Des prêtres catholiques du Séminaire pontifical français de Rome, ont caché des réfugiés, sous l’Occupation nazie, dont une cinquantaine de juifs.
Une liste conservée
C’est ce que révèlent les archives du Séminaire pontifical français (PSG), fondé en 1853, et qui a fêté son anniversaire en 2003, donnant l’occasion de la publication de 150 ans d’histoire comme en témoigne l’important volume: « 150 ans au coeur de Rome. Le Séminaire français 1853-2003 », par Philippe Levillain, Philippe Boutry et Yves-Marie Fradet (dir.), éd. Karthala, 2004 (535 pages).
La « liste des réfugiés israélites au Séminaire pontifical français » a été conservée, en italien, comme on peut le voir sur un facsimilé inséré parmi les photos du livre. Elle compte 40 noms d’hommes (ou jeunes garçons), 10 de femmes (ou jeunes filles), parfois avec juste l’indication après le nom de famille: « père », « fils ». Y sont mentionnés les noms des familles suivantes, dont les origines sont visiblement variées: Antonini (3 personnes), Amati, Barberet, Barth, Bemporad, Berger, Fano, Garrone, Giacomini, Grün, Mautel, Montbillard, Ortolani, Parienti, Parisi (2), Pesenti, Properti (2), Rosenzweig, Sacerdoti (3), Schimel, Schnitzler, Schwarz, Scazzochio (5), Sonnino (6), Toscano (2), Spagnolo (7), Sulfina, Yung.
Ce sont donc pour certains des familles entières qui ont été cachées. Parmi celles-ci, la famille de Gilda Sabatello qui a exprimé sa gratitude pour l’hospitalité donnée à son mari et à son cousin, dans une lettre de 2007, indiquait récemment le P. Pawel Rytel-Andrianik.
Les juifs de Rome ont subi la rafle du samedi 16 octobre 1943, bien que le commandant de la Gestapo à Rome, un officier SS, Herbert Kappler, ait promis de ne déporter personne en échange de 50kg d’or. Le pape Pie XII fournit l’or manquant pour tenter de sauver des vies, en vain.
Entre 5h30 du matin et 14h, les nazis arrêtèrent 1 259 personnes: 689 femmes, 363 hommes et 207 enfants, qui furent déportés à Auschwitz. Le bilan, tragique, fut cependant limité par tel ou tel policier italien, venu à savoir les préparatifs de l’opération, et qui se rendit dans les quartiers juifs pour avertir les familles de s’enfuir.
Les soeurs de Sion au Janicule
Le Séminaire français n’est pas le seul parmi les églises, les paroisses, les écoles et collèges, les instituts religieux auxquels Pie XII a demandé de venir en aide aux juifs persécutés. A Rome, la communauté juive estime que l’Église catholique a pu sauver 4 447 juifs de la persécution nazie.
Le P. Pawel Ritel-Andrianik indique qu’en 1945, le P. Beato Ambord, alors chargé des transmissions en langue allemande de Radio Vatican, avait compilé une liste détaillée des institutions ecclésiastiques où les juifs avaient été cachés et le nombre de persones de la communauté juive de Rome concernées. Cette liste, contrôlée par un travail de recherche dans chaque institution, indique une centaine de couvents de religieuses, 45 maisons de religieux et 10 paroisses.
Les maisons des religieuses hébergèrent 2 775 personnes, les religieux et les paroisses offrirent un asile à 992 réfugiés. Les maisons de religieux accueillirent environ 680 juifs. Mais la liste est sans doute plus longue, puisqu’elle ne tient pas compte des juifs sauvés par le Vatican à Castelgandolfo, au Séminaire pontifical du Latran (qui cachait aussi des catholiques anti-fascistes et des communistes) ou dans d’autres institutions dépendant du Saint-Siège.
Des religieuses de Notre-Dame de Sion ont reçu la médaille des Justes : leur couvent du Janicule abritait des femmes juives dans leur couvent, les hommmes dans la serre, et la cave à charbon avait été transformée en cachette en cas de visite impromtue de l’Occupant. Le couvent avait « l’extraterritorialité », précaire barrière diplomatique face à la fureur nazie. Une camionnette du Vatican venait ravitailler le couvent, la secrétaire de Pie XII, Soeur Pascalina Lenhert, assise à côté du chauffeur, prête à défendre son précieux chargement en allemand, puisqu’elle était Bavaroise, en cas de difficultés en chemin (cf. Anita Bourdin dans Zenit du 4 février 1999).
Les jésuites de Mondragone
Certains trouvèrent refuge dans des institutions catholiques aux portes de Rome. C’est ainsi que la médaille de « Juste parmi les Nations » a été aussi décernée par le mémorial de Yad VaShem de Jérusalem – à titre posthume – au père jésuite, Raffaele de Ghantuz Cubbe, « Padre Cubbe« .
Lors du deuxième conflit mondial, avec l’aide de ses confrères, et mettant sa vie en danger, le P. Cubbe cacha trois enfants juifs au milieu des élèves de Mondragone, à Frascati : Marco Pavoncello ainsi que Mario et Graziano Sonnino. Il ne tenta jamais de leur faire embrasser le catholicisme.
Avec Constance Roques et Anne Kurian
Shoah : des familles juives cachées au Séminaire pontifical français de Rome
La mémoire des archives