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"Marcher sur les mêmes voies qu’Yves de Kermartin", par Mgr Mercier

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« Grandir dans ce respect et cette prédilection pour les pauvres » (texte complet)

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« Puissions-nous en cette année jubilaire de la Miséricorde marcher sur les mêmes voies qu’Yves de Kermartin, pour découvrir toujours plus l’amour de Dieu à notre égard et grandir dans ce respect et cette prédilection pour les pauvres, le traduisant très concrètement à travers des œuvres corporelles et spirituelles »: c’est le voeu exprimé par Mgr Joël Mercier, secrétaire de la Congrégation pour le clergé, au terme de son homélie pour la fête de saint Yves, en l’église Saint-Yves-des-Bretons de Rome, samedi 21 mai.
La Sainte Yves est le 19 mai, mais la messe a été déplacée au samedi pour permettre une plus grande participation. Le blog de Saint-Yves publie l’homélie, dont voici le texte intégral, et les photos de la célébration.
« Oui, mes amis, demandons la grâce de ne jamais nous fatiguer de puiser la miséricorde du Père et de la porter dans le monde : demandons d’être nous-mêmes miséricordieux pour témoigner où est notre trésor. Saint-Yves, intercédez pour nous ! », a conclu Mgr Mercier.
Yves Hélory, prêtre et juge en Bretagne (✝ 1303), était le fils d’un chevalier breton. Orphelin très jeune, il est élevé par sa mère, Azou du Quinquis, qui aimait répéter à son fils: ‘Vivez mon fils de telle manière à devenir un saint’. Puis il s’en vient à l’Université de Paris. Très doué, il y étudie les arts, c’est-à-dire les lettres, la théologie pour être prêtre, et le droit. Ayant parachevé ses études dans la prestigieuse faculté de droit d’Orléans, il revient au pays. On le nomme à la fois curé de Trédrez, petite paroisse près de Saint Michel en Grèves et official (juge ecclésiastique) à Tréguier.
Sous l’influence de moines franciscains avec qui il a de longues discussions sur la perfection et la pauvreté, il se décide à partager ses ressources avec les pauvres. Juge, il assume ses fonctions dans un esprit de conciliation et de justice et, gratuitement, se fait le conseiller ou le défenseur des plaideurs démunis, gardant, sous les attaques parfois acerbes de ses collègues d’en face, une joyeuse égalité d’humeur.
Fidèle à l’exemple des saints, saint Martin entre autres, à une vie de prière centrée sur l’Eucharistie et l’étude de l’Écriture Sainte, il s’adonne aussi à la prédication, souvent dans plusieurs paroisses le même jour, et à l’assistance spirituelle. Sa maison, le manoir de Minihy, devient un abri pour les pauvres. On l’appelle ‘le prêtre saint’. Après sa mort, il connaîtra un culte populaire très fervent, en Bretagne et bien au-delà.
Il fut canonisé le 19 mai 1347 par le pape Clément VI. Le pape Jean-Paul II a adressé un message à Mgr Lucien Fruchaud, à l’occasion du VIIe centenaire de la naissance de saint Yves, en 2003.
Homélie de Mgr Mercier
Fête de Saint-Yves – 21 mai 2016
Eglise Saint-Yves des Bretons – Rome
Homélie donnée par S.E. Mgr Mercier
Dans la mémoire de l’Eglise, et même au-delà, Yves Hélory, de Kermartin, est le Juge par excellence et, plus encore, l’Avocat des pauvres. Mais il ne faudrait pas oublier qu’il fut aussi un prêtre, un bon pasteur. Comme l’affirme un spécialiste de l’histoire de la sainteté : « Avec lui apparaît pour la première fois au Moyen Age l’idée d’une sainteté sacerdotale ». Il est vrai qu’on découvre déjà chez lui les traits que l’on retrouvera chez un Pierre Fourier au 17ème siècle ou chez un Jean-Marie Vianney au 19ème, pour ne citer que deux grandes figures sacerdotales françaises.
En cette année de la miséricorde, il m’a semblé intéressant de l’approcher d’une autre manière, qui, bien évidemment, recoupera ce que je viens de dire. Vous avez lu la Bulle d’indiction du Jubilé. Le Pape François nous y invite tout particulièrement à redécouvrir les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. « Ce sera, écrit-il, une façon de réveiller notre conscience souvent endormie face au drame de la pauvreté , et de pénétrer toujours davantage le cœur de l’Evangile, où les pauvres sont les destinataires privilégiés de la miséricorde divine ». Et le Saint-Père d’énumérer ces œuvres de miséricorde corporelles : donner à manger aux affamés, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, accueillir les étrangers, assister les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts. Vous reconnaissez là la parabole du jugement dernier en Matthieu 25. S’y ajoutent les œuvres de miséricorde spirituelles : conseiller ceux qui sont dans le doute, enseigner les ignorants, avertir les pécheurs, consoler les affligés, pardonner les offenses, supporter patiemment les personnes ennuyeuses, prier Dieu pour les vivants et pour les morts.
