste de la population désireuse d’accueillir le 4e pape foulant le sol libanais après Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI. Si en Turquie, le maître-mot était « unité », au Liban c’est le mot « paix » qui est martelé. Les principales artères de la capitale arborent d’ailleurs des photos du souverain pontife frappées du fameux « Heureux les artisans de Paix », en français, en anglais, en arabe.

© Nathalie Duplan

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Et c’est bien de paix que le pape a parlé lors de son discours très attendu et applaudi, prononcé devant les autorités civiles et religieuses, et le corps diplomatique. Avant son arrivée, les participants se confiaient, manifestant leur enthousiasme. Ainsi, le gouverneur de Beyrouth, M. Marwan Abboud : « La visite du pape représente une grande bénédiction pour le Liban, surtout après les cinq années que nous venons de traverser. Ces moments étaient très durs. Nous avons connu l’enfer. J’espère que la venue du pape va ouvrir, au Liban, les portes du paradis. »

De son côté, le recteur de l’Université Saint-Joseph, le P. Salim Daccache, s.j., commentait : « Cette visite n’est pas simplement symbolique. C’est un acte réel de solidarité avec un pays qui souffre, un pays qui a besoin d’être mieux orienté, qui cherche sa voie et veut également redevenir, même s’il l’est toujours, un pays-mission, un pays-message, un pays souverain, un pays qui brille des capacités énormes, intellectuelles, spirituelles et sociales de ses citoyens. Nous attendons du pape une confirmation de cette mission. Sa présence est importante pour aujourd’hui mais aussi pour demain. Parmi nous, il va prendre davantage conscience encore que ce pays mérite de vivre, de mieux vivre, et de garder ses enfants sur place. Et le pape agira à cette fin. »

Le P. Abdo Abou Kassm, directeur du Centre catholique d’information soulignait quant à lui : « J’ai été très touché en voyant tous les citoyens chiites à Beyrouth venus dire au pape « Soyez le bienvenu ! » C’est un signe très positif et nous espérons que cette visite au Liban va marquer le commencement de la paix. »

Multipliant les références bibliques, le président Joseph Aoun a rappelé la spécificité du Liban « pays-message » comme le qualifiait St Jean-Paul II : « Le Liban a été fondé dans la liberté et pour la liberté, non pour une religion, une secte ou un groupe. C’est une terre de liberté et de dignité pour chaque être humain. Une nation unique par son régime, où chrétiens et musulmans, bien que différents dans leurs croyances, sont égaux en droits, sous une Constitution fondée sur l’égalité entre chrétiens et musulmans (…). Il est donc du devoir fondamental de l’humanité de sauvegarder et de préserver le Liban, car si ce modèle de coexistence libre et égale entre personnes de confessions différentes venait à disparaître, il ne pourrait être reproduit nulle part ailleurs. »

Et le chef de l’État de poursuivre : « Nous ne mourrons pas, nous ne partirons pas, nous ne désespèrerons pas. Nous ne renoncerons jamais. »

Des paroles prononcées avec conviction auxquelles ont répondu des propos non moins appuyés du vicaire du Christ sur « cette terre où la paix est bien plus qu’un mot, c’est un désir et une vocation ». Le souverain pontife a loué la capacité de résilience du peuple libanais : « Vous êtes un peuple qui ne succombe pas, mais qui sait toujours renaître avec courage face aux épreuves. Votre résilience est une caractéristique indispensable des véritables artisans de la paix : l’œuvre de la paix, en effet, est un recommencement continu. L’engagement et l’amour de la paix ne connaissent pas la peur face aux défaites apparentes, ils ne se laissent pas abattre par les déceptions, mais savent regarder loin, accueillant et embrassant avec espérance toutes les réalités. Il faut de la ténacité pour construire la paix ; il faut de la persévérance pour préserver et faire grandir la vie. » Enfin, conscient des enjeux et des défis, Léon XIV a prôné la réconciliation et a mis en avant « une troisième caractéristique des artisans de la paix. Ils osent rester, même lorsque cela implique des sacrifices. »

Et comme la paix est un don que Dieu seul peut octroyer, à l’issue de ce discours, le pape s’est rendu au Carmel de la Théotokos à Harissa, où les moniales vivent dans « l’humilité, la prière et le sacrifice ».

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Nathalie Duplan

Grand reporter spécialiste du Liban, Nathalie DUPLAN est l’auteur, avec Valérie RAULIN, de "Jocelyne Khoueiry l’indomptable" (Le Passeur), "Le Camp oublié de Dbayeh" (Grand Prix littéraire 2014 de L’Œuvre d’Orient), et "Un café à Beyrouth" (Magellan & Cie). Avec Fouad Abou Nader, elles ont publié "Liban : les défis de la liberté", aux Éditions de L’Observatoire. Nathalie Duplan a débuté au Figaro Magazine, a travaillé à National Geographic France, et a été rédactrice en chef de la revue mensuelle Les Annales d’Issoudun. Elle est la correspondante au Liban du trimestriel Codex. Avec Valérie Raulin, elle est également l’auteur, aux Presses de la Renaissance, de "Le Cèdre et la Croix", "Tenir et se tenir, entretiens avec Patrick Poivre d’Arvor", "Les Grandes Heures de Solesmes" et "Confidences d’un exorciste".

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