Pauvreté urbaine © Wikimedia commons / Nikkul

Pauvreté urbaine © Wikimedia commons / Nikkul

ONU: éradiquer l’extrême pauvreté qui touche 1 personne sur 10 (traduction complète)

Print Friendly, PDF & Email

Appel de Mgr Jurkovic

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

767 millions de personnes – une personne sur 10 – vivent dans des conditions d’extrême pauvreté, indique l’observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies à Genève, qui réclame « des efforts urgents et efficaces » pour « éradiquer cette condition si dégradante pour la dignité humaine ».
Mgr Ivan Jurkovic est intervenu à la 35e session du Conseil pour les droits de l’homme sur le thème de « l’extrême pauvreté et les droits de l’homme », à Genève le 8 juin 2017. Il a fait observer que, si la pauvreté mondiale a eu tendance à baisser, en revanche « il y a eu une aggravation de l’inégalité ».
Mgr Jurkovic a appelé au niveau national à articuler la solidarité « en tant que subsidiarité » et, au niveau international, à « un engagement plus large en faveur de la coopération » : « la communauté mondiale exige l’engagement de toutes les parties prenantes dans la facilitation de la coopération internationale » a-t-il insisté, ainsi que « dans la planification et la mise en œuvre d’un cadre global pour la protection de la dignité humaine et la promotion du développement humain intégral ».
« Toutes les personnes doivent avoir accès aux conditions et aux ressources qui leur permettent de développer, dans toute la mesure de leur dignité humaine, leurs droits et leurs responsabilités », a-t-il appuyé.
Voici notre traduction de l’allocution de Mgr Ivan Jurkovic, délivrée en anglais.
CR
Allocution de Mgr Ivan Jurkovic
Monsieur le Président,
La délégation du Saint-Siège remercie le Rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme pour son rapport et pour avoir souligné le « sentiment rapide d’insécurité économique qui afflige de large segments de nombreuses sociétés. Il y a un sentiment croissant d’être exposé, vulnérable, accablé et impuissant et d’être systématiquement marginalisé, à la fois sur le plan économique et social ». (1) Cette situation affecte de plus en plus toutes les parties du monde et nécessite un effort accru pour traiter les personnes réduites à vivre dans des conditions d’extrême pauvreté.
Au cours de la dernière décennie, nous avons assisté à la prééminence des politiques économiques en matière de droits de l’homme. Bien qu’il y ait eu une tendance à la baisse de la pauvreté mondiale, il y a eu une aggravation de l’inégalité. En ce qui concerne la situation économique actuelle, 1% de la population mondiale possède 99% de la richesse mondiale. « Au sommet, les données de cette année constatent que collectivement, les huit personnes les plus riches ont une richesse nette qui est la même que la richesse nette de la moitié inférieure de l’humanité » (2), qui représente environ 3,6 milliards de personnes. De plus, des statistiques récentes indiquent que moins de personnes vivent aujourd’hui dans l’extrême pauvreté que jamais auparavant. De 1990 à 2013, nous sommes passés de 4 personnes sur 10 dans des conditions d’extrême pauvreté, à environ 1 sur 10. Néanmoins, cela représente encore plus de 767 millions de personnes (3). De plus, un nombre aussi important de personnes vivant dans l’extrême pauvreté dans le monde moderne devrait motiver des efforts urgents et efficaces, aux niveaux local, national et international, pour éradiquer cette condition qui est si dégradante pour la dignité humaine.
De tels efforts nécessitent un engagement direct avec les gens, plutôt que de mettre l’accent lointain et abstrait sur les stratégies d’éradication seules. Comme l’a déclaré le pape François, il est nécessaire de « dé-naturaliser » l’extrême pauvreté, d’arrêter de la considérer comme une statistique plutôt que comme une réalité. […] Le fait que, aujourd’hui, bien engagé dans le XXIe siècle, tant de personnes souffrent de ce fléau en raison d’une répartition égoïste et injuste des ressources ». (4)
L’inégalité n’est pas seulement causée par une mauvaise gestion économique, mais aussi par une construction sociale qui dépend souvent de décisions politiques et sociales. Comme indiqué en 2015, avec le lancement des Objectifs de développement durable (ODD), il est nécessaire de revitaliser et de renforcer un partenariat mondial « qui regroupe les gouvernements, la société civile, le secteur privé, le système des Nations Unies et d’autres acteurs et mobilise toutes les ressources disponibles ». (5)
De telles initiatives devraient viser à « renforcer et promouvoir l’inclusion sociale, économique et politique de tous » (6) dans la construction d’un progrès équitable.
À cet égard, le Saint-Siège a toujours souligné la valeur fondamentale de la solidarité, qui « doit être vécue comme la décision de rendre aux pauvres ce qui leur appartient » (7). La solidarité doit être articulée au niveau national en tant que subsidiarité, Au niveau international, elle appelle à un engagement plus large en faveur de la coopération internationale. Dans le cadre du programme de 2030, la communauté internationale a choisi la solidarité sur l’égoïsme: la solidarité avec les exclus d’aujourd’hui, la solidarité avec les pauvres de demain, la solidarité avec les générations futures, conformément aux principes qui jettent les bases de réponses concrètes à ceux qui en ont besoin. Suite à l’engagement solennel envers les ODD en 2015, la communauté mondiale exige l’engagement de toutes les parties prenantes dans la facilitation de la coopération internationale et dans la planification et la mise en œuvre d’un cadre global pour la protection de la dignité humaine et la promotion du développement humain intégral. Pour que les gens évitent l’indignité de l’extrême pauvreté, nous devons leur permettre d’être des agents de leur propre destinée. Par conséquent, toutes les personnes doivent avoir accès aux conditions et aux ressources qui leur permettent de développer dans toute la mesure de leur dignité humaine, leurs droits et leurs responsabilités dignes de Dieu.
En conclusion, Monsieur le Président,
La lutte contre la pauvreté nous appelle à des engagements plus poussés et à des actions concrètes de solidarité, visant à concevoir et à mettre en œuvre des projets véritablement axés sur le bien commun, qui met l’accent sur la coopération et la participation de tous les acteurs locaux, nationaux, régionaux et mondiaux. Réfléchissant sur la situation du monde d’aujourd’hui, le pape François dénonce l’autonomie absolue des marchés et de la spéculation financière et exhorte à attaquer les causes structurelles de l’inégalité, qu’il définit comme « la racine des maux sociaux » (8). Réaliser l’éradication de l’extrême pauvreté exige « plus que la croissance économique. […] Cela nécessite des décisions, des programmes, des mécanismes et des processus spécifiquement axés sur une meilleure répartition du revenu, la création de sources d’emploi et une promotion intégrale des pauvres qui va au-delà d’une simple mentalité du bien-être » (9).
Je vous remercie, Monsieur le Président.
(1) Rapport du Rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme.
(2) Oxfam, “An economy for the 99%”, janvier 2017.
(3) World Bank Open Data, http://www.worldbank.org/en/understanding-poverty.
(4) Pape François, Discours au Comité exécutif du Programme alimentaire mondial, 13 juin 2016.
(5) Objectif de développement durable 17.
(6) Objectif de développement durable 10.
(7) Pape François, exhortation apostolique, Evangelii Gaudium, N. 189.
(8) Ibidem, N. 202.
(9) Ibidem, N. 204.
© Traduction de Zenit, Constance Roques

Share this Entry

Constance Roques

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel