Soeur Cristina est "The Voice of Italy" 2014

La voix de l’Ursuline plébiscitée par le public

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Elle porte toujours les mêmes chaussures noires, basses, fermées, la même robe religieuse noire, les manches relevées au coude, le même voile noir, au cou la même grande croix qui épouse le rythme de ses mouvements sur la scène, le même visage éclairé de l’intérieur par la joie, légèrement souligné par son col blanc. Elle est toujours la même, prompte à répondre par un geste à un signal de complicité « rock », à répliquer par des boutades devenues fameuses aux provocations amicales. Une « vraie sœur » et un vrai talent. Généreuse comme la terre de Sicile qui chante dans sa voix, avec le bonheur d’avoir donné sa vie à Jésus et aux autres.

Sœur Cristina Sciuccia, 25 ans, Ursuline de la Sainte-Famille, participait à la compétition italienne « The Voice of Italy », depuis le mois de mars sur RAI 2 – la deuxième chaîne publique italienne – : elle vient de remporter la victoire, ce jeudi 5 juin, avec 62 % des votes du public. La semaine dernière aussi elle avait été choisie par la « voix du peuple » pour aller en finale. Le prix remporté est un disque chez Universal. La RAI a déjà eu son prix: les audiences qui s’envoilent! Avec un peu d’avance, la télévision italienne a comme lancé l’Année de la vie consacrée en donnant à ce jeune talent toute sa place dans la compétition. Il fallait oser. Il fallait aussi avoir compris que l’Italie aime ses religieuses. Et en attend beaucoup. Mais c’est du monde entier que le plébiscite est arrivé.

Liberté, surprises et détermination

Sur YouTube, son interprétation de la chanson d’Alicia Keys « No One » a enregistré 50 millions de visions. Son coach, J-Ax, alias Joker Alex, qui l’a défendue constamment, avec un humour corrosif – a commenté : « Cinquante millions de personnes ne peuvent pas avoir tort ! » Pour sœur Cristina, cette chanson – qu’elle a rechantée avec bonheur lors de la finale – devient une déclaration d’amour à Dieu: « Je te veux tout proche/là où tu peux rester pour toujours/tu peux être sûr/que ce sera le meilleur endroit/toi et moi ensemble/jours et nuits ».

Vraie bête de scène, vraie maîtrise vocale, sœur Cristina a remporté non seulement la compétition de « La Voix d’Italie » mais le prix de la sympathie. Aux commentaires désobligeants que sa présence dans une émission de variété populaire a pu susciter, en milieu catho et en milieu anti-catho – sa voix dénigrée, son talent diminué, l’accusation d’être « pistonnée » du fait de son habit religieux ou que sa présence était « déplacée » – elle répond tranquillement que le pape François veut une Eglise « en sortie » ! On devine que son parcours du combattant n’a pas été sans souffrance.

Les répliques de sœur Cristina sont désormais fameuses et attendues : « La musique me permet de parler de Dieu de la façon la plus belle que je connaisse. » Son coach, rappeur aux tatouages légendaires, souligne cette « joie » contagieuse, qui l’a ému plus d’une fois. Lui et les trois autres membres du jury n’en sont toujours pas revenus d’avoir découvert – après avoir entendu sa voix « en aveugle » – que c’était celle d’une « vraie soeur ». Lui n’en est toujours pas revenu non plus qu’elle ait choisi d’entrer dans son équipe: « le diable et l’eau bénite », plaisante-t-il en écrasant une larme, très heureux. 

Lors de la première émission, le public a scandé affectueusement à la fin de sa performance: « So-re-lla, so-re-lla, so-re-lla ! » – « soeu-rette ! » Elle a répondu du tac au tac, en scandant : « Fra-tel-li, fra-tel-li, fra-tel-lli » – « mes frè-res ! »

Et ce jeudi soir, stupéfiant tout le monde, après les remerciements dus à ceux qui l’ont accompagnée pendant des semaines, elle lève bien haut son bras vers le ciel et remercie « Celui qui est là-haut », puis elle avoue son rêve : prier un Notre Père depuis la scène de « The Voice ». Autour d’elle, on ne comprend pas bien: les coaches et l’animateur semblent ne pas en croire leurs oreilles. Sans attendre d’approbation, sans fléchir, elle passe à l’acte et elle se lance dans un « Padre Nostro ». Liberté, cisélée par les trois Conseils évangéliques, et détermination, en toute simplicité, sans ostentation, sans perdre le Nord sous les sunlights.

Chamboulée par sœur Rosa

Et puis le show reprend son cours, sœur Cristina chante une dernière fois à The Voice et va prendre sa supérieure par la main pour la faire monter sur scène. Celle-ci embrasse tout le monde: visiblement, elle n’est pas une inconnue et soeur Cristina n’a pas été laissée seule dans la « périphérie existentielle » du show biz. Maintenant, elle annonce qu’elle voudrait reprendre une « vie normale » – la paroisse, les jeunes, l’animation des messes – mais qu’elle fera ce que ses supérieures lui demanderont. Elles étaient là, à toutes les soirées et à toutes les étapes de la compétition, vibrant à chaque succès. Un témoignage sans paroles, d’unité et d’amour.

La vocation de sœur Cristina a mûri lors de sa participation à une comédie musicale dans laquelle elle a joué, en 2008, le rôle de Soeur Rosa Rocuzzo, fondatrice des Ursulines de la Sainte Famille,en 1908. La congrégation compte aujourd’hui 90 soeurs en Italie, au Brésil et en Corse, à Porto-Vecchio.

Elle témoigne : « C’est ma mère qui m’a proposé d’essayer de faire partie de cette comédie musicale. Dans un premier temps, j’ai refusé car les Sœurs, les prêtres et l’Église, cela ne me disait absolument rien. Mais j’ai décidé de le faire, pour me montrer, pour me faire connaître. Dans la pièce, je jouais le rôle de Sœur Rosa, la fondatrice de la Congrégation à laquelle j’appartiens en ce moment. Les paroles de cette Sœur, que je prononçais à chaque soir, et qui invitaient les gens à se donner au Seigneur, à tout laisser pour se donner à Lui ont peu à peu changé ma vie. »

En 2013, sœur Cristina avait remporté une compétition catholique, le Good News Festival, à Rome, avec une chanson composée par elle-même – paroles et musique – :  « Senza la tua voce » – « Sans ta voix » –. Sœur Cristina y chante sa confiance dans l’amour d’un Dieu proche:

« Tu es mon espérance.                                    

Je ne réussirais pas à vivre                                

sans ta voix                                                        

sans ton souffle                                                  

sans ta lumière                                                    

sans ta main                                                        

sans tes bras qui m’accueillent                          

qui me réchauffent, qui m’aiment. »

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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