Sur quasiment tous ces points, saint Yves nous donne un exemple lumineux et surtout très concret. Nous avons la chance de posséder son procès de canonisation commencé moins de trente ans après sa mort. Une bonne partie des témoins, 52 très exactement, parmi lesquels sa sœur aînée et son précepteur alors nonagénaire, l’ont bien connu et nous rapportent des faits dont ils ont été témoins oculaires. Et il y a par ailleurs 201 témoins des miracles accomplis sur son intercession. Saint Yves a été, en effet, le plus grand thaumaturge d’Occident avec saint Martin, pendant le Moyen Age. Je ne vais pas passer en revue tous ces témoignages, mais il en ressort clairement que, « pour l’amour de Dieu », saint Yves a tout donné aux pauvres et s’est fait pauvre lui-même. La totalité des honoraires qu’il recevait dans l’exercice de sa tâche d’official passait aux pauvres, ainsi qu’une partie de ses biens personnels ; à plusieurs reprises, il donna jusqu’aux vêtements qu’il portait. Plusieurs témoins rapportent comment chaque jour, Dom Yves avait table ouverte pour les pauvres, soit à Kermartin, son manoir familial, soit à Louannec, sur le bord de la mer, près de Perros-Guirec, paroisse dont il est curé les dix dernières années de sa vie. Il leur servait du pain, des légumes, ou des fèves -On mangeait alors beaucoup de fèves ; ce légume sera remplacé quelques siècles plus tard par la pomme de terre. Quand ce n’était pas l’heure du repas, il leur servait du pain en telle quantité qu’ils pouvaient se rassasier pour un jour.
Les pauvres, il les aimait encore après leur mort. Il les ensevelissait de ses mains et aidait à les porter en terre. Un jour, un pauvre mourut chez lui. Son cadavre dégageait une telle odeur que les autres miséreux ne voulurent pas venir à Kermartin, comme de coutume ; ils refusèrent même d’aider à l’ensevelir. Voyant cela, Yves et un franciscain lavèrent le cadavre, « humblement et dévotement ». Ensuite, Yves cousit lui-même le suaire, coupant le fil avec ses dents. Et après quoi, tous les deux enterrèrent le pauvre défunt.
Pour les œuvres de miséricorde spirituelles, c’est dans sa charge de curé qu’il les pratiqua le plus habituellement. Par sa prédication et par ses activités apostoliques, Yves fit un bien immense. Il amena beaucoup de jeunes à la pratique des conseils évangéliques. Un témoin ajoute qu’il a connu beaucoup de gens convertis par Yves qui menaient une vie édifiante et faisaient du bien autour d’eux. Cette action apostolique de saint Yves eut une répercussion considérable sur l’ensemble de la population. « Après qu’il eut commencé à prêcher aux gens de sa patrie, dit un autre témoin, ceux-ci devinrent doublement meilleurs. Les gens étaient grossiers, portés à la luxure et à toutes sortes dé péchés, très peu portés au bien ; mais par la prédication et les bons exemples de Dom Yves, toute sa patrie fut transformée ».
N’allons pas croire que pour en arriver à ce degré de vertus, Yves n’eût pas à lutter. A un franciscain blessé du couvent de Guingamp qu’il avait recueilli et soigné, Yves confia que ce fut un dur combat de près de 10 ans. Oh, il avait été un étudiant fort sage à Paris, puis à Orléans. Mais à Rennes où il était devenu Official, à partir de l’écoute de la Parole de Dieu et de sa méditation, soutenu aussi par sa fréquentation des Franciscains, il a choisi de se dépouiller progressivement de tout pour être radicalement conforme au Christ, voulant le suivre dans la pauvreté, afin de contempler le visage du seigneur dans celui des humbles auxquels il a cherché à s’identifier. Il demeurait toujours un homme appliqué à la science canonique, mais d’autres traits apparaissaient de plus en plus qui frappaient ses contemporains : un homme de prière, un disciple de saint François d’Assise, un « avocat des pauvres » et un bon pasteur au zèle pastoral inlassable, serviteur infatigable de la parole de Dieu. Il avait compris que son trésor était là, dans cet amour pour le Seigneur et cette charité pour ses frères les plus pauvres.
Puissions-nous en cette année jubilaire de la Miséricorde marcher sur les mêmes voies qu’Yves de Kermartin, pour découvrir toujours plus l’amour de Dieu à notre égard et grandir dans ce respect et cette prédilection pour les pauvres, le traduisant très concrètement à travers des œuvres corporelles et spirituelles. Oui, mes amis, demandons la grâce de ne jamais nous fatiguer de puiser la miséricorde du Père et de la porter dans le monde : demandons d’être nous-mêmes miséricordieux pour témoigner où est notre trésor. Saint-Yves, intercédez pour nous !

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