Dans les situations de guerre, « les civils continuent d’être affectés par la plupart des pertes en vies humaines et sont ciblés et victimes d’attaques aveugles et d’autres violations et préjudices de la part des parties au conflit », a fait observer Mgr Auza qui a estimé que « la protection des civils et des infrastructures civiles essentielles, comme les écoles et les hôpitaux, doit rester une dimension constante et cruciale du maintien de la paix ». Il invite aussi à s’attaquer aux causes des conflits.
Mgr Bernardito Auza, nonce apostolique et observateur permanent du Saint-Siège, est intervenu à la Quatrième Commission de la soixante-quatorzième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, sur le point 52 de l’ordre du jour : Examen global de toute la question des opérations de maintien de la paix sous tous leurs aspects, à New York, le 14 novembre 2019.
Le représentant du Saint-Siège a souligné « la primauté de la politique » dans le règlement des différends. « La meilleure façon d’assurer la protection des civils est de prévenir le déclenchement d’un conflit armé », a-t-il affirmé. « Il faut donc s’attaquer aux causes profondes des conflits, trouver des solutions politiques inclusives aux différends et rechercher un règlement pacifique ».
Voici notre traduction de l’intervention de Mgr Auza, prononcée en anglais.
HG
Discours de Mgr Bernardito Auza
Monsieur le Président,
Les opérations de maintien de la paix sont décrites comme « l’un des outils les plus efficaces dont dispose l’ONU pour promouvoir et maintenir la paix et la sécurité internationales ». (1) Ces derniers mois, une attention encore plus grande a été accordée aux opérations de maintien de la paix grâce aux efforts déployés par le Secrétaire général pour mobiliser les partenaires et les parties prenantes en faveur de son initiative « Action pour le maintien de la paix », ainsi qu’à sa Déclaration d’engagements communs, et à la réunion ministérielle pour le maintien de la paix au cours de cette année.
Les missions de maintien de la paix d’aujourd’hui sont multiformes et multifonctionnelles ; elles s’engagent dans le règlement des conflits et le dialogue, et elles offrent un appui à des solutions politiques durables et inclusives. L’engagement de toutes les parties concernées, que ce soit par la mise à disposition de troupes et d’officiers de police et/ou sous la forme d’une contribution financière ou par un soutien au niveau communautaire, est essentiel pour que ces opérations réussissent et aient un impact durable non seulement pour l’État hôte et sa population, mais aussi pour la paix, la stabilité et le développement régionaux et internationaux.
La Déclaration d’engagements communs susmentionnée affirme la primauté de la politique dans la résolution des conflits. Au cours de cette année, le pape François, dans son Message pour la Cinquante-deuxième Journée mondiale de la paix, a souligné l’importance de la politique dans le règlement des différends. Il a déclaré : « La politique est un moyen essentiel pour construire la communauté humaine et les institutions (…) La bonne politique est au service de la paix. Elle respecte et promeut les droits fondamentaux de l’homme, qui sont en même temps des obligations mutuelles, permettant de forger un lien de confiance et de gratitude entre les générations présentes et futures ». (2)
Monsieur le Président,
Il est tout à fait approprié que la Journée des Casques bleus de l’ONU ait pour thème cette année « Protéger les civils, protéger la paix ». En effet, cette année marque le vingtième anniversaire de l’adoption de la résolution 1265 du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui a marqué une étape décisive dans l’histoire de la protection des civils dans les opérations de maintien de la paix. Souvent déployés là où les populations civiles sont le plus menacées, les Casques bleus de l’ONU, qui se mettent quotidiennement en danger, sont appelés à protéger les personnes les plus vulnérables dans les conflits, y compris les personnes déplacées et fuyant leur foyer ou menacées en raison de leur religion, leur âge, leur sexe, leur appartenance ethnique ou leur handicap. Toutefois, malgré l’existence du mandat depuis vingt ans, les civils continuent d’être affectés par la plupart des pertes en vies humaines et sont ciblés et victimes d’attaques aveugles et d’autres violations et préjudices de la part des parties au conflit. Comme l’a noté le Secrétaire général, « vingt ans plus tard, le programme de protection est plus pertinent et urgent que jamais ».
Nous ne devons pas oublier que nous célébrons cette année le soixante-dixième anniversaire des quatre Conventions de Genève, qui demeurent les piliers du droit international humanitaire et de l’aide humanitaire. Soixante-dix ans plus tard, nous nous interrogeons toujours sur la manière de protéger les civils dans les conflits armés, mais notre meilleure approche réside dans la reconnaissance de notre humanité commune et de la dignité inviolable et égale de chaque personne.
Le Saint-Siège se félicite de l’accent mis, dans la Déclaration d’engagements communs, sur la protection des enfants et des femmes dans les opérations de maintien de la paix, ainsi que de l’évolution des opérations de maintien de la paix vers la protection des enfants. À propos du sort des enfants en situation de conflit, le pape François a déclaré : « Nos pensées vont tout particulièrement à tous ces enfants qui vivent actuellement dans des zones de conflit et à tous ceux qui travaillent pour protéger leur vie et défendre leurs droits. Un enfant sur six dans le monde est affecté par la violence de la guerre ou ses effets, même lorsqu’il n’est pas enrôlé comme enfant soldat ou pris en otage par des groupes armés. Le témoignage rendu par ceux qui travaillent à leur défense et au respect de leur dignité est très précieux pour l’avenir de l’humanité » (3).
Alors que les défis et les menaces continuent d’évoluer, le Saint-Siège estime que la protection des civils et des infrastructures civiles essentielles, comme les écoles et les hôpitaux, doit rester une dimension constante et cruciale du maintien de la paix. Les missions de maintien de la paix de l’ONU sont régulièrement déployées dans des conditions difficiles, car elles doivent souvent faire face à des infrastructures médiocres ou inexistantes dont les acteurs armés non étatiques profitent pour servir leurs propres causes néfastes. Les casques bleus ont souvent le défi peu enviable d’avoir des attentes irréalistes quant à leur capacité de protéger tous les civils en tout temps. Néanmoins, leur présence doit être un signe d’espérance et une assurance pour nos nombreux frères et sœurs accablés par la guerre et l’extrême pauvreté. Là encore, il incombe à la communauté internationale de veiller à ce que les missions soient bien équipées et au Conseil de sécurité d’adapter leurs mandats à l’ampleur et aux difficultés de la tâche.
Monsieur le Président,
Le Saint-Siège est fermement convaincu que la meilleure façon d’assurer la protection des civils est de prévenir le déclenchement d’un conflit armé. Il faut pour cela s’attaquer aux causes profondes des conflits, trouver des solutions politiques inclusives aux différends et rechercher un règlement pacifique. Comme l’a rappelé le pape François, « la paix est le fruit d’un grand projet politique fondé sur la responsabilité mutuelle et l’interdépendance des êtres humains. N’oublions pas que la guerre et le terrorisme sont toujours une grande perte pour l’humanité tout entière. Ils sont la grande défaite humaine » (4).
Merci, Monsieur le Président.
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- S/PRST/2019/4
- Message de Sa Sainteté le pape François à l’occasion de la célébration de la 52e Journée mondiale de la paix, le 1er janvier 2019.
- Ibid, n. 6.
- Ibid, n. 7, et pape François, Angélus du dimanche 12 août 2019.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat